Nutrition entérale

ParDavid R. Thomas, MD, St. Louis University School of Medicine
Vérifié/Révisé sept. 2024
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La nutrition entérale est indiquée chez les patients dont le tube digestif est fonctionnel et qui ne peuvent ingérer suffisamment de nutriments par voie orale, pour des raisons d'incapacité physique ou de refus d'une alimentation orale (1).

Par rapport à la nutrition parentérale, la nutrition entérale présente les avantages suivants:

  • Une meilleure préservation de la structure et de la fonction du tube digestif

  • Un coût moindre

  • Probablement moins de complications, en particulier d'infections

Les indications spécifiques pour la nutrition entérale peuvent prendre en compte les situations suivantes:

D'autres indications peuvent comprendre une optimisation nutritionnelle chez les patients souffrant de malnutrition avant une chirurgie, chez les patients subissant une adaptation de l'intestin grêle après une résection intestinale massive (après stabilisation), ou chez ceux qui ont des troubles liés à une malabsorption (p. ex., une maladie de Crohn) qui nécessitent une formule entérique à base de peptides.

Référence générale

  1. 1. Bechtold ML, Brown PM, Escuro A, et al. When is enteral nutrition indicated?. JPEN J Parenter Enteral Nutr. 2022;46(7):1470-1496. doi:10.1002/jpen.2364

Types et positionnements des sondes entérales

Si l'alimentation par une sonde est nécessaire pendant 4 à 6 semaines, un tube mou en silicone ou polyuréthane à petit calibre, nasogastrique ou nasoentérique (p. ex., nasoduodénal, nasojéjunal) est habituellement utilisé.

Si une lésion ou une déformation nasale rend la pose par voie nasale difficile ou si une alimentation par sonde est nécessaire pendant > 4 à 6 semaines, une sonde de gastrostomie ou de jéjunostomie doit être posée.

La jéjunostomie est utile en cas de contre-indications à la gastrostomie (p. ex., gastrectomie et occlusions intestinales en amont du jéjunum). Cependant, ces tubes ne présentent pas moins de risques d'inhalation trachéobronchique que les tubes de gastrostomie, contrairement à ce que l'on pense souvent. Les tubes de jéjunostomie se déplacent facilement et ils doivent être utilisés chez les patients qui ont besoin d'un accès jéjunal (p. ex., après œsophagectomie ou gastrectomie).

Chez les patients ventilés mécaniquement, des tubes orogastriques ou d'autres tubes oro-entériques peuvent être posés.

Pièges à éviter

  • Le risque d'aspiration trachéobronchique avec les tubes de jéjunostomie est aussi élevé qu'avec les tubes de gastrostomie.

Chez les patients alertes, des sondes nasogastriques ou naso-entériques peuvent être placées à l'aveugle au lit du malade; un positionnement correct est confirmé par la radiographie. Sinon, les tubes peuvent être placés endoscopiquement, chirurgicalement ou par radiologie interventionnelle. Le choix dépend souvent des capacités du médecin et des préférences du patient; cependant, une pose chirurgicale est utilisée si la pose endoscopique et radiologique n'est pas disponible, techniquement impossible ou dangereuse(p. ex., en raison d'un intestin sus-jacent). Des techniques à ciel ouvert ou cœlioscopiques peuvent être utilisées.

(Voir aussi Comment insérer un tube nasogastrique.)

Formules pour la nutrition entérale

Les formules liquides pour nutrition entérale peuvent être polymériques, partiellement hydrolysées ou complètement hydrolysées. Des formules pour des troubles spécifiques sont disponibles. Des produits modulaires sont disponibles pour adapter un protocole d'alimentation aux besoins individuels du patient.

Les formules polymériques contiennent des protéines , des glucides et des lipides intactes et certaines formules contiennent des fibres. Ces produits sont conçus pour fournir une alimentation complète et équilibrée et pour répondre aux besoins en micronutriments. Ce sont les formules les plus couramment utilisées. La plupart des produits disponibles dans le commerce sont sans lactose; les produits contenant du lait sont généralement fabriqués avec du lait sans lactose et sont destinés à la consommation orale et non à l'utilisation d'une sonde entérique. Des formules à base d'aliments mélangés sont également disponibles dans le commerce ou peuvent être préparées à la maison.

Les formules partiellement ou complètement hydrolysées contiennent des protéines qui sont décomposées en petits peptides (partiellement hydrolysés) ou en acides aminés libres (complètement hydrolysés, parfois appelés élémentaires). Ces formules sont pauvres en matières grasses avec un pourcentage élevé de matières grasses sous forme d'huile de triglycérides à chaîne moyenne (MCT). Ces formules sont conçues pour les patients présentant des troubles de malabsorption. Des formules partiellement ou complètement hydrolysées sont disponibles dans le commerce.

Les formules spécialisées comprennent les formules partiellement hydrolysées ou complètement hydrolysées, mais également celles conçues pour des troubles spécifiques tels que les maladies rénales ou le diabète. D'autres formules spécifiques d'un trouble comprennent celles qui favorisent la cicatrisation ou modifient la réponse immunitaire aux traumatismes ou au stress métabolique. Certaines formules de spécialité répondent à un besoin clinique important (p. ex., en cas d'insuffisance rénale nécessitant une restriction en K, en phosphore et en liquides), alors que d'autres formules de spécialité peuvent ne pas être supportées par des preuves solides qui justifieraient leur cout. Des formules spéciales sont disponibles dans le commerce.

Les produits modulaires contiennent un seul nutriment ou parfois 2 nutriments. Les produits protéiniques modulaires peuvent être utilisés par ajout d'une formule polymérique disponible dans le commerce pour augmenter l'apport total de protéines à un patient qui a des besoins élevés en protéines. Des produits combinés tels que ceux qui ne contiennent que des glucides et des lipides peuvent être utilisés chez les patients qui ont besoin de suppléments d'énergie sans addition de protéines; ceux-ci sont souvent mélangés dans les aliments, mais peuvent être utilisés pour compléter une formule entérique. Des produits modulaires contenant des fibres sont disponibles sous forme de fibres solubles ou d'un mélange de fibres solubles et insolubles chez les patients qui peuvent avoir besoin de fibres supplémentaires pour traiter une diarrhée ou une constipation. Des produits modulaires sont disponibles dans le commerce.

Administration de la nutrition entérale

L'administration de nutrition entérale dépend du type de sonde d'alimentation et de la tolérance à l'alimentation.

L'alimentation par sonde nasogastrique ou gastrostomie peut être fournie sous forme de bolus plusieurs fois/jour. L'alimentation en bolus est plus physiologique et peut être préférée chez les patients diabétiques stables car elle permet un dosage de l'insuline adapté à la teneur en glucides de chaque bolus. Le volume total quotidien de la formule est fractionné en 4 à 6 repas séparés, introduits par la sonde au moyen d'une seringue ou par gravité. L'alimentation par la sonde doit être effectuée sur des patients en position assise avec un angle de 30 à 45° et garder cette position pendant 1 à 2 heures après intervention, afin de diminuer l'incidence des pneumonies par inhalation et permettre à la gravité de faciliter la vidange gastrique. Si les patients ne tolèrent pas l'alimentation en bolus en raison de nausées ou de vomissements (et ne s'améliorent pas sous l'effet d'un changement de formule entérale), une alimentation continue peut être indiquée.

L'alimentation par sonde nasoduodénale, nasodéjunale ou de jéjunostomie nécessite une pompe d'alimentation entérale. L'alimentation en bolus n'est pas appropriée parce que l'intestin grêle n'a pas la capacité de stockage permettant de tolérer de grands volumes de formule sur une courte période de temps. Les alimentations sont généralement commencées par une perfusion continue et peuvent ensuite être perfusées sur une période plus courte à une vitesse plus élevée (c'est-à-dire, par cycles) pour consentir au patient des périodes de temps sans nutrition pour permettre les activités de la vie quotidienne. Comme pour l'alimentation en bolus, les patients doivent être assis droits à 30 à 45° pendant l'alimentation par sonde pour réduire le risque de pneumonie par inhalation.

L'alimentation par pompe peut être commencée à 20 à 30 mL/heure puis avancée de 10 à 20 mL/heure toutes les 4 à 8 heures jusqu'à ce que la vitesse cible nécessaire pour obtenir le volume cible soit atteinte. Le volume cible pour la formule correspond aux besoins énergétiques du patient divisés par le rapport kcal/mL de la formule (p. ex., pour un besoin énergétique quotidien de 2400 kcal et une formule de 1 kcal/mL, 2400 mL/jour ou 100 mL/heure si le débit est continu). L'alimentation post-pylorique peut être commencée à une vitesse inférieure et modifiée lentement si le médecin craint que le patient ne tolère pas la formule entérique (p. ex., s'il développe une gêne abdominale, des ballonnements ou une diarrhée). La vitesse maximale d'alimentation jéjunale est généralement de 125 mL/heure; cependant, certains patients peuvent tolérer une vitesse plus élevée.

L'alimentation en bolus est généralement commencée avec la moitié du volume objectif désiré et augmentée par des injections en bolus supplémentaires jusqu'à ce que le volume et la vitesse objectifs soient atteints.

Les besoins en eau doivent être satisfaits par des injections d'eau supplémentaires via une seringue par le dispositif d'accès entérique. Les formules varient en densité calorique de 1,0 à 2,0 kcal/mL; à mesure que la concentration augmente, la teneur en eau par kcal diminue. Les médecins doivent calculer les besoins en eau du patient (une méthode courante de nutrition entérique consiste à utiliser 1 mL d'eau/kcal fourni), soustraire la quantité d'eau fournie par la formule (obtenue à partir des informations sur le produit du fabricant), puis diviser l'eau restante en 4 à 6 injections d'eau/jour. Les patients qui ont un accès jéjunal peuvent ne pas tolérer les injections d'eau de grand volume (p. ex., > 150 à 200 mL) et peuvent avoir besoin d'injections de petit volume plus fréquentes pour répondre aux besoins d'hydratation. L'injection d'eau minimale recommandée est de 30 mL toutes les 4 heures pour maintenir la perméabilité du tube. L'eau administrée avec les médicaments doit également être ajoutée à la quantité totale d'eau administrée au patient. Chez les patients hospitalisés, les déficits liquidiens peuvent être compensés par des liquides IV, en particulier si les pertes liquidiennes (p. ex., en raison de vomissements, de diarrhée, de sudation ou de fièvre) dépassent les quantités normales.

Complications de la nutrition entérale

Les complications de la nutrition entérale sont fréquentes et certaines peuvent être graves (voir tableau Complications de la nutrition entérale).

Tableau
Tableau

Points clés

  • Envisager une nutrition entérale chez les patients dont le tube digestif est fonctionnel et qui ne peuvent ingérer suffisamment de nutriments par voie orale, pour des raisons d'incapacité physique ou de refus d'une alimentation orale.

  • Si l'alimentation par sonde digestive est prévue durer > 4 à 6 semaines, envisager une gastrostomie ou une jéjunostomie, placée endoscopiquement, chirurgicalement ou radiologiquement.

  • La formule polymérique est la plus couramment utilisée et généralement la formule la plus facile à administrer.

  • L'alimentation par la sonde doit être effectuée sur des patients en position assise avec un angle de 30 à 45° et garder cette position pendant 1 à 2 heures après intervention, afin de diminuer l'incidence de pneumonie nosocomiale par inhalation et de pour permettre à la gravité d'aider à la vidange gastrique.

  • Vérifier périodiquement l'absence de complications du gavage (p. ex., liées à la sonde, à la formule, à une inhalation).

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