Dans le trouble dissociatif de l’identité, autrefois appelé trouble de personnalité multiple, deux ou plusieurs identités prennent tour à tour le contrôle d’une même personne. Ces identités peuvent avoir des schémas de langage, de tempérament et de comportement différents de ceux normalement associés à la personne. Par ailleurs, la personne ne se souvient pas d’informations qui sont normalement faciles à retenir, comme des événements de tous les jours, des informations personnelles importantes et/ou des événements traumatiques ou stressants.
Un stress extrême durant l’enfance peut empêcher certains enfants d’intégrer leurs expériences au sein d’une identité cohésive.
Les personnes atteintes ont deux ou plusieurs identités et des trous de mémoire sur les événements de tous les jours, les informations personnelles importantes et les événements traumatiques ou stressants, ainsi que beaucoup d’autres symptômes, y compris la dépression et l’anxiété.
Un entretien psychiatrique attentif ainsi que des questionnaires particuliers, parfois facilités par l’hypnose ou par l’administration de sédatifs, aident le médecin à poser le diagnostic.
Une psychothérapie complète peut aider la personne à intégrer ses identités ou au moins à faciliter la coopération de ces identités.
(Voir aussi Présentation des troubles dissociatifs.)
Le trouble dissociatif de l’identité est rare et le nombre de personnes qui en sont atteintes est inconnu.
Le trouble dissociatif de l’identité peut prendre deux formes :
expérience de possession
sans expérience de possession
Dans la forme avec possession, les différentes identités de la personne semblent être des agents extérieurs qui prennent le contrôle de la personne. Ces agents extérieurs peuvent être décrits comme des êtres ou esprits surnaturels (souvent un démon ou un dieu, qui peut exiger une punition pour des actions passées), mais parfois il s’agit d’une autre personne (souvent une personne décédée, parfois de manière spectaculaire). Dans tous les cas, la personne parle et agit très différemment de la façon dont elle le fait normalement. De ce fait, les différentes identités sont évidentes pour les autres. Dans de nombreuses cultures, des états de possession comparables font partie intégrante de la culture locale ou de la religion et ne sont pas considérés comme un trouble. En revanche, dans le trouble dissociatif de l’identité, l’alter ego est indésirable, provoque une souffrance et une altération du fonctionnement considérables, et apparaît à des moments et des endroits inappropriés compte tenu de la situation sociale, de la culture, et/ou de la religion de la personne atteinte.
Les formes sans possession ont tendance à être moins évidentes pour les autres, bien qu’elles puissent présenter un changement soudain d’affect ou de comportement interpersonnel. La personne peut ressentir une brusque altération de sa conscience de soi, peut-être le sentiment qu’elle est l’observatrice de son propre discours, de ses émotions, actes, plutôt que l’agent.
Causes du trouble dissociatif de l’identité
Le trouble dissociatif de l’identité survient généralement chez des personnes qui ont connu un stress ou un traumatisme intense au cours de l’enfance. Aux États-Unis, au Canada et en Europe, près de 90 % des personnes atteintes de ce trouble ont été sévèrement maltraitées (physiquement, sexuellement, ou émotionnellement) ou négligées durant l’enfance. Certaines personnes n’ont pas été maltraitées mais ont subi une perte précoce importante (comme la mort d’un parent), une maladie grave ou d’autres événements extrêmement stressants.
Au fur et à mesure qu’un enfant se développe, il doit apprendre à intégrer des types d’informations et d’expériences compliqués et différents dans une identité personnelle cohésive et complexe. Les maltraitances physiques et sexuelles qui ont lieu pendant l’enfance, alors que l’identité personnelle se développe, peuvent avoir des effets prolongés sur la capacité de la personne à former une identité unique, unifiée, en particulier lorsque les agresseurs sont des parents ou des soignants.
Les enfants maltraités peuvent passer par des phases où les différentes perceptions, les souvenirs et les émotions de leurs expériences de vie sont tenus en isolement. Cette séparation des expériences est exacerbée par le fait que les parents ou d’autres soignants se comportent de façon incohérente au fil du temps (par exemple, en étant tour à tour affectueux ou abusifs), un comportement appelé traumatisme de trahison. Avec le temps, ces enfants peuvent développer une capacité croissante à échapper à la maltraitance en « s’en allant », en se détachant de leur environnement physique difficile ou en se réfugiant dans leur propre imagination. Chaque phase ou expérience traumatique peut être utilisée pour produire une identité différente.
Toutefois, si ces enfants vulnérables sont suffisamment protégés et aidés par des adultes véritablement soucieux, le trouble dissociatif de l’identité a moins de risque de se développer.
Symptômes du trouble dissociatif de l’identité
Le trouble dissociatif de l’identité est chronique et potentiellement invalidant, bien que de nombreuses personnes fonctionnent très bien et mènent une vie créative et productive.
Plusieurs symptômes sont typiques du trouble dissociatif de l’identité.
Amnésie
L’amnésie est caractérisée par :
Des événements personnels passés que l’on ne peut pas se remémorer : par exemple, la personne peut ne pas se souvenir de certaines périodes de l’enfance ou de l’adolescence.
Des événements actuels quotidiens et des compétences apprises dont on ne peut pas se souvenir : par exemple, les personnes atteintes peuvent oublier temporairement comment se servir d’un ordinateur.
La découverte de preuves de choses que les personnes ont faites mais dont elles ne se souviennent pas.
Les personnes peuvent avoir le sentiment d’avoir été « absentes » (ou d’avoir perdu) un certain temps.
Après un épisode d’amnésie, elles peuvent découvrir des objets dans leurs placards à la maison ou des passages d’écriture manuelle qu’elles ne parviennent ni à expliquer, ni à reconnaître. Elles peuvent également se trouver dans un endroit différent du dernier lieu où elles se souviennent avoir été, sans savoir pourquoi ni comment elles sont venues là. Elles peuvent ne pas se souvenir de ce qu’elles ont fait ou ne pas pouvoir expliquer leurs changements de comportement. Parfois, on leur dit qu’elles ont dit ou fait des choses dont elles ne se souviennent pas.
Plusieurs identités
Dans la forme avec possession, les différentes identités sont facilement apparentes pour les membres de la famille et d’autres observateurs. La personne parle et agit d’une manière différente de façon évidente, comme si une autre personne ou un autre être avait pris possession d’elle.
Dans la forme sans possession, les différentes identités ne sont souvent pas aussi apparentes pour les observateurs, bien que la personne puisse manifester un changement soudain dans son comportement et ses relations avec les autres. Plutôt que d’agir comme si un autre être avait pris possession d’elles, les personnes atteintes de cette forme de trouble dissociatif de l’identité peuvent se sentir détachées de certains aspects d’elles-mêmes (dépersonnalisation), comme si elles se regardaient dans un film ou comme si elles voyaient une autre personne. Elles peuvent se mettre brusquement à penser, ressentir, dire, et faire des choses qu’elles ne contrôlent pas et qui ne semblent pas leur appartenir. Leurs attitudes, opinions, et préférences (par exemple, concernant la nourriture, les vêtements, ou les centres d’intérêt) peuvent changer d’un coup, puis revenir à ce qu’elles étaient. Certains de ces symptômes, tels que les changements concernant les préférences alimentaires, peuvent être observés par d’autres.
Les personnes atteintes ressentent leur corps différemment (par exemple, comme celui d’un très jeune enfant, ou de quelqu’un du sexe opposé) et pensent qu’il ne leur appartient pas. Elles peuvent faire référence à elles-mêmes à la première personne du pluriel (nous) ou à la troisième personne (il, elle, ils, elles), parfois sans en connaître la raison.
Certaines des personnalités de la personne sont conscientes d’informations personnelles importantes que les autres personnalités ne connaissent pas. Certaines personnalités semblent connaître les autres et interagir avec elles dans un travail intérieur élaboré. Par exemple, la personnalité A peut connaître la personnalité B et savoir ce que fait B, comme si elle observait son comportement. La personnalité B peut ou non connaître la personnalité A, et ainsi de suite avec les autres personnalités présentes. Les changements de personnalité ainsi que la méconnaissance du comportement des autres personnalités rendent souvent la vie chaotique.
Comme les identités interagissent les unes avec les autres, les personnes atteintes signalent parfois qu’elles entendent des voix. Les voix peuvent être des conversations internes entre les identités ou peuvent s’adresser à la personne directement, parfois en commentant les comportements de la personne. Plusieurs voix peuvent parler en même temps et cela peut être très déroutant.
Les personnes atteintes de trouble dissociatif de l’identité sont également sujettes à des intrusions d’identités, de voix ou de souvenirs dans leurs activités de tous les jours. Par exemple, au travail, une identité en colère peut se mettre soudain à crier sur un collègue ou un supérieur.
Autres symptômes
Les personnes qui présentent un trouble dissociatif de l’identité décrivent souvent un ensemble de symptômes pouvant ressembler à ceux d’autres troubles mentaux ainsi que de nombreux autres troubles médicaux généraux. Elles développent, par exemple, des céphalées sévères ou d’autres douleurs. Différents groupes de symptômes se manifestent à des moments différents. Certains de ces symptômes peuvent témoigner de la présence d’une autre affection, mais d’autres peuvent refléter l’intrusion d’expériences passées dans le présent. La tristesse, par exemple, peut indiquer la coexistence d’une dépression, mais peut également signifier que l’une des personnalités revit des émotions associées à des malheurs passés.
De nombreuses personnes atteintes de trouble dissociatif de l’identité souffrent de dépression et d’anxiété. Elles sont enclines à se faire du mal. Des troubles liés à l’usage de substances, des épisodes d’automutilation, et des comportements suicidaires (pensées et tentatives) sont fréquents, tout comme les troubles de la fonction sexuelle (voir Dysfonction sexuelle chez les hommes et Troubles de la fonction sexuelle chez la femme). Comme beaucoup de personnes ayant connu des maltraitances, elles peuvent rechercher ou rester dans des situations dangereuses et peuvent être victimes de nouveaux traumatismes.
En plus d’entendre des voix d’autres identités, la personne peut être sujette à d’autres types d’hallucinations (visuelles, tactiles, olfactives, ou gustatives). Les hallucinations peuvent survenir dans le contexte d’un flashback. De ce fait, le trouble dissociatif de l’identité peut être diagnostiqué à tort comme un trouble psychotique, tel que la schizophrénie. Cependant, ces symptômes hallucinatoires diffèrent des hallucinations caractéristiques des troubles psychotiques. Les personnes atteintes de trouble dissociatif de l’identité vivent ces symptômes comme venant d’un alter ego, à l’intérieur de leur tête. Par exemple, elles peuvent avoir l’impression que quelqu’un d’autre veut pleurer en utilisant leurs yeux. Les schizophrènes pensent, en général, que la source est extérieure, en dehors d’eux-mêmes.
Souvent, les personnes tentent de dissimuler ou de minimiser leurs symptômes et l’effet qu’ils ont sur les autres.
Diagnostic du trouble dissociatif de l’identité
Une évaluation médicale, basée sur des critères diagnostiques spécifiques du Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux, cinquième édition, révision du texte (DSM-5-TR)
Les médecins diagnostiquent un trouble dissociatif de l’identité sur la base de l’histoire de la personne et des symptômes :
Les personnes ont deux identités ou plus, et leur sentiment d’être elles-mêmes et de pouvoir agir comme étant elles-mêmes est perturbé.
Elles ont des trous de mémoire pour les événements quotidiens, les informations personnelles importantes et les événements traumatisants, des informations qui ne seraient normalement pas oubliées.
Elles sont très perturbées par leurs symptômes, ou leurs symptômes les rendent incapables de fonctionner dans des situations sociales ou au travail.
Le médecin mène un entretien psychiatrique approfondi et utilise des questionnaires particuliers, développés pour faciliter l’identification du trouble dissociatif de l’identité et écarter d’autres troubles mentaux. Un examen clinique et des analyses biologiques peuvent être nécessaires pour déterminer si la personne présente un trouble médical qui pourrait expliquer certains symptômes.
Les entretiens sont parfois longs et nécessitent un recours prudent à l’hypnose ou à l’administration intraveineuse d’un sédatif afin de détendre la personne (entretien facilité par l’administration d’un médicament). Le médecin peut aussi demander à la personne de tenir un journal entre les consultations médicales. Ces mesures peuvent permettre au médecin de découvrir les autres identités ou de favoriser la révélation par la personne d’informations relatives à une période oubliée.
Le médecin peut également tenter de contacter directement les autres identités en demandant de parler à la partie du cerveau impliquée dans les comportements dont la personne ne peut se souvenir ou qui semblent provenir d’une autre personne.
Les médecins peuvent habituellement distinguer le trouble dissociatif de l’identité de la simulation (simuler des symptômes physiques ou psychologiques pour obtenir un bénéfice). Les simulateurs peuvent réaliser les actions suivantes :
Avoir tendance à surdéclarer les symptômes bien connus du trouble et à sous-déclarer les autres
Avoir tendance à créer des identités alternatives stéréotypées
Sembler souvent apprécier l’idée d’avoir le trouble (les personnes atteintes d’un trouble dissociatif de l’identité essaient souvent de le cacher)
Si les médecins soupçonnent une simulation, ils peuvent également vérifier les informations provenant de plusieurs sources pour vérifier les incohérences qui excluent un trouble dissociatif de l’identité.
Traitement du trouble dissociatif de l’identité
Soins d’accompagnement, notamment les médicaments nécessaires pour traiter les symptômes associés
Psychothérapie
Parfois, imagination guidée et hypnose
L’objectif du traitement du trouble dissociatif de l’identité consiste en général à intégrer les différentes personnalités en une seule. Cependant, cela n’est pas toujours possible. Dans ce cas, on essaie d’obtenir une interaction harmonieuse entre les différentes personnalités, ce qui permet un fonctionnement plus normal.
Le traitement médicamenteux peut soulager certains symptômes particuliers associés, tels que l’anxiété ou la dépression, mais n’agit pas sur le trouble lui-même.
La psychothérapie est le principal traitement utilisé pour intégrer les différentes identités.
La psychothérapie est souvent longue, ardue et émotionnellement douloureuse. La personne peut vivre de nombreuses crises émotionnelles dues aux actions des différentes identités et au désespoir qui peut apparaître quand les événements traumatiques sont remémorés pendant la thérapie. Plusieurs hospitalisations en milieu psychiatrique peuvent être nécessaires pour l’aider à surmonter les moments difficiles et affronter les souvenirs particulièrement douloureux. Au cours de l’hospitalisation, la personne est soutenue en permanence et suivie.
Les composantes essentielles d’une psychothérapie efficace pour traiter un trouble de l’identité comprennent :
Fournir un moyen de stabiliser les émotions intenses
Négocier les rapports entre les différentes identités
Travailler sur les souvenirs traumatiques
Protéger contre de nouveaux traumatismes
Établir et renforcer une bonne relation entre la personne et le psychothérapeute
Parfois, le psychothérapeute utilise des techniques telles que l’hypnose pour aider les personnes atteintes à se calmer, changer leur point de vue sur les événements et progressivement les désensibiliser face aux effets des souvenirs traumatiques, qui sont parfois tolérés uniquement à faibles doses. L’hypnose peut parfois aider les personnes à apprendre à accéder à leurs identités, à faciliter la communication entre elles et à contrôler les changements entre elles.
Pronostic du trouble dissociatif de l’identité
Certains symptômes peuvent apparaître et disparaître d’eux-mêmes, mais le trouble dissociatif de l’identité ne guérit pas spontanément.
Le rétablissement d’une personne dépend des symptômes et des caractéristiques qu’elle présente et de la qualité et de la durée du traitement qu’elle reçoit. Il est, par exemple, bien plus difficile pour une personne qui souffre d’autres troubles mentaux sévères, qui présente des dysfonctionnements dans sa vie ou qui reste profondément attachée à son agresseur. La personne peut nécessiter un traitement plus long et le traitement est moins efficace.