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Traumatisme spinal

ParGordon Mao, MD, Indiana University School of Medicine
Reviewed ByDavid A. Spain, MD, Department of Surgery, Stanford University
Vérifié/Révisé Modifié mai 2025
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Un traumatisme du rachis peut entraîner des lésions de la moelle épinière et/ou des vertèbres. Parfois, les nerfs rachidiens sont également atteints. Pour des informations supplémentaires, voir anatomie de la colonne vertébrale.

La lésion de la moelle épinière peut être:

  • Complète

  • Incomplète

(Voir aussi Prise en charge du patient traumatisé.)

Étiologie des traumatismes spinaux

Lésion de la moelle épinière

Chaque année, on enregistre environ 18 000 traumatismes de la moelle épinière aux États-Unis ou 54 cas par million de personnes par an (1).

Les causes les plus fréquentes de lésions de la moelle épinière sont les suivantes:

  • Accidents de véhicule à moteur

  • Chutes

Une base de données de population des États-Unis de patients qui ont des lésions de la moelle épinière a trouvé que les accidents de véhicules à moteur représentaient 38% des blessures et les chutes 31% (2). Le pourcentage restant de lésions de la moelle épinière était attribué aux violences (13%), aux sports (9%) et aux complications de procédures médicales ou chirurgicales (5%). Environ 80% des patients étaient des hommes.

Chez les personnes âgées, les chutes sont la cause la plus fréquente de lésion de la moelle épinière (1, 3). Les os ostéoporotiques et la maladie dégénérative des articulations peuvent augmenter le risque de lésion de la moelle à des vitesses d'impact moins rapides en raison des coudures formées par les articulations arthrosiques, des ostéophytes empiétant sur la moelle et de la fragilité des os qui facilite les fractures dans des structures critiques.

Les lésions de la moelle épinière se produisent lorsqu'un impact physique direct lèse les vertèbres, les ligaments ou les disques de la colonne vertébrale, entraînant des ecchymoses, un écrasement ou une déchirure des tissus de la moelle épinière (p. ex., blessures par arme à feu ou coup de couteau). De telles lésions peuvent également produire des troubles vasculaires avec ischémie ou hématome (généralement extradural), qui aggravent les lésions. Toutes les formes de traumatisme peuvent entraîner un œdème de la moelle épinière, qui diminue ultérieurement le flux sanguin et l'oxygénation. Les lésions peuvent être dues à une sécrétion excessive de neurotransmetteurs par les cellules lésées, à une réponse immunitaire inflammatoire avec libération de cytokines, à une accumulation de radicaux libres et à l'apoptose.

Lésions vertébrales

Anatomie de la colonne vertébrale et de la moelle épinière

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Les lésions vertébrales peuvent être:

  • Des fractures qui peuvent toucher le corps vertébral, la lame, les pédicules et les apophyses transverses, articulaires et épineuses

  • Des luxations qui touchent généralement les articulations facettaires

  • Une subluxation qui comprend une rupture des ligaments sans lésion osseuse

Au niveau du cou, les fractures des éléments postérieurs et les luxations peuvent léser les artères vertébrales et entraîner un syndrome ressemblant à un accident vasculaire cérébral du tronc cérébral.

Les lésions vertébrales sont dites instables quand elles altèrent l'intégrité des os et/ou des ligaments permettant des mouvements qui pourraient comprimer la moelle épinière ou apports vasculaires et entraîner une importante aggravation des fonctions neurologiques ou des douleurs. Des tels mouvements des vertèbres peuvent survenir lors de simples changements de position du patient (p. ex., au cours du transport en ambulance, pendant le bilan initial). Les fractures vertébrales stables résistent à ces mouvements.

Les lésions spécifiques varient généralement selon le mécanisme du traumatisme. Un traumatisme en flexion peut entraîner des fractures en coin du corps vertébral ou des fractures des apophyses épineuses. Une force de flexion plus importante peut entraîner une luxation bilatérale des apophyses articulaires ou bien, au niveau C1-C2, une fracture de l'odontoïde, une subluxation atlanto-occipitale ou atlanto-axiale, ou les deux (fracture et subluxation). Un traumatisme en rotation peut entraîner une luxation unilatérale des articulations facettaires. Un traumatisme en extension entraîne le plus souvent une fracture de l'arc vertébral postérieur. Une compression peut entraîner un éclatement des corps vertébraux.

Lésion de la queue-de-cheval

L'extrémité inférieure de la moelle épinière (cône terminal) se situe habituellement au niveau de la vertèbre L1, ou plus haut. En dessous de ce niveau, les nerfs rachidiens forment la queue-de-cheval. Ainsi, les signes de traumatismes médullaires en dessous de ce niveau peuvent imiter ceux d'une lésion de la moelle épinière, le syndrome du cône terminal, en particulier (voir tableau Syndromes médullaires).

Références pour l'étiologie

  1. 1. Jain NB, Ayers GD, Peterson EN, et al. Traumatic spinal cord injury in the United States, 1993-2012. JAMA. 2015;313(22):2236-2243. doi:10.1001/jama.2015.6250

  2. 2. Chen Y, He Y, DeVivo MJ. Changing Demographics and Injury Profile of New Traumatic Spinal Cord Injuries in the United States, 1972-2014. Arch Phys Med Rehabil. 2016;97(10):1610-1619. doi:10.1016/j.apmr.2016.03.017

  3. 3. Bruggink C, van de Ree CLP, van Ditshuizen J, et al. Increased incidence of traumatic spinal injury in patients aged 65 years and older in the Netherlands. Eur Spine J. 2024;33(10):3677-3684. doi:10.1007/s00586-024-08310-w

Symptomatologie des traumatismes spinaux

Le signe principal de la lésion de la moelle épinière est un niveau lésionnel avec une fonction neurologique intacte au-dessus de ce niveau et des fonctions absentes ou très diminuées en dessous. La force musculaire est évaluée à l'aide de l'échelle standard de 0 à 5. Les manifestations spécifiques dépendent du niveau exact (voir tableau Effets des lésions de la moelle épinière en fonction de la localisation) et du caractère complet ou non de la lésion médullaire. Un priapisme peut survenir en phase aiguë d'un traumatisme médullaire.

Outre la fonction motrice et sensorielle, les signes au niveau des motoneurones supérieurs sont une constatation importante de traumatisme médullaire. Ces signes incluent une hyperréflexie ostéotendineuse et une hypertonie musculaire, un réflexe cutané plantaire en extension ou signe de Babinski (extension du gros orteil), un clonus (souvent déclenché à la cheville par une flexion dorsale rapide du pied), et un réflexe de Hoffman (positif si l’extension brusque de l’ongle du majeur provoque une flexion de la phalange distale du pouce).

La lésion vertébrale, comme toute autre fracture et luxation, est douloureuse, mais le patient distrait par d'autres lésions douloureuses (p. ex., fractures des os longs) ou dont le niveau de conscience est altéré pharmacologiquement ou du fait d'une blessure de la tête peut ne pas se plaindre de la douleur.

Tableau
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Lésion complète de la moelle

Une lésion complète de la moelle épinière induit ce qui suit:

  • Paralysie immédiate, complète et flasque (y compris avec perte du tonus du sphincter anal)

  • Perte de toute sensibilité et activité réflexe

  • Dysfonctionnement végétatif au-dessous du niveau de la blessure

Une lésion cervicale haute (au niveau ou au-dessus de C5) touche les muscles qui contrôlent la respiration, entraînant une insuffisance respiratoire; une dépendance au respirateur peut survenir, en particulier en cas de lésion à ou au-dessus de C3. Un dysfonctionnement végétatif dû à une lésion de la moelle cervicale peut provoquer une bradycardie et une hypotension; cette pathologie est appelée choc neurogène. Contrairement à d'autres formes de choc, la peau reste chaude et sèche. Des troubles du rythme et une instabilité de la pression artérielle peuvent se développer.

La paralysie flasque se transforme progressivement, en quelques heures ou semaines, en paralysie spastique, avec vivacité des réflexes ostéotendineux normaux, secondaire à la perte de l'inhibition descendante. Ultérieurement, si la moelle lombosacrée est intacte, surviennent des spasmes musculaires en flexion et les réflexes tendineux profonds et végétatifs réapparaissent.

Lésion incomplète de la moelle

Une perte incomplète de la motricité et de la sensibilité se produit, et les réflexes ostéotendineux peuvent être hyperactifs, mais la sensibilité est conservée au moins dans les segments S4 à S5 (1). La perte motrice et sensitive peut être permanente ou temporaire, en fonction de l'étiologie; la fonction peut être perdue brièvement du fait de la concussion ou plus durablement en cas de contusion ou de lacération. Parfois, un œdème rapide de la moelle peut cependant entraîner des troubles neurologiques complets rappelant une lésion médullaire complète, appelée choc spinal (à ne pas confondre avec le choc spinal neurogène). Les symptômes disparaissent en un à plusieurs jours, mais une incapacité résiduelle persiste souvent.

Anatomie de la moelle épinière

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Les manifestations dépendent de la zone médullaire atteinte; plusieurs syndromes définis sont reconnus (voir tableau Syndromes médullaires).

Le syndrome de Brown-Séquard résulte d'une hémisection de la moelle. Le patient présente une paralysie spastique homolatérale ainsi qu'une perte du sens de position sous la lésion avec une perte controlatérale de la sensibilité douloureuse et thermique.

Le syndrome du cordon ventral résulte d'une lésion directe de la partie antérieure de la moelle épinière ou de l'artère spinale antérieure. Le patient perd la motricité et la sensibilité douloureuse bilatéralement en dessous de la lésion. La fonction de la moelle postérieure (vibration, proprioception) est intacte.

Le syndrome centromédullaire apparaît habituellement en cas de canal spinal cervical rétréci (congénital ou dégénératif) après un traumatisme en hyperextension. La fonction motrice des membres supérieurs est beaucoup plus touchée que celle des membres inférieurs. En cas de lésion des cordons postérieurs, la posture, la vibration et le tact superficiel sont perdus. Si les voies spinothalamiques sont touchées, la sensibilité douloureuse, thermique et, souvent, le toucher léger ou profond sont perdus. L'hémorragie médullaire due à un traumatisme (hématomyélie) est habituellement limitée à la substance grise cervicale centrale et se traduit par des signes d'atteinte des motoneurones inférieurs (faiblesse et amaigrissement musculaire, fasciculations, diminution des réflexes ostéotendineux des membres supérieurs), habituellement irréversibles. La faiblesse motrice est souvent proximale et s'accompagne de troubles sélectifs des sensibilités algique et thermique.

Lésions de la queue-de-cheval

Une perte motrice ou de sensibilité, en général partielle, se produit au niveau distal des jambes. Les symptômes sensoriels sont généralement bilatéraux mais généralement asymétriques, affectant un côté plus que l'autre. La sensibilité est habituellement diminuée dans la région périnéale (anesthésie en selle). Une dysfonction intestinale et vésicale, incontinence ou rétention, peut survenir. Les hommes présentent des troubles de l'érection et les femmes une diminution de la réponse sexuelle. Le tonus du sphincter anal est diminué, et les réflexes bulbocaverneux et anaux sont anormaux. Ces résultats peuvent être similaires à ceux du syndrome du cône terminal.

Complications des lésions de la moelle épinière

Les séquelles dépendent de la gravité et du niveau de la lésion. Une atteinte respiratoire est possible si la lésion siège au niveau ou au-dessus du segment C5, bien que les patients avec des lésions jusqu’à T4 puissent également présenter un risque accru. Une mobilité réduite augmente le risque de thrombose, d'infection urinaire, de rétraction, d'atélectasie, de pneumonie et d'ulcères de pression. Une spasticité invalidante peut se développer. L'instabilité cardiovasculaire est fréquente peu après la lésion du cordon cervical et est liée au choc neurogène et à la dysréflexie végétative qui surviennent en réponse à des événements déclencheurs tels que la douleur ou la pression sur le corps. Une douleur neurogène chronique peut se manifester à type de brûlure ou de piqûre.

Référence pour la symptomatologie

  1. 1. ASIA and ISCoS International Standards Committee. The 2019 revision of the International Standards for Neurological Classification of Spinal Cord Injury (ISNCSCI)-What's new?. Spinal Cord. 2019;57(10):815-817. doi:10.1038/s41393-019-0350-9

Diagnostic du traumatisme spinal

  • Envisager une lésion de la moelle épinière chez les patients présentant des lésions à haut risque (même en l'absence de symptômes)

  • TDM, IRM, ou radiographies en position debout

  • Parfois la myélographie par TDM chez les patients qui ne sont pas candidats à l'IRM

Les lésions traumatiques de la moelle épinière ne sont pas toujours évidentes. Une lésion de la colonne vertébrale et de la moelle épinière doivent être évoquées chez les patients atteints de

  • Lésions qui impliquent la tête

  • Fracture du bassin

  • Blessures pénétrantes dans la zone de la colonne vertébrale

  • Blessures liées à des accidents de la route

  • Lésions fermées graves

  • Les blessures subies en tombant des hauteurs ou aux plongeons

Chez les patients âgés, des lésions de la colonne vertébrale doivent également être envisagées après des chutes mineures.

Des blessures de la colonne vertébrale et de la moelle épinière doivent également être évoquées en cas d'altération de la conscience, de douleur localisée du rachis, de blessures douloureuses, ou de déficits neurologiques compatibles.

Le diagnostic des lésions de la colonne vertébrale et de la moelle épinière comprend l'évaluation de la fonction nerveuse, dont les réflexes, la motricité et la sensibilité, et l'imagerie.

Les manifestations cliniques peuvent être classées en utilisant l'échelle de l'ASIA (American Spinal Injury Association) l'échelle de handicap ou un instrument semblable (voir tableau Échelle de handicap des lésions de la moelle épinière).

Tableau
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Examen des nerfs

La fonction motrice est évaluée sur tous les membres. Le test de sensibilité doit comprendre aussi bien le tact superficiel (fonction du cordon postérieur), que la sensibilité à la piqûre (voie spinothalamique antérieure) et le sens de position (fonction de la colonne postérieure). L'identification du niveau sensoriel est au mieux obtenue par un examen de distal vers proximal et en testant les racines thoraciques au niveau du dos pour éviter d'être induit en erreur par la distribution en "cape" cervicale (qui comprend des modifications sensitives au niveau du haut du dos, de la base du cou, et de la partie proximale des bras) caractéristiques d'un syndrome centromédullaire. Un priapisme est un signe de lésions médullaires. Le tonus rectal peut être diminué et les réflexes des membres inférieurs peuvent être exagérés ou diminués.

Imagerie

Des radiographies de toutes les régions traumatisées doivent être prises. Une TDM des régions qui apparaissent comme anormales sur les radiographies ainsi que des régions à risque de lésion en fonction des signes cliniques sera pratiquée. Cependant, la TDM est de plus en plus utilisée comme examen primaire d'imagerie en cas de traumatisme rachidien parce qu'elle a une meilleure précision diagnostique et, que dans de nombreux centres traumatologiques, elle peut être effectuée rapidement dans le cadre d'un protocole de traumatologie standardisé (1).

L'IRM permet d'identifier le type et la localisation des lésions de la moelle; c'est l'examen d'imagerie le plus précis de la moelle épinière elle-même et d'autres tissus mous, mais elle peut ne pas être immédiatement disponible. Chez les patients porteurs de dispositifs implantés (p. ex., stimulateur cardiaque) qui ne sont pas candidats à l'IRM, une myélographie par TDM est parfois réalisée pour identifier les structures qui compriment la moelle épinière.

Si une fracture du rachis cervical, une subluxation ou une lésion ligamentaire sont identifiées, une étude vasculaire est généralement justifiée (typiquement, une angio-TDM) pour exclure des lésions concomitantes des artères carotides ou vertébrales (2, 3).

Références pour le diagnostic

  1. 1. Expert Panel on Neurological Imaging and Musculoskeletal Imaging, Beckmann NM, West OC, et al. ACR Appropriateness Criteria® Suspected Spine Trauma. J Am Coll Radiol. 2019;16(5S):S264-S285. doi:10.1016/j.jacr.2019.02.002

  2. 2. Burlew CC, Biffl WL, Moore EE, et al. Blunt cerebrovascular injuries: Redefining screen criteria in the era of non-invasive diagnosis. J Trauma Acute Care Surg. 72(2):p 539, 2012. | doi: 10.1097/TA.0b013e31824b6133

  3. 3. Tobert DG, Le HV, Blucher JA, et al. The Clinical Implications of Adding CT Angiography in the Evaluation of Cervical Spine Fractures: A Propensity-Matched Analysis. J Bone Joint Surg Am. 2018;100(17):1490-1495. doi:10.2106/JBJS.18.00107

Traitement du traumatisme spinal

  • Immobilisation

  • Maintien de l'oxygénation et de la perfusion de la moelle épinière

  • Soins de support

  • Stabilisation chirurgicale, le cas échéant

  • Soins symptomatiques et rééducation à long terme

Soins immédiats

La prise en charge initiale des lésions de la moelle épinière comprend des soins immédiats pour stabiliser le patient et prévenir d'autres lésions de la colonne vertébrale et/ou de la moelle épinière (1). En l'absence d'une immobilisation appropriée, la flexion ou l'extension de la colonne vertébrale peut contusionner ou sectionner la moelle épinière et déclencher une paraplégie, une quadriplégie, ou même la mort par lésion médullaire.

En cas de risque de lésion médullaire, la colonne vertébrale doit être immédiatement immobilisée; le cou est maintenu droit manuellement (stabilisation en alignement) pendant l'intubation endotrachéale. Dès que possible, la colonne vertébrale est totalement immobilisée sur une planche, plate, rembourrée ou une surface similaire pour stabiliser la position sans pression excessive. Une minerve rigide doit être utilisée pour immobiliser le rachis cervical. Le patient qui souffre d'un traumatisme du rachis dorsal ou lombaire peut être transporté en décubitus ventral ou dorsal. Le patient qui souffre d'une lésion de la moelle cervicale qui pourrait mettre en danger la respiration doit être transporté en décubitus dorsal, en surveillant la perméabilité des voies respiratoires et en évitant la constriction du thorax. Le transfert vers un centre de traumatologie est souhaitable.

Les soins médicaux doivent avoir pour objectif d'éviter l'hypotension et l'hypoxie, qui peuvent ultérieurement endommager la moelle. De nombreux experts préconisent le maintien d'une pression artérielle légèrement élevée avec une pression artérielle moyenne 85 à 90 mmHg pendant 5 à 7 jours pour améliorer la perfusion de la moelle épinière et réduire les épisodes d'hypotension qui peuvent nuire au rétablissement (1, 2, 3, 4). Les objectifs de pression artérielle moyenne peuvent être atteints en utilisant une expansion volémique par des cristalloïdes et/ou des colloïdes, des vasopresseurs ou leur association. Les lésions au-dessus de T6–T7, car elles compromettent le flux sympathique des nerfs cardiopulmonaires thoraciques, sont traitées par des vasopresseurs qui ont des effets chronotropes et inotropes tels que la noradrénaline et la dopamine. Les lésions en dessous de T7 peuvent répondre suffisamment aux vasoconstricteurs purs tels que la phényléphrine (5). La saturation en oxygène doit être maintenue 90% pour prévenir l'ischémie de la moelle épinière. Dans les lésions cervicales hautes, qui perturbent les informations provenant du nerf phrénique, au-dessus de C5, une intubation et une assistance respiratoire sont habituellement nécessaires.

Des corticostéroïdes à haute dose ne sont pas recommandés de routine (1, 6). L'utilisation de corticostéroïdes dans le contexte de lésions spinales aiguës a été controversée, largement en raison de données limitées et contradictoires. Les données de multiples essais randomisés n'ont pas démontré de bénéfice clinique, et ont également rapporté une augmentation des événements indésirables incluant infection de plaie, embolie pulmonaire, sepsis et décès (1, 7). Cependant, certains experts suggèrent une perfusion de 24 heures de méthylprednisolone à haute dose chez des patients sélectionnés qui se présentent dans les 8 heures suivant leur blessure. Cette approche est basée sur des preuves d'essais randomisés qui ont observé un bénéfice modéré chez les patients qui arrivent à l'hôpital peu de temps après la blessure sans aucune augmentation des complications (8). Cependant, ce bénéfice n'a pas été reproduit de manière constante.

Les lésions sont traitées par le repos, des antalgiques et des myorelaxants avec ou sans chirurgie jusqu'à disparition de l'œdème et de la douleur locale. Le traitement général supplémentaire du patient traumatisé est présenté ailleurs.

Les lésions instables sont immobilisées jusqu'à ce que l'os et les tissus mous soient cicatrisés pour assurer un alignement adéquat; une chirurgie avec fusion et fixation interne est parfois nécessaire. En cas de lésion incomplète de la moelle une amélioration neurologique significative après la décompression est possible. En revanche, en cas de lésions complètes, la récupération de fonctions neurologiques utiles en dessous du niveau de la lésion est peu probable. Ainsi, la chirurgie vise à stabiliser le rachis pour permettre une mobilisation précoce.

Un soulagement de la compression provoquée par des fragments osseux, un hématome épidural ou un mauvais alignement aigu peut être nécessaire. De nombreux chirurgiens recommandent une réduction manuelle au lit du malade avant même une IRM (ou une intervention chirurgicale) en cas de lésion de la colonne cervicale provoquant une compression active de la moelle épinière cervicale. Cependant, en général, les patients présentant des déficits neurologiques évidents dus à un traumatisme médullaire doivent subir une IRM pour identifier la lésion des tissus mous et exclure toute pathologie compressive active avant toute intervention chirurgicale. Une chirurgie précoce permet une mobilisation et une kinésithérapie plus précoces. Le moment optimal pour la chirurgie de décompression des lésions incomplètes de la moelle se situe dans les 24 heures qui suivent le traumatisme (9). Pour les lésions complètes, la chirurgie est également recommandée précocement dans les premières 24 h en raison de preuves similaires de bénéfice clinique comparé aux lésions médullaires incomplètes. Le seul essai contrôlé randomisé qui ait étudié le moment de la chirurgie des lésions de la moelle épinière a analysé les lésions incomplètes et complètes de la moelle épinière (10, 11). À 6 mois, les patients qui ont subi une chirurgie de décompression précoce dans les 24 h suivant la lésion ont eu des résultats neurologiques améliorés par rapport à ceux qui ont bénéficié d'une chirurgie plus tardive.

D'autres traitements invasifs encore à l'étude comprennent la mise en place d'un drain lombaire pour la dérivation du liquide céphalorachidien (LCR) pour les lésions de la moelle épinière et la duroplastie chirurgicale au cours de la chirurgie de décompression. Les deux techniques visent à diminuer l'augmentation de la pression intrathécale du liquide céphalorachidien (et les lésions secondaires qui en résultent) causées par une contusion et un œdème de la moelle épinière.

Les soins infirmiers comprennent la prévention des infections urinaires et pulmonaires et des ulcères de pression, p. ex., en tournant le patient immobile toutes les 2 heures (si nécessaire sur un lit de positionnement sur le ventre). La prophylaxie des thromboses veineuses profondes est nécessaire. Un filtre de veine cave inférieure amovible pourrait être envisagé chez les patients immobiles qui ont des contre-indications à l'anticoagulation (prophylactique ou thérapeutique).

Soins à long terme après une lésion de la moelle épinière

Les médicaments peuvent contrôler efficacement la spasticité chez certains patients. Le baclofène oral et la tizanidine sont typiquement utilisés pour la spasticité survenant après une lésion de la moelle épinière. Le baclofène intrathécal peut être utilisé si les médicaments par voie orale sont inefficaces.

La rééducation est nécessaire pour obtenir une récupération aussi complète que possible. La rééducation, au mieux assurée par une approche d'équipe, combine des thérapies physiques, des activités de renforcement des compétences, et des conseils pour répondre aux besoins sociaux et émotionnels. L'équipe de rééducation est au mieux dirigée par un médecin ayant l'expérience de la rééducation (physiatre); elle comprend habituellement des infirmiers, des assistants sociaux, des diététiciens, des psychologues, des kinésithérapeutes et des ergothérapeutes, des thérapeutes récréationnels et des conseillers professionnels.

La kinésithérapie se concentre sur les exercices de musculation, des exercices d'élongation passive afin d'éviter les rétractions et sur l'utilisation appropriée des dispositifs auxiliaires tels que les minerves, le déambulateur ou le fauteuil roulant, qui peuvent être nécessaires pour améliorer la mobilité. On enseigne les stratégies pour contrôler la spasticité, la dysréflexie végétative et les douleurs neurogènes.

L'ergothérapie se concentre sur le redéveloppement de l'activité motrice fine. Les programmes de prise en charge des troubles urinaires et intestinaux comprennent les techniques d'évacuation, qui peuvent nécessiter une cathétérisation urinaire intermittente. Un programme de défécation, impliquant la stimulation à temps donné par des laxatifs, est souvent nécessaire.

La réadaptation professionnelle consiste à évaluer à la fois les capacités motrices fines et globales, ainsi que les capacités cognitives, afin de déterminer la probabilité de retrouver un emploi intéressant. Le spécialiste de la rééducation professionnelle aide alors à identifier des lieux de travail possibles et détermine quel équipement d'assistance et quelles modifications du lieu de travail sont nécessaires. Les ludothérapeutes utilisent une approche semblable pour identifier et favoriser la participation à des loisirs, à des sports et à d'autres activités.

La prise en charge psychologique vise à combattre la dépersonnalisation et la dépression quasi inévitables qui résultent de la perte de contrôle du patient sur son corps. La prise en charge psychologique est fondamentale pour le succès de toutes les autres composantes de la rééducation qui doit être accompagnée d'efforts d'éducation et d'encouragements à la participation active de sa famille et de ses amis.

Traitements expérimentaux

Des traitements visant à promouvoir la régénération nerveuse et minimiser la formation de tissu cicatriciel dans la moelle sont à l'étude. De tels traitements comprennent l'implantation d'une protection en polymère au niveau de la lésion de la moelle ainsi que des injections de macrophages autologues incubés; des oligodendrocytes de cellules souches embryonnaires humaines; des cellules souches neurales; et des facteurs trophiques. La recherche sur les cellules souches est en cours; de nombreuses études préliminaires ont montré des résultats prometteurs (12, 13, 14).

L'implantation d'un stimulateur péridural est une autre modalité de traitement à l'étude pour améliorer le mouvement volontaire après une lésion de la moelle épinière (15). Lors d'une stimulation épidurale, des impulsions électriques sont envoyées à la surface de la moelle épinière au-dessous de la lésion.

Références pour le traitement

  1. 1. Walters BC, Hadley MN, Hurlbert RJ, et al. Guidelines for the management of acute cervical spine and spinal cord injuries: 2013 Updates. Neurosurgery. 60(CN_suppl_1):82–91. doi: 10.1227/01.neu.0000430319.32247.7f

  2. 2. Hawryluk G, Whetstone W, Saigal R, et al. Mean arterial blood pressure correlates with neurological recovery after human spinal cord injury: Analysis of high frequency physiologic data. J Neurotrauma. 32(24):1958–1967, 2015. doi: 10.1089/neu.2014.3778

  3. 3. Vale FL, Burns J, Jackson AB, et al. Combined medical and surgical treatment after acute spinal cord injury: Results of a prospective pilot study to assess the merits of aggressive medical resuscitation and blood pressure management. J Neurosurg. 87(2):239–246, 1997. doi: 10.3171/jns.1997.87.2.0239

  4. 4. Kwon BK, Tetreault LA, Martin AR, et al. A Clinical Practice Guideline for the Management of Patients With Acute Spinal Cord Injury: Recommendations on Hemodynamic Management. Global Spine J. 2024;14(3_suppl):187S-211S. doi:10.1177/21925682231202348

  5. 5. Muzevich KM, Voils SA. Role of vasopressor administration in patients with acute neurologic injury. Neurocrit Care. 2009;11(1):112-119. doi:10.1007/s12028-009-9214-z

  6. 6. Tetreault LA, Kwon BK, Evaniew N, et al. A Clinical Practice Guideline on the Timing of Surgical Decompression and Hemodynamic Management of Acute Spinal Cord Injury and the Prevention, Diagnosis, and Management of Intraoperative Spinal Cord Injury: Introduction, Rationale, and Scope. Global Spine J. 2024;14(3_suppl):10S-24S. doi:10.1177/21925682231183969

  7. 7. Liu Z, Yang Y, He L, et al. High-dose methylprednisolone for acute traumatic spinal cord injury: A meta-analysis. Neurology. 2019;93(9):e841-e850. doi:10.1212/WNL.0000000000007998

  8. 8. Fehlings MG, Wilson JR, Tetreault LA, et al. A clinical practice guideline for the management of patients with acute spinal cord injury: Recommendations on the use of methylprednisolone sodium succinate. Global Spine J.7(3 Suppl):203S-211S, 2017. doi: 10.1177/2192568217703085

  9. 9. Badhiwala JH, Wilson JR, Witiw CD, et al. The influence of timing of surgical decompression for acute spinal cord injury: a pooled analysis of individual patient data. Lancet Neurol. 2021;20(2):117-126. doi:10.1016/S1474-4422(20)30406-3

  10. 10. Fehlings MG, Vaccaro A, Wilson JR, et al. Early versus delayed decompression for traumatic cervical spinal cord injury: Results of the Surgical Timing in Acute Spinal Cord Injury Study (STASCIS). PLoS One. 7(2):e32037, 2012. doi:10.1371/journal.pone.0032037

  11. 11. Fehlings MG, Tetreault LA, Hachem L, et al. An Update of a Clinical Practice Guideline for the Management of Patients With Acute Spinal Cord Injury: Recommendations on the Role and Timing of Decompressive Surgery. Global Spine J. 2024;14(3_suppl):174S-186S. doi:10.1177/21925682231181883

  12. 12. Khan FI, Ahmed Z. Experimental Treatments for Spinal Cord Injury: A Systematic Review and Meta-Analysis. Cells. 2022;11(21):3409. Published 2022 Oct 28. doi:10.3390/cells11213409

  13. 13. Hosseini SM, Borys B, Karimi-Abdolrezaee S. Neural stem cell therapies for spinal cord injury repair: an update on recent preclinical and clinical advances. Brain. 2024;147(3):766-793. doi:10.1093/brain/awad392

  14. 14. Saremi J, Mahmoodi N, Rasouli M, et al. Advanced approaches to regenerate spinal cord injury: The development of cell and tissue engineering therapy and combinational treatments. Biomed Pharmacother. 2022;146:112529. doi:10.1016/j.biopha.2021.112529

  15. 15. Chalif JI, Chavarro VS, Mensah E, et al. Epidural Spinal Cord Stimulation for Spinal Cord Injury in Humans: A Systematic Review. J Clin Med. 2024;13(4):1090. Published 2024 Feb 14. doi:10.3390/jcm13041090

Pronostic du traumatisme spinal

La section de la moelle épinière entraîne une lésion irréparable et une perte permanente de la fonction neurologique sous le site de la lésion. L'avulsion des racines nerveuses entraîne également une perte définitive de la fonction; des lésions traumatiques moins sévères dues à la compression ou à l'étirement du tissu nerveux peuvent permettre une récupération fonctionnelle, en fonction du degré de lésion des axones, de l'endoneurium et de l'épineurium. (Voir la classification de Seddon [1] et la classification de Sunderland [2].) La réapparition d'un mouvement ou d'une sensibilité dans la semaine qui suit le traumatisme annonce une bonne récupération. Un dysfonctionnement persistant après 6-9 mois risque d'être permanent; cependant, la classification de l'American Spinal Injury Association (ASIA) peut s'améliorer d'un degré jusqu'à un an après la lésion (3, 4). Typiquement, le taux de récupération motrice le plus rapide survient dans les 3 premiers mois après la lésion (3). Certaines recherches démontrent la récupération de certaines fonctions dans le cas de lésions médullaires complètes antérieures grâce à la stimulation de la moelle épinière.

La pneumonie est une cause fréquente de décès en cas de lésion de la moelle cervicale haute, en particulier chez les patients dépendants du ventilateur (5).

Références pour le pronostic

  1. 1. Seddon HJ. Three types of nerve injury. Brain. 66(4):237–288, 1942. doi.org/10.1093/brain/66.4.237

  2. 2. Sunderland S. A classification of peripheral nerve injuries producing loss of function. Brain. 74(4):491–516, 1951. https://doi.org/10.1093/brain/74.4.491

  3. 3. Kirshblum S, Snider B, Eren F, Guest J. Characterizing Natural Recovery after Traumatic Spinal Cord Injury. J Neurotrauma. 2021;38(9):1267-1284. doi:10.1089/neu.2020.7473

  4. 4. Wu L, Marino RJ, Herbison GJ, Ditunno JF Jr. Recovery of zero-grade muscles in the zone of partial preservation in motor complete quadriplegia. Arch Phys Med Rehabil. 1992;73(1):40-43.

  5. 5. Reyes MRL, Elmo MJ, Menachem B, et al. A Primary Care Provider's Guide to Managing Respiratory Health in Subacute and Chronic Spinal Cord Injury. Top Spinal Cord Inj Rehabil. 2020;26(2):116-122. doi:10.46292/sci2602-116

Points clés

  • Outre les cas de traumatisme vertébral évident, il convient de suspecter des lésions de la moelle épinière chez les patients présentant un risque accru de lésion médullaire, dont les patients âgés après une chute et les patients présentant un altération de la conscience, des déficits neurologiques suggérant une lésion médullaire ou une douleur rachidienne localisée.

  • Pour assurer le diagnostic de lésions incomplètes de la moelle épinière, il faut tester les fonctions motrices et les fonctions sensorielles (dont le toucher léger, la piqûre, et le sens de position) et vérifier l'absence de faiblesse disproportionnée des membres supérieurs.

  • Immobiliser immédiatement la colonne vertébrale chez les patients à risque.

  • Organiser immédiatement une TDM ou, si disponible, une IRM.

  • Organiser une chirurgie dans les 24 heures de la blessure en cas de lésions incomplètes de la moelle.

  • Traiter des lésions irréversibles de la moelle épinière par la réhabilitation multimodale et par des médicaments pour contrôler la spasticité.

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