Syndrome de Stevens-Johnson et nécrolyse épidermique toxique

ParJulia Benedetti, MD, Harvard Medical School
Vérifié/Révisé mai 2024
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Le syndrome de Stevens-Johnson et la nécrolyse épidermique toxique sont des réactions graves d'hypersensibilité cutanée. Les médicaments, en particulier les sulfamides, les antiépileptiques et les antibiotiques, sont les causes les plus fréquentes. Des macules se répandent rapidement et fusionnent, aboutissant à la formation de bulles épidermiques, de nécrose et au décollement cutané. Le diagnostic est habituellement évident avec l'apparition des lésions initiales et du syndrome clinique. Le traitement est un traitement de support; la cyclosporine, la plasmaphérèse ou les immunoglobulines IV, la corticothérapie précoce et les inhibiteurs du TNF (Tumor Necrosis Factor)-alpha ont été utilisés.

Le syndrome de Stevens-Johnson et la nécrolyse épidermique toxique sont cliniquement similaires, sauf en ce qui concerne leur distribution. Selon une définition consensuelle, les lésions affectent < 10% de la surface corporelle dans le syndrome de Stevens-Johnson et > 30% de la surface corporelle dans la nécrolyse épidermique toxique; l'atteinte 10 à 30% de la surface corporelle est considérée comme une superposition de syndrome de Stevens-Johnson-nécrolyse épidermique toxique.

Ces pathologies affectent entre 1 et 9 sujets/million (1). L'incidence et/ou la gravité de ces pathologies peuvent être plus élevées chez les greffés de moelle osseuse, les patients VIH positifs infectés par Pneumocystis jirovecii, en cas de lupus érythémateux disséminé ou d'autres pathologies rhumatologiques chroniques.

Référence générale

  1. 1. Hsu DY, Brieva J, Silverberg NB, Silverberg JI. Morbidity and Mortality of Stevens-Johnson Syndrome and Toxic Epidermal Necrolysis in United States Adults. J Invest Dermatol. 2016;136(7):1387-1397. doi:10.1016/j.jid.2016.03.023

Étiologie du syndrome de Stevens-Johnson et de la nécrolyse épidermique toxique

Les médicaments sont à l'origine de la plupart des cas de syndrome de Stevens-Johnson et de nécrolyse épidermique toxique. Les causes médicamenteuses les plus fréquentes comprennent

  • Les sulfamides (p. ex., sulfasalazine)

  • Autres antibiotiques (p. ex., aminopénicillines [habituellement ampicilline ou amoxicilline], fluoroquinolones, céphalosporines)

  • Médicaments antiépileptiques (p. ex., phénylhydantoïne, carbamazépine, phénobarbital, acide valproïque et ses dérivés, lamotrigine)

  • Les anti-inflammatoires non stéroïdiens (p. ex., piroxicam, méloxicam)

  • Médicaments antirétroviraux (p. ex., névirapine)

  • Divers médicaments spécifiques (p. ex., allopurinol, chlormézanone)

  • Inhibiteurs des points de contrôle immunitaire (1)

Les cas qui ne sont pas dus aux médicaments sont attribués à

Chez les enfants qui font un syndrome de Stevens-Johnson, une infection est la cause la plus probable, et la plupart d'entre elles sont liées à M. pneumoniae.

Rarement, aucune cause ne peut être identifiée.

Référence pour l'étiologie

  1. 1. Zhu J, Chen G, He Z, et al. Stevens-Johnson syndrome/toxic epidermal necrolysis in patients treated with immune checkpoint inhibitors: A safety analysis of clinical trials and FDA pharmacovigilance database. EClinicalMedicine. 2021;37:100951. Publié le 10 juin 2021. doi:10.1016/j.eclinm.2021.100951

Physiopathologie du syndrome de Stevens-Johnson et de la nécrolyse épidermique toxique

Le mécanisme exact du syndrome de Stevens-Johnson et de la nécrolyse épidermique toxique est inconnu; cependant, une théorie veut que chez certains patients un métabolisme médicamenteux altéré (p. ex., incapacité à se débarrasser des métabolites réactifs) entraîne chez certains patients une réaction cytotoxique médiée par les lymphocytes T contre des antigènes présents dans les kératinocytes. Les cellules T CD8+ ont été identifiées comme étant des médiateurs importants de la formation de bulles. Des résultats suggèrent que la granulysine libérée par les lymphocytes T cytotoxiques et les cellules tueuses naturelles pourrait jouer un rôle dans la mort des kératinocytes; la concentration en granulysine dans le liquide des bulles est corrélée avec la gravité de la maladie. L'interleukine-15 s'est également avérée être augmentée chez les patients atteints de syndrome de Stevens-Johnson/nécrolyse épidermique toxique et a été montrée augmenter la production de granulysine.

Une autre théorie est que les interactions entre Fas (un récepteur présent à la surface de la cellule qui induit une apoptose) et ses ligands, en particulier une forme soluble du ligand Fas libéré par les cellules mononucléaires provoquent une mort cellulaire et la formation de bulles.

Une prédisposition génétique au syndrome de Stevens-Johnson/nécrolyse épidermique toxique a été suggérée.

Symptomatologie du syndrome de Stevens-Johnson et de la nécrolyse épidermique toxique

En 1 à 3 semaines après le début de la prise du médicament incriminé, le patient développe un prodrome associant sensation de malaise, fièvre, céphalées, toux, et kératoconjonctivite. Des macules, souvent sous forme de "cocarde", apparaissent alors brutalement, habituellement sur le visage, le cou et la partie supérieure du tronc. Ces lésions apparaissent simultanément ailleurs sur le corps, confluent en de grandes bulles flaccides et se décollent sur une période de 1 à 3 jours. Les ongles et les sourcils peuvent tomber avec l'épithélium. Les paumes et les plantes des pieds peuvent être impliqués. Les douleurs cutanées, muqueuses et oculaires sont courantes. Dans certains cas, un érythème diffus est la première anomalie de la peau dans la nécrolyse épidermique toxique.

Syndrome de Stevens-Johnson
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Cette photo montre une éruption érythémateuse et des bulles sur la peau et sur la muqueuse des yeux et de la bouche chez ce patient atteint de syndrome de Stevens-Johnson.
DR P. MARAZZI/SCIENCE PHOTO LIBRARY

Dans les cas graves de nécrolyse épidermique toxique, de larges lambeaux d'épithélium se décollent sur tout le corps aux points de pression (signe de Nikolsky), exposant un derme suintant, douloureux et érythémateux. Des croûtes et des érosions orales douloureuses, une kératoconjonctivite et des problèmes génitaux (p. ex., urétrite, phimosis, synéchies vaginales) peuvent accompagner le décollement cutané jusque dans la majorité des cas. L'épithélium bronchique peut également se décoller, provoquant toux, dyspnée, pneumonie, œdème du poumon, hypoxémie. Une glomérulonéphrite et une hépatite aiguë peuvent se développer.

Diagnostic du syndrome de Stevens-Johnson et de la nécrolyse épidermique toxique

  • Bilan clinique

  • Souvent une biopsie cutanée

Le diagnostic est souvent établi grâce à l'apparence des lésions et à la progression rapide des symptômes. L'examen histologique de la peau décollée montre un épithélium nécrotique caractéristique.

Le diagnostic différentiel du syndrome de Stevens-Johnson et de la nécrolyse épidermique toxique à un stade précoce comprend l’érythème polymorphe, les exanthèmes viraux, et d'autres éruptions cutanées médicamenteuses; les syndromes de Stevens-Johnson et de nécrolyse épidermique toxique peuvent généralement être différenciés cliniquement à mesure que les troubles évoluent et se caractérisent par une douleur de la peau et une desquamation importantes. Aux stades avancés de la nécrolyse épidermique toxique, le diagnostic différentiel comprend les éléments suivants:

  • Syndrome de choc toxique (avec généralement une atteinte plus importante de plusieurs organes et différentes manifestations cutanées, telles qu'une éruption maculaire sur les paumes et les plantes qui évolue vers la desquamation en environ 2 semaines)

  • Érythrodermie exfoliative (épargne généralement les muqueuses et n'est pas aussi douloureuse)

  • Pemphigus paranéoplasique (parfois avec des signes cutanéomuqueux différents ou chez le patient présentant des signes de cancer)

Chez l'enfant, la nécrolyse épidermique toxique est moins fréquente et doit être distinguée de l'épidermolyse staphylococcique. Les caractéristiques du syndrome d'épidermolyse staphylococcique comprennent habituellement une épargne des muqueuses, l'absence de facteurs de risque de nécrolyse épidermique toxique (p. ex., antécédents médicamenteux) et une suspicion clinique d'infection staphylococcique.

Traitement du syndrome de Stevens-Johnson et de la nécrolyse épidermique toxique

  • Soins de support

  • Cyclosporine

  • Éventuellement corticostéroïdes, plasmaphérèse, immunoglobulines IV (IgIV) ou inhibiteurs du Tumor Necrosis Factor (TNF)-alpha

Le traitement a de meilleures chances de succès lorsque le syndrome de Stevens-Johnson ou la nécrolyse épidermique toxique est reconnu précocement et traité dans une unité de dermatologie hospitalière ou en USI; le traitement dans une unité des grands brûlés peut être nécessaire en cas de forme grave (1)

Une consultation ophtalmologique et des soins oculaires spécialisés sont obligatoires en cas d'atteinte oculaire. Il faut arrêter les traitements médicamenteux potentiellement en cause immédiatement. Le patient est isolé pour minimiser l'exposition aux infections et reçoit un apport hydroélectrolytique, des produits sanguins ou des suppléments nutritionnels, selon les besoins. Les soins cutanés comprennent un traitement rapide des surinfections bactériennes et un soin des plaies comme dans le cas des brûlures sévères. Les antibiothérapies prophylactiques systémiques sont controversées et souvent évitées.

La pharmacothérapie du syndrome de Stevens-Johnson/nécrolyse épidermique toxique est controversée. La cyclosporine (3 à 5 mg/kg par voie orale 1 fois/jour) inhibe les cellules CD8 et a démontré sa capacité à diminuer la durée de la maladie active (p. ex., de 2 à 3 jours dans certains cas), et éventuellement à réduire la mortalité (2). L'utilisation de corticostéroïdes systémiques reste controversée. De nombreux experts estiment que les corticostéroïdes systémiques augmentent la mortalité en raison de l'augmentation des taux d'infection et du risque de masquage d'un sepsis. Cependant, certains rapports montrent des résultats améliorés en cas de corticothérapie précoce (3).

Des plasmaphérèses peuvent éliminer les métabolites ou les anticorps réactifs aux médicaments et peuvent être envisagés.

Un début rapide des IgIV à haute dose 2,7 g/kg en 3 jours bloque les anticorps et le ligand Fas. Cependant, malgré quelques résultats initiaux remarquables des IgIV à forte dose dans la nécrolyse épidermique toxique, d'autres essais cliniques impliquant de petites cohortes ont rapporté des résultats contradictoires et une analyse rétrospective n'a montré aucune amélioration ou même une mortalité plus élevée que prévu (4).

Les inhibiteurs du TNF-alpha, l'infliximab et l'étanercept, peuvent réduire l'inflammation.

La thalidomide a également été testée mais augmente la mortalité et est à présent contre-indiquée (5).

Références pour le traitement

  1. 1. Seminario-Vidal L, Kroshinsky D, Malachowski SJ, et al. Society of Dermatology Hospitalists supportive care guidelines for the management of Stevens-Johnson syndrome/toxic epidermal necrolysis in adults. J Am Acad Dermatol. 2020;82(6):1553-1567. doi:10.1016/j.jaad.2020.02.066

  2. 2. Ng QX, De Deyn MLZQ, Venkatanarayanan N, Ho CYX, Yeo WS. A meta-analysis of cyclosporine treatment for Stevens-Johnson syndrome/toxic epidermal necrolysis. J Inflamm Res. 2018;11:135-142. Publié le 28 mars 2018. doi:10.2147/JIR.S160964

  3. 3. Zimmermann S, Sekula P, Venhoff M, et al. Systemic Immunomodulating Therapies for Stevens-Johnson Syndrome and Toxic Epidermal Necrolysis: A Systematic Review and Meta-analysis. JAMA Dermatol. 2017;153(6):514-522. doi:10.1001/jamadermatol.2016.5668

  4. 4. Kirchhof MG, Miliszewski MA, Sikora S, et al. Retrospective review of Stevens-Johnson syndrome/toxic epidermal necrolysis treatment comparing intravenous immunoglobulin with cyclosporine. J Am Acad Dermatol. 2014;71(5):941–947. doi:10.1016/j.jaad.2014.07.016

  5. 5. Wolkenstein P, Latarjet J, Roujeau JC, et al. Randomised comparison of thalidomide versus placebo in toxic epidermal necrolysis. Lancet. 1998;352(9140):1586-1589. doi:10.1016/S0140-6736(98)02197-7

Pronostic du syndrome de Stevens-Johnson et de la nécrolyse épidermique toxique

La nécrolyse épidermique toxique sévère est similaire à des brûlures étendues; les patients sont gravement malades, peuvent ne pas être en mesure de manger ou d'ouvrir les yeux et souffrent de pertes hydriques et électrolytiques massives. Ils sont à haut risque d'infection, d'insuffisance multiviscérale et de mort.

La mortalité peut atteindre 25 à 35% chez l'adulte, mais tend à être plus basse chez l'enfant et en cas de traitement précoce (1).

Avec un traitement précoce, le taux de survie de la nécrolyse épidermique toxique s’approche de 90%. Le score de gravité de la nécrolyse épidermique toxique (severity-of-illness score for toxic epidermal necrolysis, [SCORTEN]) est effectué systématiquement sur 7 facteurs de risque indépendants dans les 24 premières heures de l'admission à l'hôpital pour déterminer le risque de mortalité pour un patient donné.

Tableau

Référence pour le pronostic

  1. 1. Del Pozzo-Magaña BR, Lazo-Langner A. Stevens-Johnson Syndrome and Toxic Epidermal Necrolysis in Children: A Literature Review of Current Treatments. EMJ Dermatol. 2016;4[1]:83-89. doi:10.33590/emjdermatol/10314211

Points clés

  • Les médicaments provoquent la majeure partie des cas de syndrome de Stevens-Johnson et de nécrolyse épidermique toxique, mais l'infection, la vaccination et la réaction du greffon contre l'hôte sont également des causes potentielles.

  • Confirmer le diagnostic par la biopsie (qui montre un épithélium nécrotique) si les caractéristiques cliniques (p. ex., des lésions en cible évoluant en bulles, une atteinte oculaire et des muqueuses, un signe de Nikolsky, une desquamation en feuilles) ne sont pas concluantes.

  • Un traitement précoce diminue la mortalité qui est souvent élevé.

  • Sauf pour les cas bénins, le traitement du syndrome de Stevens-Johnson/nécrolyse épidermique toxique doit se faire en unité de brulés et de soins intensifs.

  • Consulter un ophtalmologiste si les yeux sont touchés.

  • Envisager la cyclosporine et éventuellement les plasmaphérèses pour les cas graves.

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