Lésion du globe oculaire

ParAnn P. Murchison, MD, MPH, Wills Eye Hospital
Vérifié/Révisé oct. 2024
Voir l’éducation des patients

La lésion du globe peut être due à un traumatisme contondant ou pénétrant de l'œil.

Les traumatismes du globe peuvent provoquer ce qui suit:

(Voir aussi Revue générale des traumatismes oculaires.)

Les blessures suivantes, qui sont traitées ailleurs dans LE MANUEL, peuvent avoir diverses causes, dont une cause traumatique:

D'autres lésions fréquentes du globe comprennent les hémorragies conjonctivales, sous-conjonctivales et sclérales, qui ne nécessitent généralement aucun traitement; les hémorragies rétiniennes, l'œdème rétinien ou le décollement de rétine; les hémorragies du vitré; la lacération de l'iris; et la luxation du cristallin, qui nécessitent toutes une évaluation urgente par un ophtalmologiste.

Le bilan est rendu difficile en cas d'œdème palpébral, d'ecchymose majeurs ou de plaie. Ainsi, bien que certaines situations requièrent un traitement chirurgical en urgence (nécessitant un examen ophtalmologique aussi vite que possible), les paupières doivent être prudemment ouvertes, en prenant garde de ne pas exercer de pression sur le globe, afin d'effectuer un bilan complet des lésions. Au minimum, les éléments suivants sont notés:

  • Acuité visuelle

  • Forme de la pupille et réponses pupillaires

  • Mouvements oculaires

  • Profondeur ou hémorragie de la chambre antérieure

  • Présence de reflet rouge

  • Pression intra-oculaire

Évaluation de l'acuité visuelle

Par ordre d'acuité décroissante, la vision est évaluée selon les catégories suivantes

  • Lecture d'une échelle de Snellen

  • Comptage des doigts en notant la distance (p. ex., compter les doigts à environ 3 cm)

  • Détecter le mouvement de la main

  • Percevoir la lumière (documentée comme PL ou "perception de la lumière")

  • Absence de perception de la lumière (documenté comme APL ou "aucune perception de la lumière")

Un antalgique ou des anxiolytiques peuvent être administrés pour faciliter l'examen. L'utilisation douce et prudente des écarteurs de paupière ou d'un spéculum de paupière permet d'ouvrir les paupières si le patient a besoin d'aide. Si aucun instrument commercial n'est disponible, les paupières peuvent être séparées grâce à des rétracteurs de fortune façonnés en ouvrant un trombone en forme de S, puis en pliant les extrémités en U à 180°. Les instruments ne doivent pas exercer de pression sur le globe. Une plaie du globe doit être suspectée dans les cas suivants:

  • Une plaie de la cornée ou de la sclère est visible.

  • L'humeur aqueuse fuit (signe de Seidel positif).

  • La chambre antérieure est très peu profonde (p. ex., la cornée semble avoir des plis) ou très profonde (due à la luxation postérieure du cristallin).

  • La pupille est irrégulière ou déformée (ce qui peut indiquer une perforation du globe ou une hernie de l'iris).

  • Le réflexe rouge est absent (pouvant indiquer une hémorragie du vitré ou une lésion rétinienne).

Si une lacération du globe est suspectée, les mesures qui doivent être prises avant qu'un ophtalmologiste ne soit disponible consistent à appliquer un patch protecteur et à administrer des antibiotiques par voie intraveineuse (p. ex., ceftazidime et vancomycine) (1). Une TDM doit être effectuée pour rechercher un corps étranger et d'autres lésions, telles que des fractures; l'IRM est évitée en raison de la possibilité de la présence d'un corps étranger métallique occulte. Les antibiotiques topiques doivent être évités. Les vomissements, qui peuvent augmenter la pression intraoculaire et contribuer à l'extravasation de contenu oculaire, seront inhibés à l'aide d'antiémétiques si nécessaire. Devant les dangers d'une surinfection fongique d'une plaie ouverte, les corticostéroïdes sont contre-indiqués tant que les plaies n'ont pas été fermées chirurgicalement. Une prophylaxie antitétanique est indiquée en cas de plaies ouvertes du globe oculaire. La réparation opératoire nécessite généralement l'exploration du globe, l'ablation de tout corps étranger, la fermeture par couche de la sclère et de la cornée et l'injection d'antibiotiques intravitréens et/ou d'agents antifongiques sous anesthésie générale. En post-opératoire, l'œil est protégé. Les mydriatiques et des antibiotiques/antifongiques topiques sont appliqués en fonction de l'étiologie spécifique de la lésion initiale et des signes peropératoires. La pression intraoculaire est surveillée et toute augmentation est traitée par des médicaments topiques. Le patient est suivi de près pendant plusieurs jours en raison du risque d'endophtalmie post-traumatique. Très rarement, après une lacération du globe, l'œil controlatéral non blessé, devient inflammé (ophtalmie sympathique) avec un risque de cécité si elle n'est pas traitée. Le mécanisme est une réaction auto-immune et l'évolution temporelle est variable (2).

Corps étrangers intraoculaires

Un traumatisme pénétrant de l'œil peut également entraîner la rétention d'un corps étranger intraoculaire (p. ex., un crayon cassé, un fragment de métal provenant d'un outil rotatif). Les corps étrangers intraoculaires nécessitent une exploration chirurgicale en urgence par un ophtalmologiste. Les antimicrobiens intravitréens, systémiques et topiques sont indiqués pour leur efficacité contre Bacillus cereus, qui peut être présent dans toute lésion contaminée par le sol ou la végétation; ces antimicrobiens comprennent la ceftazidime intravitréenne en association avec la vancomycine suivie de doses intraveineuses et de la vancomycine et de la ceftazidime topiques ou une fluoroquinolone telle que la moxifloxacine (1, 3). Il faut éviter d'appliquer une pommade en cas de déchirure du globe.

Un pansement et une coque de protection rigide (p. ex., protection de l'œil en plastique ou en aluminium ou le tiers inférieur d'une tasse en papier) sont placés sur l'œil pour éviter les compressions intempestives qui pourraient entraîner l'évacuation du contenu oculaire par l'orifice de pénétration. Les patchs doivent être évités car ils peuvent également appliquer involontairement une pression sur le globe. Une prophylaxie antitétanique est indiquée en cas de plaies ouvertes du globe oculaire.

Comme après n'importe quelle lésion du globe, les vomissements (p. ex., dus à la douleur), qui peuvent augmenter la pression intraoculaire, doivent être évités. En cas de nausées, un traitement antiémétique peut être prescrit.

Hyphéma (hémorragie de chambre antérieure)

L'hyphéma résulte habituellement d'une lésion du segment antérieur de l'œil, en particulier de l'iris et de son insertion sur la sclère, qui entraîne une hémorragie dans la chambre antérieure. L'hyphéma peut se compliquer d'hémorragies à répétition, d'anomalies de la pression intraoculaire et/ou d'une coloration hématique de la cornée, chacun pouvant entraîner une perte permanente de la vision. Les symptômes sont ceux des lésions associées, à moins que l'hyphéma ne soit suffisamment important pour obstruer la vision. L'inspection directe révèle généralement des cellules sanguines dans la chambre antérieure, avec ou sans sédimentation du sang, et/ou la présence d'un caillot dans la chambre antérieure. L'accumulation se traduit par un niveau de sang en forme de ménisque au niveau de la partie dépendante (en général inférieure) de la chambre antérieure. Le micro-hyphéma, forme moins sévère d'hyphéma, peut être détecté uniquement à l'examen direct sous la forme d'un voile au niveau de la chambre antérieure ou lors de l'examen à la lampe à fente qui permet la visualisation de globules rouges en suspension.

Un ophtalmologiste doit examiner le patient dès que possible. Le patient est alité, avec la tête surélevée de 30 à 45° et un pansement sur l'œil afin de le protéger d'éventuels traumatismes supplémentaires (voir Ulcérations et corps étrangers cornéens). Les patients présentant un risque élevé d'hémorragies à répétition (c'est-à-dire, ceux ayant de grands hyphémas, une diathèse hémorragique, ou souffrant de drépanocytose ainsi que ceux qui sont sous anticoagulants), ayant une pression intraoculaire difficile à contrôler, ou susceptibles d'être peu coopérants, pourront être hospitalisés. La recherche d'anomalies hémorragiques doit être envisagée si la cause de l'hyphéma n'est pas connue. Les AINS oraux et locaux sont contre-indiqués, car ils contribuent à la récidive des hémorragies. Les antifibrinolytiques, tels que l'acide tranexamique, ne sont pas systématiquement utilisés mais peuvent être utiles chez les patients à haut risque de récidive hémorragique ou d'autres complications (4).

Le traitement de l'hyphéma est principalement axé sur le contrôle de la pression intraoculaire. La pression intraoculaire peut augmenter rapidement (en quelques heures, habituellement en cas de drépanocytose homozygote ou hétérozygote) ou quelques mois à quelques années plus tard. La pression intraoculaire est ainsi contrôlée quotidiennement pendant plusieurs jours, puis régulièrement pendant les semaines et les mois suivants ainsi qu'en cas d'apparition de symptômes (p. ex., développement d'une douleur oculaire, baisse de la vision, nausées, tous des symptômes semblables à ceux du glaucome aigu par fermeture de l'angle). Si la pression augmente, du timolol à 0,5% 2 fois/jour et/ou de la brimonidine à 0,2% ou à 0,15% 2 fois/jour peuvent être administrés. La réponse au traitement est appréciée sur l’évolution de la pression, vérifiée toutes les 1 ou 2 heures, jusqu’à son contrôle ou une baisse importante de celle-ci; par la suite la pression est habituellement contrôlée 1 ou 2 fois/jour. Les collyres mydriatiques (p. ex., scopolamine à 0,25% 3 fois/jour ou atropine 1% à 3 fois/jour pendant 5 jours) et les corticostéroïdes locaux (p. ex., acétate de prednisolone à 1% 4 à 8 fois/jour pendant 2 à 3 semaines) sont souvent administrés pour réduire l'inflammation et les cicatrices. Cependant, les preuves en faveur de l'utilisation de mydriatiques et de corticostéroïdes dans l'hyphéma ne sont pas définitives (5).

De nouveau saignements dus à la rétraction du caillot sont observées chez jusqu'à 38% des patients (4). Un ophtalmologiste doit être consulté pour la prise en charge, car le resaignement peut être plus grave que le saignement initial. L'administration d'antifibrinolytiques peut être envisagée et les médicaments myotiques ou mydriatiques sont des options viables. La pression intraoculaire doit également être surveillée en cas de resaignement. Exceptionnellement, des hémorragies récidivantes avec glaucome secondaire nécessitent un drainage chirurgical de la collection sanguine.

Fracture du plancher orbitaire

La fracture du plancher orbitaire survient lorsqu'un traumatisme fermé pousse le contenu de l'orbite vers l'une des parties plus fragiles du mur orbitaire, classiquement le plancher (6). Des fractures des parois internes, latérales et du toit orbitaire peuvent également survenir. Les patients peuvent avoir des douleurs faciales ou orbitaires, une diplopie, une énophtalmie, des troubles sensitifs au niveau de la joue et de la lèvre supérieure (du fait d'une lésion nerveuse sous-orbitaire), une épistaxis et/ou un emphysème sous-cutané. D'autres fractures ou blessures du visage doivent également être exclues. Les lésions du globe, du nerf optique et du cerveau doivent être évoquées dans tous les cas de fracture orbitaire et évaluées comme indiqué.

Le diagnostic est optimisé par la réalisation d'une TDM en coupes fines des os de la face. En cas de trouble oculomoteur (p. ex., cause de diplopie), les muscles extraoculaires doivent être évalués pour déceler tout signe de compression.

En cas de diplopie ou d'énophtalmie cliniquement significative, une réparation chirurgicale peut être indiquée. Cependant, beaucoup sinon la plupart des patients qui ont des fractures du plancher orbitaire peuvent être suivis de façon conservatrice sans chirurgie. Le patient doit être averti de ne pas souffler par le nez afin d'éviter un syndrome des loges (compartimental) orbitaire par reflux d'air (7). L'usage d'un vasoconstricteur topique intranasal pendant 2 à 3 jours peut atténuer l'épistaxis. Les antibiotiques par voie orale peuvent être utilisés en cas de sinusite.

Syndrome des loges (compartimental) orbitaire

Le syndrome des loges (compartimental) orbitaire est une urgence ophtalmologique. Le syndrome des loges (compartimental) orbitaire se produit lorsque la pression orbitaire augmente brusquement, habituellement en raison d'un traumatisme qui provoque une hémorragie orbitaire. Tout ce qui augmente le volume orbitaire (air, sang ou pus dans l'orbite) peut entraîner un syndrome des loges (compartimental) orbitaire. Les symptômes peuvent comprendre une perte de vision soudaine, ainsi qu'une diplopie, une douleur oculaire et un gonflement de la paupière (8).

Les résultats de l'examen clinique peuvent comprendre une diminution de la vision, un chémosis, une ecchymose, une limitation de la motilité oculaire et/ou douloureuse, une anomalie pupillaire afférente, une exophtalmie, ophtalmoplégie et une pression intraoculaire élevée. Le diagnostic est clinique et le traitement ne doit pas être retardé par imagerie (9).

Le traitement consiste en une canthotomie et une cantholyse latérale immédiate (exposition chirurgicale du tendon canthal latéral avec incision de sa branche inférieure) suivie de:

  • Surveillance avec hospitalisation possible avec élévation de la tête du lit à 45°

  • Traitement de la pression intraoculaire élevée; dans la phase aiguë, du mannitol intraveineux peut être administré à court terme (tant qu'aucune contre-indication systémique ou neurochirurgicale n'est présente) (10)

  • Inversion de toute coagulopathie

  • Prévention d'une augmentation ultérieure de la pression intraorbitaire (prévention ou réduction de la douleur, des nausées, de la toux, des poussées, et de l'hypertension sévère)

  • Application de glace ou de compresses froides

  • Consultation d'ophtalmologie pour envisager une chirurgie et/ou d'autres traitements spécifiques indiqués; le traitement médical ne doit pas retarder la consultation et la chirurgie

Références

  1. 1. Bhagat N, Nagori S, Zarbin M. Post-traumatic infectious endophthalmitis. Surv Ophthalmol 6(3):214-251, 2011. doi: 10.1016/j.survophthal.2010.09.002

  2. 2. Parchand S, Agrawal D, Ayyadurai N, et al: Sympathetic ophthalmia: A comprehensive update. Indian J Ophthalmol 70(6):1931-1944, 2022. doi: 10.4103/ijo.IJO_2363_21

  3. 3. Knox FA, Best RM, Kinsella F, et al: Management of endophthalmitis with retained intraocular foreign body. Eye (Lond) 18(2):179-182, 2004. doi: 10.1038/sj.eye.6700567

  4. 4. Deans R, Noël LP, Clarke WN. Oral administration of tranexamic acid in the management of traumatic hyphema in children. Can J Ophthalmol 27(4):181-183, 1992. PMID: 1633590

  5. 5. Woreta FA, Lindsley KB, Gharaibeh A, Ng SM, Scherer RW, Goldberg MF. Medical interventions for traumatic hyphema. Cochrane Database Syst Rev 3(3):CD005431, 2023. doi: 10.1002/14651858.CD005431.pub5

  6. 6. Iftikhar M, Canner JK, Hall L, Ahmad M, Srikumaran D, Woreta FA. Characteristics of orbital floor fractures in the United States from 2006 to 2017. Ophthalmology 128(3):463-470, 2021. doi: 10.1016/j.ophtha.2020.06.065

  7. 7. Kersten RC, Vagefi MR, Bartley GB. Orbital "blowout" fractures: Time for a new paradigm. Ophthalmology 125(6):796-798, 2018. doi: 10.1016/j.ophtha.2018.02.014

  8. 8. Papadiochos I, Petsinis V, Sarivalasis S-E: Acute orbital compartment syndrome due to traumatic hemorrhage: 4-year case series and relevant literature review with emphasis on its management. Oral Maxillofac Surg 27(1):101-116, 2023. doi: 10.1007/s10006-021-01036-9

  9. 9. Hatton MP, Rubin PA. Management of orbital compartment syndrome. Arch Ophthalmol 125(3):433-434, 2007; author reply 434. doi: 10.1001/archopht.125.3.433-b

  10. 10. Johnson D, Winterborn A, Kratky V. Efficacy of intravenous mannitol in the management of orbital compartment syndrome: A nonhuman primate model. Ophthalmic Plast Reconstr Surg 32(3):187-190, 2016. doi: 10.1097/IOP.0000000000000463

Points clés

  • L'hyphéma, au mieux diagnostiqué par l'examen à la lampe à fente, nécessite le repos au lit avec une élévation de la tête à 30 à 45° et une surveillance stricte de la pression intraoculaire.

  • Adresser les patients pour réparation chirurgicale des fractures du plancher orbitaire qui provoquent une diplopie ou une énophtalmie inacceptable.

  • Effectuer une canthotomie latérale immédiate et une cantholyse inférieure chez les patients présentant un syndrome du compartiment orbitaire et obtenir une consultation ophtalmologique immédiate.

  • Le traumatisme du globe peut causer une lacération du globe, une cataracte, une luxation du cristallin, un glaucome, une hémorragie du vitré ou des lésions de la rétine (hémorragie, décollement ou œdème).

  • Traiter les corps étrangers cornéens par ablation des corps étrangers, des antibiotiques topiques et parfois par instillation d'un cycloplégique.

  • Suspecter un corps étranger intraoculaire si de la fluorescéine sort d'un défaut cornéen, si la pupille est irrégulière, ou si le mécanisme de la lésion implique une machine à haute vitesse (p. ex., perceuses, scies, tout mécanisme avec contact métal-métal), de martèlement ou d'explosions.

  • Ne jamais patcher un œil en cas de suspicion de blessure pénétrante. Toujours utiliser uniquement un protège-œil.

  • En cas de corps étrangers intra-oculaires, administrer des antibiotiques systémiques et topiques, appliquer un pansement protecteur, contrôler la douleur et la nausée et consulter un ophtalmologiste en vue d'une ablation chirurgicale.

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