Transplantation hépatique

ParMartin Hertl, MD, PhD, Rush University Medical Center
Vérifié/Révisé août 2022
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La transplantation hépatique est le 2e type le plus fréquent de transplantation d'organe solide. (Voir aussi Revue générale des transplantations.)

Les indications de la transplantation hépatique comprennent

  • La cirrhose (70% des transplantations aux États-Unis, dont 10 à 20% sont attribuées à l'hépatite C)

  • La nécrose hépatique fulminante (environ 8%)

  • Le carcinome hépatocellulaire (environ 7%)

  • L'atrésie biliaire et les troubles du métabolisme, principalement chez l'enfant (environ 3% chacun)

  • Autres troubles cholestatiques (p. ex., cholangite sclérosante primitive) et non cholestatiques (p. ex., hépatite auto-immune) (environ 8%)

Dans le carcinome hépatocellulaire, la transplantation est indiquée en cas de présence d'1 tumeur < 5 cm ou jusqu'à 3 tumeurs < 3 cm. Ces critères, ainsi que l'absence d'implication des vaisseaux extrahépatiques et majeurs, répondent aux critères de Milan, utilisés pour évaluer l'indication de la transplantation hépatique chez les patients atteints de cirrhose et de carcinome hépatocellulaire. En cas de métastases hépatiques, la transplantation n'est indiquée que pour les tumeurs neuroendocriniennes sans atteinte extrahépatique après ablation de la tumeur primitive.

Les contre-indications absolues à la transplantation hépatique sont

  • Une pression intracrânienne élevée (> 40 mmHg) ou une basse pression de perfusion cérébrale (< 60 mmHg) chez des patients présentant une nécrose hépatique fulminante

  • Une hypertension artérielle pulmonaire sévère (pression artérielle pulmonaire moyenne > 50 mmHg)

  • Un sepsis

  • Un carcinome hépatocellulaire ou métastatique avancé

Toutes ces conditions conduisent à des résultats peu favorables pendant ou après la transplantation.

Donneurs de foie

Presque tous les dons de foie proviennent de donneurs décédés à cœur battant, dont la taille du foie et le groupe ABO correspondent à celui du receveur. Le typage tissulaire prospectif et la concordance HLA (human leukocyte antigen) ne sont pas toujours nécessaires. Des greffes de foie avec incompatibilité ABO ont été effectuées avec succès chez des enfants de < 2 ans; chez les enfants plus âgés et les adultes, ces greffes ne sont pas effectuées en raison d'un risque élevé de rejet et de lésions des voies biliaires (ductopénie) avec cholestase, qui exige une retransplantation.

Chaque année, plus de 500 greffes aux États-Unis proviennent de donneurs vivants, qui peuvent vivre sans leur lobe droit (la transplantation adulte-adulte) ou le segment latéral de leur lobe gauche (dans la transplantation adulte-enfant). Les avantages d'un donneur vivant pour le receveur comprennent une attente moins longue et une durée d'ischémie froide plus courte pour les organes explantés, en grande partie en raison de la possibilité de programmer la transplantation pour optimiser les conditions de l'état du patient. Les inconvénients pour le donneur sont une mortalité de 1/600 à 1/700 (contre 1/3300 en cas de transplantation rénale par donneur vivant), ainsi que des complications (p. ex., fuite biliaire, hémorragie) qui peuvent atteindre jusqu'à un quart des patients. Les médecins doivent faire tout ce qui est possible pour prévenir toute coercition psychologique sur les donneurs.

Quelques foies proviennent de donneurs à cœur arrêté (appelés donneurs après-mort cardiaque), mais dans ces cas, des complications biliaires se développent chez près d'un tiers des bénéficiaires parce que le foie a été lésé par l'ischémie avant le don.

Les facteurs de risque d'échec de la greffe provenant de donneurs (décédés ou vivants) chez le receveur comprennent

  • Âge > 50 ans

  • Stéatose hépatique

  • Enzymes hépatiques augmentés, bilirubine élevée, ou les deux

  • Séjour prolongé en soins intensifs

  • Hypotension nécessitant des vasopresseurs

  • Hypernatrémie

  • Peut-être transplantation à partir de donneurs de sexe féminin sur des donneurs de sexe masculin

Mais le déséquilibre entre l'offre et la demande étant encore plus important pour les transplantations hépatiques (et en augmentation car les cirrhoses induites par une hépatite sont de plus en plus fréquentes), les foies provenant de donneurs de > 50 ans et ayant subi une ischémie froide plus longue, les foies présentant une stéatose et ceux porteurs d'une hépatite virale (transplantations à des receveurs présentant une cirrhose induite par une hépatite virale) sont de plus en plus utilisés.

D'autres techniques pour améliorer les apports comprennent

  • Transplantation hépatique split: les foies de donneurs décédés sont divisés en lobes droit et gauche ou en lobe droit et segment latéral gauche (fait en in ou en ex situ) et greffés à 2 bénéficiaires

  • Transplantation domino: parfois, un foie de donneur décédé est transplanté à un receveur atteint d'une maladie infiltrative (p. ex., amylose) et le foie prélevé est transplanté chez un patient âgé, pouvant tirer un bénéfice du foie malade greffé, mais dont l'espérance de vie ne semble pas suffisamment longue pour que se produisent les effets indésirables liés au dysfonctionnement de l'organe transplanté.

Malgré ces innovations, nombre de patients décèdent dans l'attente de la transplantation. Les dispositifs d'assistance hépatique (perfusion extracorporelle de suspension d'hépatocytes mis en culture ou de lignées cellulaires immortalisées issues d'hépatome) sont utilisés dans certains centres pour maintenir le patient en vie jusqu'à ce qu'un foie soit disponible ou jusqu'à résolution d'un dysfonctionnement aigu.

Distribution des organes

En ce qui concerne la distribution des organes disponibles, les patients sur la liste d'attente nationale des USA sont classés selon un score pronostique fondé sur la créatininémie, la bilirubinémie et les dosages de l'INR (qui utilise le score MELD Model of End-Stage Liver Disease [MELD] chez l'adulte) ou sur l'âge et l'albumine sérique, la bilirubinémie, l'INR et l'évaluation du retard de croissance (qui utilise le modèle Pediatric End-Stage Liver Disease [PELD] chez l'enfant). MELD ([Model of End-Stage Liver Disease]) et score PELD (Pediatric End-Stage Liver Disease) sont des formules qui sont utilisées pour calculer la probabilité de décès de malade d'une maladie du foie en attente de transplantation hépatique. Le score MELDNa est similaire, mais inclut le taux de sodium dans le calcul. Priorité pour les organes de donneurs appariés est donnée aux patients les plus susceptibles de mourir. En cas de carcinome hépatocellulaire, un score est attribué pour refléter le risque de mortalité en fonction de la taille de la tumeur et du temps d'attente.

Procédure

Les foies de donneurs décédés sont prélevés après que la laparotomie exploratrice aura confirmé l'absence de carcinome hépatocellulaire avancé ou métastatique, ce qui empêcherait la transplantation. Les donneurs vivants subissent une résection segmentaire ou lobaire.

Les foies prélevés sont perfusés et stockés dans une solution de conservation glacée jusqu'à 18 heures avant la transplantation; l'incidence de non fonctionnement du greffon et des lésions biliaires de type ischémie augmentent en cas de conservation prolongée.

L'hépatectomie du receveur représente la partie la plus délicate de l'intervention, car elle est souvent réalisée chez des patients qui présentent une hypertension portale et des troubles de la coagulation. Les pertes de sang peropératoires peuvent atteindre > 100 unités dans de rares cas, mais l'utilisation d'une machine de récupération du sang et de dispositifs d'autotransfusion peut réduire de 5 à 10 unités la nécessité d'un recours à des transfusions allogéniques. Après hépatectomie, la veine cave supérieure du greffon du donneur est anastomosée à la veine cave du receveur par une anastomose latéroterminale ("technique" du piggy-back). Les veines portes du donneur et du receveur, les artères hépatiques et les voies biliaires sont ensuite anastomosées. Avec cette technique, une dérivation externe n'est pas nécessaire pour transporter le sang veineux de la veine porte à la circulation sanguine systémique. La transplantation hépatique hétérotopique (pas en position normale) apporte un foie auxiliaire et évite plusieurs difficultés techniques, mais les résultats se sont révélés peu encourageants. De plus, cette technique est encore expérimentale.

Les protocoles immunosuppresseurs sont variables (voir Immunodépression post-greffe). Souvent, les anticorps monoclonaux antirécepteur IL-2 sont administrés le jour de la transplantation, en association avec un inhibiteur de la calcineurine (cyclosporine ou tacrolimus), du mycophénolate et des corticostéroïdes. Les doses de corticostéroïdes peuvent être réduites en quelques semaines et ils sont souvent stoppés après 3 à 4 mois, sauf en cas d'hépatite auto-immune. La transplantation hépatique nécessite les doses d'immunosuppresseurs les plus faibles comparativement aux autres types de transplantation d'organe.

Complications de la transplantation hépatique

(Voir aussi Complications post-transplantation.)

Rejet

Les allogreffes du foie sont moins agressivement rejetées que les autres allogreffes d'organes pour des raisons inconnues; le rejet suraigu est moins fréquent que prévu chez les patients présensibilisés aux antigènes HLA ou ABO et les immunosuppresseurs peuvent souvent être diminués relativement rapidement et finalement arrêtés. La plupart des épisodes de rejet aigu sont minimes et autolimités, et surviennent au cours des 3 à 6 premiers mois qui suivent la transplantation et n'affectent pas les chances de survie des greffons.

Les facteurs de risque de rejet comprennent

  • Âge plus jeune du receveur

  • Donneur plus âgé

  • Plus grande incompatibilité HLA

  • Ischémies froides plus longues

  • Maladies auto-immunes

Un état nutritionnel dégradé (p. ex., dans l'alcoolisme) semble protecteur.

La symptomatologie et le diagnostic de rejet reposent sur le type de rejet (voir tableau Manifestations du rejet de transplantation hépatique par catégorie). Des symptômes du rejet aigu sont observés chez près de 50% des patients; des symptômes de rejet chronique sont observés dans < 2% des cas.

Tableau

Le diagnostic différentiel du rejet aigu comprend une hépatite virale (p. ex., infection à cytomégalovirus ou à virus Epstein-Barr; hépatite B et/ou C récurrente), toxicité des inhibiteurs de la calcineurine et cholestase. Le rejet peut être diagnostiqué par une biopsie percutanée à l'aiguille si le diagnostic est cliniquement incertain.

Le rejet suspecté est traité par corticostéroïdes IV; les globulines antithymocyte représentent une option lorsque les corticostéroïdes sont inefficaces (dans 10 à 20% des cas). La nouvelle transplantation est tentée lorsque le rejet est réfractaire aux immunosuppresseurs.

Récidive d'hépatite après transplantation

L'immunosuppression contribue à la récidive de l'hépatite virale dans la cirrhose induite par une hépatite virale avant la transplantation. L'hépatite C récidive chez presque tous les patients; généralement, la virémie et l'infection sont cliniquement silencieuses mais peuvent entraîner une hépatite active et une cirrhose.

Les facteurs de risque de réinfection cliniquement significative peuvent être liés à différentes situations

  • Receveur: p. ex., âge avancé, type HLA, et carcinome hépatocellulaire

  • Donneur: p. ex., âge avancé, infiltration graisseuse, temps d'ischémie prolongé, et donneur vivant

  • Virus: charge virale élevée, de génotype 1B et absence de réponse à l'interféron

  • Événements post-procéduraux: doses d'immunosuppresseurs, rejet aigu traité par des corticoïdes et infection à cytomégalovirus

Les traitements antiviraux récents (p. ex., le télaprévir) ont transformé le traitement des patients atteints des cirrhoses liées à l'hépatite C. Les organes de donneurs provenant de patients infectés par le virus de l'hépatite C sont de plus en plus utilisés, en partie parce qu'une plus grande proportion de la population américaine a une addiction aux opiacés et utilise donc des aiguilles contaminées. Les résultats ont été excellents. Le taux de guérison de l'hépatite C est proche de 100% et le traitement après une greffe de foie réussie chez les patients immunodéprimés est tout aussi efficace. L'hépatite B récidive chez tous les patients mais ils peuvent être traités avec succès par des médicaments antiviraux; la co-infection par l'hépatite D semble protéger de la récidive.

Autres complications

Les complications précoces (dans les 2 mois) de la transplantation hépatique comprennent

  • Non-fonctionnement primaire (c'est-à-dire que le foie ne fonctionne jamais et doit être remplacé d'urgence) dans 1 à 5% des cas

  • Dysfonctionnement mécanique des voies biliaires (p. ex., sténoses anastomotiques ischémiques, fuite biliaire, obstructions canalaires, fuites autour du site du tube en T) dans 15 à 20% des cas

  • Thrombose de la veine porte dans < 5%

  • Thrombose de l'artère hépatique chez 3 à 5% des sujets (en particulier chez le petit enfant ou le receveur de greffons partagés)

  • Anévrisme mycotique ou pseudo-anévrisme de l'artère hépatique, et rupture de l'artère hépatique

Typiquement, la symptomatologie des complications précoces comprend une fièvre, une hypotension et des anomalies du bilan hépatique.

Les complications tardives les plus fréquentes sont

  • Sténoses intra-hépatiques ou anastomotiques du canal biliaire, qui provoquent des symptômes de cholestase et d'angiocholite

Après la transplantation hépatique avec des greffons de donneurs décédés, les sténoses sont particulièrement fréquentes et surviennent chez environ un quart à un tiers des bénéficiaires. Ces sténoses peuvent parfois être traitées endoscopiquement par dilatation par cholangiographique transhépatique percutanée et/ou par endoprothèse, mais au final elles nécessitent souvent une nouvelle transplantation.

Pronostic de la transplantation hépatique

Les taux de survie 1 an après la transplantation hépatique sont

  • Greffes de donneurs vivants: 90% (patients) et 82% (greffons)

  • Greffes de donneurs décédés: 91% (patients) et 85% (greffons)

Les taux globaux de survie sont

  • À 3 ans: 79% (patients) et 72% (greffons)

  • A 5 ans: 73% (patients) et 65% (greffons)

La survie est meilleure en cas d'insuffisance hépatique chronique plutôt qu'aiguë. Une évolution fatale 1 an après la transplantation est habituellement attribuable à une récidive de la maladie initiale (p. ex., cancer, stéatohépatite non alcoolique [NASH]) plutôt qu'à des complications post-transplantation.

Une hépatite C récidivante conduisait à une cirrhose chez 15 à 30% des patients dans les 5 ans, mais les antiviraux actuels ont rendu rare cette évolution. Même l'hépatite C cholestatique post-transplantation à début précoce peut être facilement guérie. Les troubles hépatiques d'origine auto-immune (p. ex., cirrhose biliaire primitive, cholangite sclérosante primitive, hépatite auto-immune) récidivent dans 20 à 30% des cas dans les 5 ans.

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