Revue générale des médicaments antibactériens

ParBrian J. Werth, PharmD, University of Washington School of Pharmacy
Vérifié/Révisé mai 2024
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Les agents antibactériens, sont obtenus à partir de bactéries ou de champignons ou par synthèse de novo. Techniquement, le terme "antibiotiques" ne correspond qu'aux antimicrobiens produits par des bactéries ou des champignons mais il est souvent (y compris dans LE MANUEL) utilisé comme synonyme de tous les "médicaments antibactériens."

Les antibiotiques ont de nombreux mécanismes d'action, dont les suivants:

  • Inhiber la synthèse de la paroi cellulaire

  • Diminuer la perméabilité de la membrane cellulaire

  • Perturber la synthèse protéique, du métabolisme des acides nucléiques et d'autres processus métaboliques (p. ex., la synthèse de l'acide folique).

Les antibactériens réagissent parfois avec d'autres médicaments, augmentant ou abaissant leur concentration plasmatique en accélérant ou en ralentissant leur métabolisme ou par la mise en jeu d'autres mécanismes. Les interactions les plus importantes d'un point de vue clinique concernent des médicaments qui ont un faible index thérapeutique (c'est-à-dire, les doses toxiques sont proches des doses thérapeutiques). De plus, d'autres médicaments peuvent augmenter ou diminuer les concentrations d'antibiotiques.

De nombreux antibactériens sont chimiquement proches et sont donc regroupés en classes. Bien que les médicaments d'une même classe partagent des similarités structurelles et fonctionnelles, ils ont souvent une pharmacologie et des spectres d'activité différents.

Sélection et utilisations des médicaments antibactériens

Les antibiotiques ne doivent être utilisés que si des éléments cliniques ou biologiques suggèrent la présence d'une infection bactérienne. L'utilisation en cas de maladie virale ou de fièvre indifférenciée est inappropriée dans la plupart des cas; elle expose les patients à des complications liées aux antibiotiques, perturbe le microbiote sain et contribue à la résistance bactérienne sans aucun bénéfice. Les microrganismes résistants aux antimicrobiens ont été associés à près de 5 millions de décès dans le monde en 2019 (1), et la mauvaise utilisation des antibiotiques est un facteur inutile de développement des taux de résistance. Des informations détaillées sur la résistance aux antimicrobiens sont disponibles auprès des Centers for Disease Control and Prevention (2) et de l'Organisation mondiale de la santé (3).

Certaines infections bactériennes (p. ex., abcès, infections par corps étrangers) nécessitent une intervention chirurgicale et ne répondent pas à une antibiothérapie seule.

En général, les médecins doivent utiliser des antibiotiques avec le spectre d'activité le plus étroit et pour la durée la plus courte.

(Voir aussi Antibiotiques chez les nouveau-nés.)

Spectre d'activité

Les cultures et les antibiogrammes sont indispensables pour choisir le bon antibiotique pour le traitement des infections graves. Le traitement doit cependant être débuté avant que les résultats des cultures ne soient disponibles, il faut donc choisir le traitement selon les microrganismes infectieux les plus probables (sélection probabiliste d'antibiotiques).

Qu'ils soient choisis selon les résultats des cultures ou probabilistes, les antibiotiques utilisés doivent présenter le spectre d'activité le plus étroit possible susceptible de contrôler l'infection. Pour le traitement probabiliste d'infections sévères qui peuvent impliquer un grand nombre de pathogènes différents (p. ex., fièvre chez un patient neutropénique) ou qui peuvent être dues à de multiples pathogènes (p. ex., infection polymicrobienne anaérobie), un large spectre d'activité est souhaitable. Les microrganismes responsables supposés et la sensibilité de ces microrganismes aux antibiotiques varient selon la géographie (à l'intérieur d'une ville ou même d'un hôpital) et peuvent changer au cours du temps. Les données de sensibilité doivent être compilées dans des antibiogrammes et utilisées pour diriger le traitement empirique chaque fois que possible. Les antibiogrammes résument les schémas de sensibilité des agents pathogènes fréquents aux antibiotiques couramment utilisés, spécifiques des installations (ou du site).

Les associations d'antibiotiques sont souvent nécessaires dans les infections graves, soit parce qu'elles permettent de traiter les multiples espèces de bactéries probables, soit parce qu'elles agissent en synergie contre une seule espèce de bactéries. Une synergie est habituellement définie comme une action bactéricide plus rapide et plus complète d'une association d'antibiotiques que celle obtenue par chacun des antibiotiques pris isolément. Un exemple courant est celui d'un antibiotique actif sur la paroi bactérienne (p. ex., une bêta-lactamine ou la vancomycine) associé à un aminoside.

Efficacité

Dans vivo l'efficacité des antibiotiques dépend de nombreux facteurs, dont

Les antibiotiques bactéricides tuent les bactéries. Les antibiotiques bactériostatiques ralentissent ou arrêtent la croissance bactérienne in vitro. Ces définitions ne sont pas absolues; les médicaments bactériostatiques peuvent tuer certaines espèces de bactéries sensibles et les antibiotiques bactéricides peuvent seulement inhiber la croissance de certaines espèces de bactéries sensibles. Les méthodes quantitatives permettent d'identifier la concentration minimale in vitro pour laquelle un antibiotique peut inhiber la croissance de la bactérie (concentration minimale inhibitrice [CMI]) ou la détruire (concentration minimale bactéricide [CMB]). Un antibiotique qui a une activité bactéricide peut améliorer l'élimination des bactéries lorsque les défenses de l'hôte sont altérées localement au niveau du site de l'infection (p. ex., en cas de méningite ou d'endocardite) ou systémique (p. ex., chez les patients présentant une neutropénie ou immunodéprimés pour d'autres raisons). Cependant, il existe des données cliniques limitées indiquant qu'un antibiotique bactéricide doit être choisi plutôt qu'un antibiotique bactériostatique simplement sur la base de cette classification. Le choix de l'antibiotique en vue d'une efficacité optimale doit être fondé sur l'évolution de la concentration du médicament en fonction de la CMI (concentration minimale inhibitrice), et non sur son activité bactéricide ou bactériostatique.

Les antibiotiques peuvent être regroupés en 3 catégories générales (4) selon leur pharmacocinétique optimisant l'activité antimicrobienne (pharmacodynamique):

  • Dépendant de la concentration: l'ordre de grandeur par lequel le pic de concentration dépasse la CMI (généralement exprimé par le rapport pic sur CMI) est le mieux corrélé à l'activité antimicrobienne

  • Dépendant du temps: la durée de l'intervalle entre deux doses pendant lequel la concentration de l'antibiotique dépasse la CMI (généralement exprimé en pourcentage du temps pendant lequel la concentration est supérieure à la CMI) est corrélé au mieux avec l'activité antimicrobienne

  • Dépendant de l'exposition: le quantité de médicament administrée par rapport à la CMI (la quantité de médicament est l'aire sous la courbe de concentration-temps des 24 heures (AUC24); l'AUC24 par rapport à la CMI correspond le mieux à l'activité antimicrobienne)

Les aminosides, les fluoroquinolones et la daptomycine ont une activité bactéricide concentration-dépendante. Augmenter leurs concentrations à des taux même légèrement supérieurs à la CMI entraîne une augmentation de leur taux et importance d'activité bactéricide. De plus, après même une courte exposition à des concentrations supérieures à la CMI, les aminosides et les fluoroquinolones présentent un effet post-antibiotique sur les bactéries résiduelles; la durée de l'effet post-antibiotique est également concentration-dépendante. Si l'effet post-antibiotique est durable, la concentration des médicaments peut être inférieure à la CMI pendant une période longue sans perte d'efficacité, ce qui permet des administrations moins fréquentes. Donc, les aminosides et les fluoroquinolones sont habituellement plus efficaces en tant que bolus intermittents avec lesquels on obtient un pic de la concentration plasmatique libre (c'est-à-dire, la fraction de l'antibiotique non liée à la protéine sérique) 10 fois la CMI du microrganisme responsable de l'infection.

Les bêta-lactamines, clarithromycine et l'érythromycine ont une activité bactéricide qui dépend du temps. Augmenter leur concentration sérique libre au-delà de la CMI ne permet pas d'accroître leur activité bactéricide et leur effet bactéricide in vivo est généralement lent. En outre, comme l'inhibition de la croissance bactérienne est soit inexistante, soit très courte une fois que les concentrations résiduelles retombent en dessous de la CMI (c'est-à-dire, effet post-antibiotique), les bêta-lactamines sont le plus souvent efficaces quand les concentrations plasmatiques de leur fraction libre (c'est-à-dire, celle du médicament non lié à une protéine sérique) sont supérieures à la CMI pendant 50% de la période de traitement. La longue demi-vie sérique (~8-h) de la ceftriaxone permet aux concentrations plasmatiques de sa fraction libre de dépasser la CMI de nombreux pathogènes sensibles à cet antibiotique pendant 24 heures, intervalle entre deux dosages. Cependant, pour les bêta-lactamines dont la demi-vie sérique est 2 heures, des administrations fréquentes, voire la perfusion continue sont nécessaires pour optimiser la période au-dessus de la CMI.

La plupart des antimicrobiens ont une activité antibactérienne qui dépend de l'exposition, au mieux caractérisée par le rapport aire sous la courbe-sur-CMI (voir figure Temps versus concentration d'une dose unique d'un antibiotique théorique). La vancomycine, les tétracyclines et la clindamycine en sont des exemples.

Temps versus concentration d'une dose unique d'un antibiotique théorique

Trois paramètres pharmacocinétiques/pharmacodynamiques sont liés à l'efficacité antimicrobienne:

  • Rapport de la concentration sérique maximale à la CMI

  • Pourcentage de temps au-dessus de la CMI

  • Rapport de l'aire sous la courbe à la CMI sur 24 heures

Voie

Pour de nombreux antibiotiques, la voie orale permet d'obtenir des concentrations sériques thérapeutiques presque aussi rapidement que la voie IV. Cependant, l'administration IV d'antibiotiques disponibles par voie orale est préférée dans les circonstances suivantes:

  • Les antibiotiques oraux ne sont pas tolérés (p. ex., du fait de vomissements).

  • Les antibiotiques oraux sont mal absorbés (p. ex., du fait d'une malabsorption après une chirurgie intestinale, d'une altération de la motilité intestinale [en raison d'une prise d'opiacés]).

  • Le patient est en phase critique et la perfusion gastro-intestinale peut être déficiente, diminuant ainsi l'absorption du médicament.

Populations particulières

Les doses et les modalités d'administration des antibiotiques peuvent devoir être adaptées aux paramètres suivants:

  • Nourrissons

  • Personnes âgées

  • Patients insuffisants rénaux

  • Patients qui présentent une insuffisance hépatique (le plus souvent pour la céfopérazone, le chloramphénicol, le métronidazole, la rifabutine et la rifampicine)

  • Patients obèses

  • Patients atteints de mucoviscidose

La grossesse et l'allaitement interviennent sur le choix de l'antibiotique. Les pénicillines, les céphalosporines et l'érythromycine font partie des antibactériens les plus sûrs pendant la grossesse; les tétracyclines sont contre-indiquées. La plupart des antibiotiques atteignent des concentrations suffisantes dans le lait maternel pour exposer un nourrisson nourri au sein et sont donc parfois contre-indiqués chez la femme qui allaite.

Durée

L'antibiothérapie doit être poursuivie jusqu'à ce qu'il n'y ait plus aucun signe objectif d'infection systémique (p. ex., absence de fièvre, de symptômes et d'anomalies dans les examens biologiques) pendant plusieurs jours. La durée du traitement de certaines infections (p. ex., endocardite, tuberculose, ostéomyélite, lèpre) est de plusieurs semaines voire plusieurs mois afin d'éviter une récidive.

Complications

Les complications possibles de l'antibiothérapie comprennent une surinfection par des bactéries ou des champignons insensibles et, souvent, des effets indésirables cutanés, rénaux, hématologiques, neurologiques, et gastro-intestinaux.

Les effets indésirables nécessitent souvent l'arrêt de l'antibiotique en cause et son remplacement par un autre antibiotique auquel les bactéries sont sensibles; parfois, aucune solution de rechange n'existe.

Références concernant la sélection et l'utilisation des médicaments antibactériens

  1. 1. Antimicrobial Resistance Collaborators. Global burden of bacterial antimicrobial resistance in 2019: a systematic analysis [published correction appears in Lancet. 2022 Oct 1;400(10358):1102]. Lancet. 2022;399(10325):629-655. doi:10.1016/S0140-6736(21)02724-0

  2. 2. Centers for Disease Control and Prevention: Antibiotic resistance threats in the United States, 2019. Consulté le 12 février, 2024.

  3. 3. World Health Organization: Global antimicrobial resistance and use surveillance system (‎GLASS)‎ report: 2022. Consulté le 12 février 2024.

  4. 4. A PK/PD Approach to Antibiotic Therapy. RxKinetics. Consulté le 12 février 2024.

Résistance aux antibiotiques

La résistance à un antibiotique peut être inhérente à une espèce bactérienne particulière ou acquise à la suite de mutations ou de l'acquisition de gènes de résistance aux antibiotiques obtenus à partir d'autres microrganismes. Les différents mécanismes de résistance sont codés par ces gènes (voir tableau Mécanismes usuels de la résistance aux antibiotiques). Les gènes de résistance peuvent être transmis entre 2 cellules bactériennes par les mécanismes suivants:

  • Transformation (l'absorption d'ADN nu d'un autre microrganisme)

  • Transduction (l'infection par un bactériophage)

  • Conjugaison (l'échange de matériel génétique soit sous forme de plasmides, fragments d'ADN extrachromosomique se répliquant indépendamment, soit sous forme de transposons, fragments mobiles d'ADN chromosomique)

Les plasmides et les transposons peuvent diffuser rapidement les gènes de résistance.

L'antibiothérapie élimine prioritairement les bactéries non résistantes, ce qui entraîne une augmentation de la proportion de bactéries résistantes restantes. L'utilisation des antibiotiques a cet effet non seulement sur les bactéries pathogènes, mais aussi sur la flore normale; le microbiote normal résistant peut devenir un réservoir de gènes de résistance qui peuvent se propager à des agents pathogènes.

Tableau
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