Carence en thiamine

(Béribéri; carence en vitamine B1)

ParLarry E. Johnson, MD, PhD, University of Arkansas for Medical Sciences
Vérifié/Révisé août 2024
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La carence en thiamine (cause du béribéri) est plus fréquente chez les sujets consommant principalement du riz blanc ou des glucides hautement raffinés dans les pays à taux élevés d'insécurité alimentaire et chez les sujets présentant un trouble de consommation d'alcool. Les symptômes comprennent une polynévrite diffuse, une insuffisance cardiaque à haut débit et le syndrome de Wernicke-Korsakoff. La thiamine est administrée pour faciliter le diagnostic et traiter la carence.

La thiamine est largement disponible dans l'alimentation, en particulier dans les céréales complètes, la viande (en particulier le porc et le foie), les produits céréaliers enrichis, les noix, les légumineuses et les pommes de terre (voir tableau Sources, fonctions et effets des vitamines). La thiamine intervient dans le métabolisme des glucides, des lipides, des acides aminés, du glucose et de l'alcool et est particulièrement importante dans le fonctionnement des cellules nerveuses centrales et périphériques et du myocarde.

La thiamine est essentiellement non toxique.

(Voir aussi Revue générale des vitamines.)

Étiologie de la carence en thiamine

La carence primitive en thiamine est due à

  • Apports insuffisants en thiamine

Elle est souvent due à une alimentation riche en glucides raffinés (p. ex., riz poli, farine blanche, sucre blanc) dans les pays où l'insécurité alimentaire est élevée. Elle se développe également lorsque l'apport d'autres nutriments est insuffisant, comme cela peut se produire chez les jeunes adultes souffrant d'anorexie mentale sévère ou chez les personnes âgées qui sont souvent sous-alimentées en raison de multiples facteurs; elle est souvent associée à d'autres carences en vitamines B.

La carence secondaire en thiamine est due à

  • Une augmentation de la demande (p. ex., due à une hyperthyroïdie, une grossesse, un allaitement, un exercice intense ou une fièvre)

  • Une absorption diminuée (p. ex., en raison d'une diarrhée prolongée)

  • Une altération du métabolisme (p. ex., en raison d'une insuffisance hépatique)

Plusieurs mécanismes contribuent à la carence en thiamine chez les alcooliques; dont la diminution des apports, la diminution de l'absorption et de l'utilisation, l'augmentation des besoins et parfois un défaut en apoenzyme.

Physiopathologie de la carence en thiamine

La carence en thiamine entraîne une dégénérescence des nerfs périphériques, du thalamus, des corps mamillaires et du cervelet. Le débit sanguin cérébral est considérablement réduit et les résistances vasculaires sont augmentées dans le cerveau.

Le cœur peut être dilaté; les fibres musculaires sont gonflées, fragmentées et vacuolisées, les espaces interstitiels dilatés par du liquide. Une vasodilatation périphérique apparaît et peut induire un œdème des pieds et des jambes. Le shunt artérioveineux sanguin augmente. Finalement, une insuffisance cardiaque à haut débit peut survenir.

Symptomatologie de la carence en thiamine

Les symptômes initiaux de la carence en thiamine ne sont pas spécifiques: fatigue, irritabilité, troubles de la mémoire et du sommeil, douleurs précordiales, anorexie, gêne abdominale.

Les différentes formes de béribéri provoquent des symptômes différents.

Le béribéri sec correspond à des déficits neurologiques dus à la carence en thiamine. Ces déficits sont bilatéraux et grossièrement symétriques, se manifestant par une répartition en chaussette ou en gant. Ils touchent préférentiellement les membres inférieurs, les premiers signes sont des paresthésies des orteils, des sensations de brûlure des pieds (surtout la nuit), des crampes du mollet, des douleurs des jambes et des dysesthésies plantaires. Les signes précoces sont une sensibilité douloureuse des mollets, la difficulté à se redresser à partir de la position accroupie, la diminution de la sensibilité vibratoire des orteils. Une perte musculaire se produit. La carence prolongée aggrave la polynévrite, qui peut finalement atteindre les bras.

Le syndrome de Wernicke-Korsakoff qui associe l'encéphalopathie de Wernicke et la psychose de Korsakoff est observé chez certains alcooliques qui ne consomment pas d'aliments enrichis en thiamine. L'encéphalopathie de Wernicke est caractérisée par un ralentissement psychomoteur, une apathie, un nystagmus, une ataxie, une ophtalmoplégie, des troubles de la conscience, et, à défaut de traitement, elle évolue vers le coma et la mort. Elle est probablement la conséquence de carences aiguës graves surajoutées à des carences chroniques. La psychose de Korsakoff comprend une confusion mentale et un état d’apathie, une dysphonie et des fabulations associés à des troubles de la mémoire des événements récents. Elle est probablement due à une carence chronique et peut se développer après des épisodes répétés d'encéphalopathie de Wernicke.

Le béribéri cardiovasculaire (humide) est une pathologie myocardique due à une carence en thiamine. Les premiers effets de la vasodilatation sont une tachycardie, une augmentation de la pression différentielle, une sudation, une élévation de la température cutanée et une acidose lactique. Plus tard, l'insuffisance cardiaque se développe, induisant une orthopnée et des œdèmes pulmonaires et périphériques. La vasodilatation peut parfois induire un état de choc.

Le béribéri infantile est observé chez les nourrissons (habituellement avant l’âge de 3 à 4 semaines) nourris par des mères carencées en thiamine. L'insuffisance cardiaque (pouvant survenir de façon soudaine), l'aphonie et l'absence de réflexes ostéotendineux sont caractéristiques.

La thiamine étant nécessaire au métabolisme du glucose, les perfusions de glucose peuvent déclencher ou aggraver les symptômes de carence chez les patients qui souffrent d'un déficit en thiamine.

Diagnostic de la carence en thiamine

  • Réponse favorable à la thiamine

Le diagnostic de déficit en thiamine repose habituellement sur une réponse favorable au traitement par la thiamine chez un patient qui présente des symptômes ou des signes cliniques de carence. L'administration de thiamine n'apporte pas de bénéfice en cas de polynévrites des membres inférieurs dues à d'autres pathologies (p. ex., diabète, alcoolisme, carence en vitamine B12, intoxications aux métaux lourds). Les mononeuropathies (mononeuropathies, p. ex., sciatique) et mononeuropathies multiples (multinévrites) sont rarement dues à une carence en thiamine.

L'ionogramme, dont le magnésium, doit être mesuré afin d'exclure d'autres causes. Pour confirmation dans les cas équivoques, l'activité transcétolase érythrocytaire (faible en cas de déficit en thiamine) et l'excrétion urinaire de la thiamine sur 24 heures peuvent être mesurées.

Le diagnostic de béribéri cardiovasculaire peut être difficile à établir en présence d'autres pathologies qui entraînent une insuffisance cardiaque. Un essai thérapeutique de thiamine peut être utile.

Traitement de la carence en thiamine

  • Suppléments de thiamine et dose fonction des signes cliniques

Il convient de s'assurer que les apports alimentaires de thiamine sont adéquats quelle que soit la symptomatologie.

Le glucose IV pouvant aggraver la carence en thiamine, les alcooliques et autres sujets à risque de carence en thiamine doivent recevoir de la thiamine 100 mg IV avant de recevoir une solution de glucose IV.

Pièges à éviter

  • Administrer de la thiamine 100 mg IV avant le glucose IV chez les alcooliques et les autres sujets à risque de carence en thiamine.

La dose de thiamine est

  • En cas de polynévrite légère: 10 à 20 mg par voie orale 1 fois/jour pendant 2 semaines

  • En cas de neuropathie modérée ou grave: 20 à 30 mg/jour (en dose unique ou fractionnée) poursuivis pendant plusieurs semaines après la disparition des symptômes

  • En cas d'œdèmes ou de stase veineuse dus au béribéri cardiovasculaire: thiamine 100 mg IV 1 fois/jour pendant plusieurs jours

L'insuffisance cardiaque est également traitée.

Pour le syndrome de Wernicke-Korsakoff, la thiamine est administrée pendant plusieurs jours. Bien que les données probantes n'aient pas établi de protocole supérieur unique, le protocole habituel est 500 mg IV perfusés en 30 minutes 3 fois/jour pendant 2 jours consécutifs et 250 mg IV ou IM 1 fois/jour pendant 5 jours supplémentaires en association avec d'autres vitamines B. Les réactions anaphylactiques à la thiamine IV sont rares. Les symptômes de l'ophtalmoplégie peuvent régresser en un jour; l'amélioration en cas de psychose de Korsakoff peut prendre 1 à 3 mois. La guérison des troubles neurologiques est souvent incomplète dans le syndrome de Wernicke-Korsakoff et dans d'autres formes de carence en thiamine.

La carence en thiamine étant souvent observée en association avec d'autres carences en vitamines B, de multiples vitamines hydrosolubles sont habituellement administrées pendant plusieurs semaines. Les patients doivent continuer le régime alimentaire, apportant 1 à 2 fois les apports nutritionnels conseillés en vitamines. Toute consommation d'alcool doit cesser.

Points clés

  • Le risque de carence en thiamine est augmenté chez les sujets qui consomment principalement des glucides hautement raffinés tels que le riz poli et la farine blanche (comme cela se produit dans les pays à taux élevé d'insécurité alimentaire) ou chez les sujets présentant un trouble de consommation d'alcool.

  • Les premiers signes peuvent être non spécifiques; des déficits neurologiques périphériques, une insuffisance cardiaque à haut débit, et un syndrome de Wernicke-Korsakoff (principalement chez les alcooliques) peuvent également se développer.

  • Diagnostiquer en fonction des signes cliniques, dont une réponse favorable au traitement par supplémentation en thiamine.

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