L'intolérance environnementale idiopathique est caractérisée par des symptômes récidivants non spécifiques attribués à une faible exposition à différentes substances fréquentes dans l'environnement sans appartenance à une même famille chimique ou parfois à l'hypersensibilité aux champs électromagnétiques. Les symptômes sont nombreux, concernant des organes multiples, mais les signes cliniques ne sont pas spécifiques. Le diagnostic est un diagnostic d'exclusion. Le traitement consiste à apporter une aide psychologique et à éviter les facteurs déclenchants supposés, bien que ceux-ci puissent rarement être déterminés avec précision.
Il n'existe aucune définition universellement reconnue, mais l'intolérance environnementale idiopathique est en général définie comme le développement de symptômes multiples attribués à l'exposition à un certain nombre de substances chimiques identifiables ou non (inhalées, touchées ou ingérées) ou autre exposition en l'absence de dysfonctionnement d'organe ou de signes cliniques en rapport cliniquement décelables (1).
Référence générale
1. Idiopathic environmental intolerances. American Academy of Allergy, Asthma and Immunology (AAAAI) Board of Directors. J Allergy Clin Immunol. 1999;103(1 Pt 1):36-40.
Étiologie de l'intolérance environnementale idiopathique
Déclencheurs
Les facteurs déclencheurs de l'intolérance environnementale idiopathique comprennent
Alcool et médicaments
Caféine et additifs alimentaires
Odeurs des tapis et des meubles
Odeurs de carburant et gaz d'échappement du moteur
Matériaux de peinture
Parfum et d'autres produits parfumés
Pesticides et herbicides
Dispositifs de communication mobiles
Mécanisme
Des théories immunologiques et non immunologiques ont été proposées. Ces théories souffrent de l'absence d'effet dose des substances incriminées: les symptômes peuvent ne pas réapparaître après une forte exposition à une substance qui semblait antérieurement provoquer une réaction pour des taux beaucoup plus faibles; c'est-à-dire, les symptômes peuvent ne pas se reproduire après l'exposition à des niveaux élevés d'une substance qui, auparavant, à des niveaux beaucoup plus bas, semblait provoquer une réaction. De même, il n'existe aucun élément objectif et cohérent en faveur d'une inflammation systémique, d'un excès de cytokines ou d'une activation du système immunitaire en relation avec les symptômes constatés. De nombreux médecins considèrent que l'étiologie est psychologique, probablement une forme de trouble somatoforme. D'autres suggèrent que le syndrome est un type d'attaque de panique ou d'agoraphobie.
Une intolérance environnementale idiopathique se développe chez 40% des sujets qui présentent un syndrome de fatigue chronique (également appelé encéphalomyélite myalgique/syndrome de fatigue chronique) et chez 16% des sujets qui présentent une fibromyalgie (1). L'intolérance environnementale idiopathique est plus fréquente chez la femme.
Des perturbations biologiques quantifiables (p. ex., diminution des taux de lymphocytes B, augmentation des taux d'IgE), bien que rares, sont parfois observées chez certains patients. Cependant, ces anomalies apparaissent sans un modèle cohérent, leur signification est incertaine, et la recherche de ces anomalies pour établir une base immunologique au trouble doit être découragée.
Référence pour l'étiologie
1. Jason LA, Taylor RR, Kennedy CL: Chronic fatigue syndrome, fibromyalgia, and multiple chemical sensitivities in a community-based sample of persons with chronic fatigue syndrome-like symptoms. Psychosom Med. 2000;62(5):655-663. doi:10.1097/00006842-200009000-00009
Symptomatologie de l'intolérance environnementale idiopathique
Les symptômes d'intolérance environnementale idiopathique (p. ex., palpitations, douleur thoracique, sudation, dyspnée, asthénie, bouffées de chaleur, vertiges, nausées, accès de suffocation, tremblement, torpeur, toux, enrouement, difficultés de concentration) sont nombreux et touchent habituellement plus d'un organe.
La plupart des patients se présentent avec une longue liste d'agents suspects, qu'ils ont eux-mêmes identifiés ou qu'un médecin a identifiés lors d'évaluations précédentes. Ces patients prennent souvent des mesures drastiques pour éviter ces agents comme déménager ou changer d’emploi, éviter les aliments contenant "les substances chimiques suspectes", porter parfois des masques en public ou éviter tout simplement les situations publiques. L'examen clinique est typiquement toujours normal.
Diagnostic de l'intolérance environnementale idiopathique
Exclusion des autres causes
Le diagnostic d'intolérance environnementale idiopathique implique d'abord l'exclusion des troubles connus qui ont des manifestations similaires:
Allergies (p. ex., rhinite allergique, allergies alimentaires)
Troubles atopiques (p. ex., asthme, angio-œdème/œdème de Quincke)
Troubles endocriniens (p. ex., syndrome carcinoïde, phéochromocytome, mastocytose)
Les troubles atopiques sont exclus par une anamnèse clinique typique, des prick-tests cutanés spécifiques, le dosage sérique des IgE spécifiques ou ces 3 éléments ensemble. Il peut être utile de consulter un allergologue. Les maladies liées au bâtiment, dans lequel beaucoup de sujets qui passent du temps dans le même bâtiment développent des symptômes, doivent être envisagées.
Si la symptomatologie n'est pas fortement évocatrice d'un trouble rhumatologique systémique (p. ex., manifestations articulaires, cutanées et/ou muqueuses objectives), les tests d'auto-anticorps (p. ex., anticorps antinucléaires [AAN], facteur rhumatoïde, antigènes nucléaires extractibles [extractable nuclear antigens, ENA]) doivent être évités. Dans de tels cas, la probabilité prétest est faible et les résultats faux-positifs sont beaucoup plus probables que les résultats vrais positifs.
Traitement de l'intolérance environnementale idiopathique
Parfois, en évitant les déclencheurs suspects
Traitements psychologiques
Malgré un rapport de cause à effet encore incertain, le traitement de l'intolérance environnementale idiopathique consiste parfois à éviter les agents suspectés d'être déclenchants, ce qui est parfois difficile, car beaucoup sont omniprésents. Cependant, l'isolement social et les comportements onéreux et très handicapants destinés à éviter la survenue des symptômes doivent être déconseillés. Une relation de soutien avec un médecin généraliste qui rassure et protège les patients contre les tests et les procédures inutiles est importante.
L'évaluation et l'intervention psychologiques peuvent aider les patients à surmonter certains comportements d'évitement (1), mais de manière caractéristique, de nombreux patients résistent à cette approche. Le but de cette approche n'est pas de convaincre le patient que la cause est psychologique, mais plutôt d'aider le patient à gérer ses symptômes et améliorer sa qualité de vie (2). Les techniques utiles comprennent la désensibilisation psychologique (souvent dans le cadre de la thérapie cognitivo-comportementale) (2) et l'exposition progressive (voir Troubles phobiques spécifiques, Traitement). Les médicaments psychoactifs peuvent être bénéfiques s'ils sont destinés à des troubles psychiatriques coexistants (p. ex., dépression majeure, trouble panique).
Références pour le traitement
1. Binkley KE: Multiple Chemical Sensitivity/Idiopathic Environmental Intolerance: A Practical Approach to Diagnosis and Management. J Allergy Clin Immunol Pract. 2023;11(12):3645-3649. doi:10.1016/j.jaip.2023.08.039
2. Hauge CR, Rasmussen A, Piet J, et al: Mindfulness-based cognitive therapy (MBCT) for multiple chemical sensitivity (MCS): Results from a randomized controlled trial with 1 year follow-up. J Psychosom Res 79(6):628-634, 2015. doi: 10.1016/jpsychores.2015.06.010
Points clés
L'intolérance environnementale idiopathique ne peut être expliquée par des facteurs non psychologiques.
Pour le diagnostic, exclure les troubles qui peuvent avoir des manifestations intermittentes similaires (p. ex., des troubles allergiques) et évoquer le syndrome des bâtiments malsains.
Rechercher des anomalies immunologiques n'est indiqué qu'en présence de signes cliniques ou de laboratoire objectifs.
Encourager les thérapies psychologiques (p. ex., désensibilisation, exposition progressive) et l'amélioration des capacités d'adaptation; le traitement pharmacologique et comportemental des troubles psychiatriques coexistants peut également être bénéfique.