Stratégies de prise de décisions clinique

ParBrian F. Mandell, MD, PhD, Cleveland Clinic Lerner College of Medicine at Case Western Reserve University
Vérifié/Révisé juill. 2024
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L'une des stratégies les plus couramment utilisées dans la prise de décision clinique s'inspire de la méthode scientifique de génération d'hypothèses suivie du test de ces hypothèses. Les hypothèses diagnostiques sont ensuite acceptées ou rejetées en fonction des tests.

Génération d'hypothèses

La génération d'hypothèses consiste à identifier les principales possibilités diagnostiques (diagnostic différentiel) qui pourraient rendre compte du problème clinique du patient. La plainte principale du patient (p. ex., douleur thoracique) et les données démographiques de base (âge, sexe, groupe ethnique) sont les points de départ du diagnostic différentiel, qui est habituellement généré par une reconnaissance de schémas diagnostiques. À chaque élément de la liste des possibilités est idéalement assigné une probabilité estimée, ou vraisemblance, qu'elle soit le bon diagnostic (probabilité pré-test, pour un exemple, voir tableau Diagnostic différentiel hypothétique et probabilités pré- et post-test).

Les médecins utilisent souvent des termes vagues tels que "hautement probable", "improbable" et "impossible à exclure" pour décrire la probabilité d'une maladie. Les médecins et les patients peuvent mal interpréter ces termes semi-quantitatifs; une terminologie statistique explicite doit être utilisée en son lieu et place si et quand elle est disponible. Les calculs mathématiques peuvent permettre la prise de décision et, même lorsque des chiffres exacts ne sont pas disponibles. Cependant, des "nombres" spécifiques ne sont générés qu'à partir d'une petite fraction du total des patients cliniques et ne sont donc encore que des estimations.

Probabilité et odds

La probabilité d'une maladie (ou d'un événement) chez un patient dont les informations cliniques sont inconnues est la fréquence avec laquelle la maladie ou l'événement apparaît dans une population. Les probabilités varient de 0,0 (impossible) à 1,0 (certain) et sont souvent exprimées sous la forme de pourcentages (de 0 à 100). Une maladie qui se produit chez 2 patients sur 10 a une probabilité de 2/10 (0,2 ou 20%). Arrondir les très petites probabilités à 0, excluant ainsi toute possibilité de maladie (parfois dans un raisonnement clinique implicite), peut être trompeur.

Les odds représentent le rapport entre le nombre de patients atteints et non atteints (c'est-à-dire, le rapport maladie, pas de maladie). Ainsi, une maladie qui survient chez 2 patients sur 10 (probabilité de 2/10) a un odds de 2/8 (0,25, souvent exprimé comme 1 à 4). Odds (Ω) et probabilités (p) peuvent être convertis l'un dans l'autre, par la formule Ω = p/(1 p) ou p = Ω/(1 + Ω).

Test des hypothèses

Le diagnostic différentiel initial basé sur la plainte principale et la démographie est souvent très large, de sorte que le médecin génère d'abord et filtre ensuite les possibilités hypothétiques par une anamnèse détaillée et un examen clinique dirigé pour soutenir ou réfuter les diagnostics suspectés. Par exemple, chez un patient souffrant de douleurs thoraciques, des antécédents de douleurs et de gonflement de la jambe, une jambe douloureuse détectée à l'examen accroît la probabilité d'embolie pulmonaire.

Lorsque l'anamnèse et l'examen clinique sont évidents, un diagnostic présomptif est posé. Dans un premier temps, les antécédents du patient sont essentiels pour former une hypothèse diagnostique, ce qui conduit à un examen clinique ciblé qui supporte ou réfute cette hypothèse et permet d'établir une probabilité pré-test de diagnostic (1).

Les tests diagnostiques sont utilisés lorsque des incertitudes persistent après l'anamnèse et l'examen clinique, en particulier lorsque les maladies dont on évoque le diagnostic sont graves ou que leur traitement est dangereux ou coûteux. Les résultats des tests vont ultérieurement modifier les probabilités des différents diagnostics (probabilités post-tests). Par exemple, le tableau Diagnostic différentiel hypothétique et probabilités pré-test et post-test montre comment les résultats supplémentaires selon lesquels le patient hypothétique présentait une douleur et un gonflement des jambes et un ECG et une radiographie thoracique normaux modifient les probabilités diagnostiques, la probabilité de syndrome coronarien aigu, l'anévrisme disséquant de l'aorte thoracique et le pneumothorax diminuent et la probabilité d'embolie pulmonaire augmente. Les modifications de ces probabilités peuvent conduire à pratiquer des examens supplémentaires (dans cet exemple, probablement une angio-TDM du thorax) qui modifient ultérieurement une probabilité post-test et, dans certains cas, confirme ou réfute le diagnostic.

Intuitivement, il peut sembler que la somme des probabilités de toutes les possibilités diagnostiques doive être égale à près de 100% et qu'un seul diagnostic puisse être tiré à partir d'une symptomatologie clinique complexe. Cependant, l'application du principe selon lequel la meilleure explication pour une situation complexe comprend une seule cause (souvent désigné comme le rasoir d'Occam) peut mener les médecins dans une fausse direction. L'application stricte de ce principe réduit la possibilité qu'un patient puisse présenter plus d'une maladie active. Par exemple, un patient souffrant de BPCO (broncho-pneumopathie chronique obstructive) dyspnéïque connu peut être présumé présenter une exacerbation de la BPCO, mais aussi souffrir d'une embolie pulmonaire ou d'une insuffisance cardiaque.

Tableau
Tableau

Référence sur le test des hypothèses

  1. 1. Garibaldi BT, Olson APJ: The Hypothesis-Driven Physical Examination. Med Clin North Am. 2018;102(3):433-442. doi:10.1016/j.mcna.2017.12.005

Estimations des probabilités et du seuil de test

Même lorsque le diagnostic est incertain, l'examen n'est pas toujours utile. Un examen doit être réalisé uniquement lorsque les résultats auront une incidence sur la prise en charge. Lorsque la probabilité de maladie pré-test est supérieure à un certain seuil, le traitement est justifié (seuil de traitement) et l'essai peut ne pas être indiqué.

Au-dessous du seuil de traitement, le test n'est indiqué que si un résultat de test positif augmenterait la probabilité post-test au-dessus du seuil de traitement. La plus faible probabilité pré-test à laquelle cela peut être observé dépend des caractéristiques du test et est appelé seuil de test.

Estimations des probabilités et du seuil thérapeutique

La probabilité de maladie à laquelle, et au-dessus de laquelle, le traitement est administré et aucun autre examen n'est justifié, est appelé le seuil thérapeutique.

L'exemple hypothétique présenté ci-dessus d'un patient souffrant de douleurs thoraciques montre une convergence vers un diagnostic quasiment certain (98% de probabilité). Lorsque le diagnostic d'une maladie est certain, la décision de traiter est la certitude qu'il existe un bénéfice à traiter (par rapport à l'absence de traitement et en tenant compte des effets indésirables potentiels de ce dernier). Lorsque le diagnostic présente un certain degré d'incertitude, comme c'est presque toujours le cas, la décision de traiter doit également évaluer le bénéfice du traitement d'un patient par rapport au risque de traiter à tort un patient bien portant ou un patient porteur d'un autre trouble; les avantages et les risques doivent prendre en compte les conséquences financières, sociales et médicales. Cet équilibre doit tenir compte à la fois de la probabilité de la maladie et de l'importance des avantages et des risques. Cet équilibre détermine là où le médecin place le seuil thérapeutique. La décision finale de traiter doit tenir compte des préférences du patient chaque fois qu'elles peuvent être déterminées.

Pièges à éviter

  • Lorsque le diagnostic présente un certain degré d'incertitude, la décision de traiter doit évaluer le bénéfice du traitement d'un patient en fonction du diagnostic présumé par rapport au risque de traiter à tort un patient bien portant ou un patient porteur d'un autre trouble.

Conceptuellement, si le bénéfice du traitement est très élevé et si le risque est très faible (comme donner un antibiotique sans danger à un patient souffrant de diabète mais qui présente peut-être une infection mettant en jeu le pronostic vital), les médecins ont tendance à accepter une haute incertitude diagnostique et peuvent décider de débuter un traitement, même si la probabilité d'infection est relativement faible (p. ex., 30%, voir figure Variation du seuil thérapeutique en fonction du risque thérapeutique). Cependant, lorsque le risque du traitement est très élevé (comme dans le cas d'une pneumonectomie pour un possible cancer du poumon), les médecins veulent être extrêmement sûr du diagnostic et ne recommandent le traitement que lorsque la probabilité de cancer est très élevée, peut-être > 95% (voir figure). Il est à noter que le seuil thérapeutique ne correspond pas nécessairement à la probabilité à laquelle une maladie peut être considérée comme confirmée ou infirmée. Il intervient lorsque le risque de ne pas traiter est supérieur au risque de traiter.

Variation du seuil thérapeutique en fonction du risque thérapeutique

Les lignes horizontales représentent les probabilités post-test.

Quantitativement, le seuil thérapeutique peut être décrit comme le point où la probabilité de la maladie (p) multipliée par le bénéfice qu'il y a à traiter un patient porteur de la maladie (B) est égal à la probabilité qu'il n'y ait aucune maladie (1 p) multipliée par le risque de traiter une personne saine (R). Ainsi, au seuil thérapeutique

p × B = (1 p) × R

En calculant p, cette équation se réduit à

p = R/(B + R)

À partir de cette équation, il est évident que si B (bénéfice) et R (risque) sont égaux, le seuil thérapeutique devient 1/(1 + 1) = 0,5, ce qui signifie que lorsque la probabilité de maladie est > 50%, les médecins traiteraient et lorsque la probabilité est < 50%, les médecins ne traiteraient pas.

Un patient souffrant de douleurs thoraciques constitue un bon exemple clinique. Quelle doit être la probabilité clinique d'infarctus du myocarde aigu avant que le traitement thrombolytique ne soit administré, sachant que le seul risque pris en compte est la mortalité à court terme? S'il est postulé (comme exemple) que la mortalité due à une hémorragie intracrânienne due à un traitement thrombolytique est de 1%, alors R vaut 1%, c'est-à-dire, la létalité d'un patient qui n'a pas d'infarctus du myocarde mais qui est traité. Si la mortalité nette en cas d'infarctus du myocarde est abaissée de 3% par un traitement thrombolytique, alors B est à 3%. Alors, le seuil thérapeutique est 1/(3 + 1) ou 25%; le traitement doit donc être administré si la probabilité d'infarctus du myocarde aigu est > 25%.

Comme alternative, l'équation du seuil thérapeutique peut être présentée de façon différente pour montrer que le seuil thérapeutique est le point où la probabilité de maladie p/(1 p) est égale au rapport risque:bénéfice (R/B). Le même résultat numérique est obtenu comme dans l'exemple décrit précédemment, lorsque le seuil thérapeutique se trouve au niveau de la probabilité du rapport risque: bénéfice (1/3); le risque de 1/3 correspond à la probabilité précédemment obtenue de 25% (voir probabilité et odds).

Limitations des méthodes de décision quantitatives

La prise de décision clinique quantitative semble précise, mais de nombreux éléments de calcul (p. ex., probabilité pré-test) étant souvent mal connus (si même ils ne sont pas inconnus), cette méthodologie est difficile à utiliser dans tous les cas sauf dans les cas cliniques les mieux définis et documentés. En outre, la philosophie du patient en matière de soins médicaux (c'est-à-dire, la tolérance au risque et l'incertitude) doivent également être prises en compte dans un processus décisionnel partagé. Par exemple, bien que les lignes directrices cliniques ne recommandent pas de commencer un traitement à vie par des médicaments abaissant l'urate après une première crise de goutte, certains patients préfèrent commencer un tel traitement immédiatement parce qu'ils veulent absolument éviter une deuxième crise.

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