La cardiomyopathie par non compaction est un trouble congénital du myocarde qui provoque une cardiomyopathie, divers troubles du rythme, des troubles de la conduction et un risque accru de mort subite. Le diagnostic repose sur l'ECG, l'imagerie cardiaque et les tests génétiques. Le traitement consiste habituellement en un cardioverteur-défibrillateur implantable, un traitement médicamenteux antiarythmique et des mesures standards pour l'insuffisance cardiaque.
(Voir aussi Revue générale des cardiomyopathies arythmogènes et Revue générale des troubles du rythme.)
La cardiomyopathie par non compaction est une cardiomyopathie rare résultant de l'échec du processus de compaction myocardique ventriculaire embryonnaire, de sorte que le myocarde ventriculaire est constitué d'une couche externe de myocarde normalement compacte et d'une couche interne non compacte qui a conservé des caractéristiques embryonnaires (1). La couche interne est spongieuse et nettement trabéculée avec des cavités inter-trabéculaires profondes habituellement plus importantes à l'apex du ventricule gauche, puis ailleurs dans le ventricule gauche, et moins fréquemment dans le ventricule droit. Bien qu'il existe des cas probablement acquis, la plupart des cas résultent de mutations héréditaires de gènes codant pour des protéines sarcomériques, des protéines du cytosquelette ou des protéines mitochondriales. Les cas héréditaires sont le plus souvent autosomiques dominants ou liés à l'X.
Dans la cardiomyopathie par non compaction, l'architecture myocardique désordonnée et les anomalies microvasculaires associées conduisent à une fibrose myocardique. La fibrose prédispose à l'insuffisance cardiaque systolique et diastolique et aux tachyarythmies ventriculaires, à l'arrêt cardiaque et à la mort subite. Les cavités inter-trabéculaires profondes produisent des zones de stase du flux sanguin prédisposant aux événements thrombo-emboliques, dont les accidents vasculaires cérébraux. Certaines formes sont également associées à des tachyarythmies auriculaires (p. ex., fibrillation auriculaire, syndrome de Wolff-Parkinson-White), à des blocs du système de conduction, à une repolarisation précoce, à un syndrome de l'intervalle QT long, à d'autres troubles cardiaques congénitaux ou à des dystrophies musculaires squelettiques.
Référence générale
1. Filho DCS, do Rêgo Aquino PL, et al: Left Ventricular Noncompaction: New Insights into a Poorly Understood Disease. Curr Cardiol Rev. 2021;17(2):209-216. doi: 10.2174/1573403X16666200716151015
Symptomatologie de la cardiomyopathie par non compaction
Les patients peuvent être asymptomatiques.
Les symptômes initiaux sont habituellement ceux de l'insuffisance cardiaque (p. ex., dyspnée d'effort, fatigue, œdème périphérique) bien que certains patients présentent des symptômes de blocs de conduction et/ou d'arythmie, y compris des palpitations et/ou une syncope, ou parfois un arrêt cardiaque. Les tachyarythmies ventriculaires peuvent être déclenchées par l'exercice.
Diagnostic de la cardiomyopathie par non compaction
Imagerie cardiaque (p. ex., échocardiographie, imagerie par résonance magnétique avec injection tardive de gadolinium)
Tests génétiques
Dépistage des parents au premier degré
Le diagnostic de cardiomyopathie par non compaction est suspecté chez les patients présentant des troubles du rythme ou des troubles de la conduction chez lesquels le bilan standard (p. ex., par échocardiographie) révèle des anomalies de la paroi ventriculaire, dont une hypertrophie, des couches distinctes et des trabécules profondes. Cependant, il est souvent difficile de distinguer les signes de la cardiomyopathie par non compaction des variations normales, en particulier en cas d'hypertrophie physiologique ou pathologique du ventricule gauche, de celles d'autres cardiomyopathies et chez les patientes enceintes. Une IRM cardiaque avec rehaussement tardif du gadolinium est habituellement également effectuée et est plus sensible.
Chaque technique d'imagerie utilise des critères de seuil de mesure pour améliorer la discrimination. Plusieurs critères de consensus différents (p. ex., par échocardiographie [1, 2] ou par IRM [3]) ont été développés pour faciliter le diagnostic. Les patients présentant des taux significatifs de fibrose myocardique ont un pronostic moins favorable.
L'ECG et la surveillance ambulatoire du rythme cardiaque sont effectués pour évaluer l'état actuel du rythme et sont répétés annuellement pour guider les traitements par des médicaments antiarythmiques ou des dispositifs thérapeutiques.
Les patients qui présentent des signes évocateurs de la maladie doivent subir des tests génétiques.
Les membres de la famille au premier degré des patients doivent subir un bilan clinique (c'est-à-dire, pour détecter des symptômes évocateurs d'arythmie et/ou d'insuffisance cardiaque), un ECG et une échocardiographie initialement et répétés tous les 1 à 3 ans. Des tests génétiques sont effectués si le cas index a une mutation identifiée. Les membres de la famille qui ne sont pas porteurs de cette mutation ne nécessitent pas de tests.
Références pour le diagnostic
1. Chin TK, Perloff JK, Williams RG, et al: Isolated noncompaction of left ventricular myocardium. A study of eight cases. Circulation 82(2):507–513, 1990. doi:10.1161/01.cir.82.2.507
2. Jenni R, Oechslin E, Schneider J, et al: Echocardiographic and pathoanatomical characteristics of isolated left ventricular non-compaction: a step towards classification as a distinct cardiomyopathy. Heart 86(6):666–671, 2001. doi: 10.1136/heart.86.6.666
3. Petersen SE, Selvanayagam JB, Wiesmann F, et al: Left ventricular non-compaction: Insights from cardiovascular magnetic resonance imaging. J Am Coll Cardiol 46(1);101–105, 2005. doi 10.1016/j.jacc.2005.03.045
Traitement de la cardiomyopathie par non compaction
Modération de l'activité physique
Parfois, un cardioverteur-défibrillateur implantable
Habituellement, un bêta-bloqueur
Parfois, d'autres médicaments antiarythmiques (en particulier le sotalol ou l'amiodarone)
Traitement de l'insuffisance cardiaque (y compris la transplantation) selon les besoins
Parfois, anticoagulation chronique
Les patients qui ont une cardiomyopathie par non compaction doivent éviter les efforts sportifs car ces activités favorisent les troubles du rythme mettant en jeu le pronostic vital.
La prévention de la mort subite repose sur le cardioverteur-défibrillateur implantable (voir aussi tableau Indications d'un cardioverteur-défibrillateur implantable). Un cardioverteur-défibrillateur implantable est recommandé chez les patients qui ont ce qui suit (1)
Antécédents de tachycardie ventriculaire avec syncope
Arrêt cardiaque ressuscité
Dysfonctionnement systolique sévère du ventricule gauche (fraction d'éjection du ventricule gauche < 35%)
La pose d'un cardioverteur-défibrillateur implantable peut également être utile (recommandation de classe IIa) chez les patients qui ont une cardiomyopathie liée à la lamine A/C (1)
Tachycardie ventriculaire non soutenue et réduction de la fraction d'éjection du ventricule gauche
Les bêta-bloqueurs et d'autres médicaments antiarythmiques sont utilisés pour traiter les tachyarythmies lorsqu'elles surviennent.
L'anticoagulation est utilisée en cas de fibrillation auriculaire ou d'accident vasculaire cérébral qui répondent aux critères standards (voir aussi tableau Score CHA2DS2-VASc). Une récente déclaration de consensus de la Heart Rhythm Society (1) indique qu'un traitement antithrombotique peut également être utile (recommandation de classe IIa) chez les patients présentant des signes de dysfonction ventriculaire et/ou de thrombus trabéculaire.
Les mesures standards du traitement de l'insuffisance cardiaque sont utilisées selon les besoins (voir aussi Traitement de la cardiomyopathie dilatée).
Référence pour le traitement
1. Towbin, JA, McKenna WJ, Abrams DJ, et al: 2019 HRS expert consensus statement on evaluation, risk stratification, and management of arrhythmogenic cardiomyopathy. Heart Rhythm 16:e301–e372, 2019. doi: 10.1016/j.hrthm.2019.05.007
Points clés
Les cardiomyopathies par non-compaction sont des troubles cardiaques génétiques qui entraînent une insuffisance cardiaque, des troubles du rythme, des blocs cardiaques et une maladie thrombo-embolique.
Le diagnostic repose sur des facteurs cliniques, les troubles du rythme, l'imagerie cardiaque et les tests génétiques.
Les membres de la famille au premier degré ont un risque important de maladie et nécessitent un dépistage initial et des examens réguliers.
Le traitement peut nécessiter un cardioverteur-défibrillateur implantable, des médicaments antiarythmiques, des anticoagulants et/ou des médicaments de l'insuffisance cardiaque.