La consommation d'alcool est élevée dans la plupart des pays occidentaux. Selon l'enquête américaine de 2023 sur l'usage de drogues et la santé, qui utilise la définition du Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders, Fifth Edition (DSM-5) du trouble de consommation d'alcool, 10,9% des adultes américains âgés de 18 ans et plus et 2,9% des enfants âgés de 12 à 17 ans répondaient aux critères du trouble de consommation d'alcool en 2022 (1; National Institute on Alcohol Abuse and Alcoholism [NIAAA]: Alcohol Use Disorder (AUD) in the United States). Le NIAAA a rapporté une augmentation de 33% des décès liés à l'usage d'alcool, d'environ 79 000 en 2019 à 105 000 en 2022. Cela représente une augmentation annuelle moyenne d'approximativement 10%, comparativement à l'augmentation annuelle de 2,2% au cours des deux décennies précédentes, suggérant une relation potentielle avec la pandémie de COVID-19 (2, 3).
Les troubles hépatiques qui se produisent chez les sujets présentant un trouble de consommation d'alcool, souvent en séquence, mais parfois coexistants, comprennent (4):
La stéatose hépatique alcoolique (dans > 90%)
Une hépatite alcoolique (dans 10 à 35% des cas)
Une cirrhose alcoolique (dans 10 à 20%)
Un carcinome hépatocellulaire peut également se développer, en particulier en cas d'accumulation de fer.
Références
1. SAMHSA, Center for Behavioral Health Statistics and Quality. 2022 National Survey on Drug Use and Health. Table 5.9A—Alcohol use disorder in past year: among people aged 12 or older; by age group and demographic characteristics, numbers in thousands, 2022 and 2023. Accessed March 19, 2025.
2. White AM, Castle IP, Powell PA, et al. Alcohol-Related Deaths During the COVID-19 Pandemic. JAMA. 327(17):1704-1706, 2022. doi:10.1001/jama.2022.4308
3. Centers for Disease Control and Prevention, National Center for Health Statistics. National Vital Statistics System, Provisional Mortality on CDC WONDER Online Database. Data are from the final Multiple Cause of Death Files, 2018-2022, and from provisional data for years 2023-2024, as compiled from data provided by the 57 vital statistics jurisdictions through the Vital Statistics Cooperative Program. Accessed March 19, 2025.
4. Crabb DW, Im GY, Szabo G, et al. Diagnosis and Treatment of Alcohol-Associated Liver Diseases: 2019 Practice Guidance From the American Association for the Study of Liver Diseases. Hepatology. 2020;71(1):306-333. doi:10.1002/hep.30866
Facteurs de risque de la maladie hépatique alcoolique
Les principaux facteurs de risques d'hépatopathie alcoolique sont:
La quantité et la durée de la consommation d'alcool
Sexe
Les traits génétiques et métaboliques
Obésité
Antécédents de chirurgie bariatrique
Quantité d'alcool
Une boisson alcoolisée standard contient 14 grammes d'alcool, la quantité contenue dans une bouteille de bière de 355 mL à 5%, un verre de vin de 148 mL, ou 44 mL d'une boisson de spiritueux distillés contenant 40% d'alcool en volume (1).
Il semble exister un effet seuil au-dessus duquel la quantité et la durée de la consommation d'alcool augmentent le risque de développement d'une maladie du foie. Ce seuil est inconnu et varie selon les facteurs de risque individuels (2).
Le NIAAA définit la consommation modérée d'alcool comme une boisson standard par jour pour les femmes et deux boissons standard par jour pour les hommes (1, 3). Cependant, l'Organisation mondiale de la santé déclare qu'il n'y a pas de niveau sûr de consommation d'alcool qui n'affecte pas la santé (4).
Le NIAAA définit "à risque" la consommation importante d'alcool chez les hommes comme plus de 14 boissons standard par semaine, ou plus de 4 boissons par jour, et chez les femmes comme plus de 7 boissons standard par semaine, ou plus de 3 boissons par jour (1).
L'alcoolisation ponctuelle importante/beuverie peut également aggraver la maladie hépatique liée à l'alcool. Le NIAAA définit l'alcoolisation ponctuelle importante/beuverie comme un mode de consommation d'alcool qui produit des concentrations d'alcool dans le sang de 0,08 g/dL, ce qui se produit généralement après 4 verres dans le cas des femmes et 5 verres dans le cas des hommes, en environ 2 heures (1).
Les patients qui ont une maladie hépatique liée à l'alcool ou d'autres maladies du foie, en particulier une maladie hépatique stéatosique associée à un dysfonctionnement métabolique (MASLD) (anciennement appelée stéatose hépatique non alcoolique [NAFLD]), une stéatohépatite associée à un dysfonctionnement métabolique (MASH) (anciennement appelée stéatohépatite non alcoolique [NASH]), une hépatite virale et une hémochromatose, ou toute consommation d'alcool qui entraîne des conséquences négatives, doivent être informés qu'il n'y a pas de niveau de consommation d'alcool sûr et qu'ils doivent s'abstenir.
The American Association for the Study of Liver Diseases (AASLD) et American College of Gastroenterology recommandent que les patients recevant des soins généralistes et en cliniques de gastro-entérologie/hépatologie, les services d'urgence et les hôpitaux (en hospitalisation) soient dépistés systématiquement pour la consommation d'alcool au moyen de questionnaires validés. Une brève intervention, une pharmacothérapie et une orientation vers un traitement doivent être proposées aux patients qui consomment de l'alcool de manière dangereuse (c'est-à-dire, une consommation excessive d'alcool ou une alcoolisation ponctuelle importante/beuverie) (5-7). L'AASLD recommande l'utilisation du Alcohol Use Disorders Inventory Test (AUDIT) si une consommation excessive d'alcool est suspectée (5).
Les biomarqueurs de l'alcool, tels que l'éthyl glucuronide urinaire ou capillaire, le sulfate d'éthyle urinaire et le phosphatidyléthanol (PEth), peuvent être utilisés pour soutenir l'anamnèse du patient et faciliter la récupération.
Sexe
Les femmes sont plus sensibles aux hépatopathies alcooliques même après ajustement sur le volume corporel. Les femmes peuvent ne nécessiter que 20 à 30 g d'alcool/jour pour courir un risque—soit la moitié ou moins que la quantité nécessaire pour les hommes (7, 8). Le risque chez la femme peut être augmenté parce qu'elles ont moins d'alcool déshydrogénase dans leur muqueuse gastrique; ainsi, davantage d'alcool intact atteint le foie.
Facteurs génétiques
Les maladies hépatiques liées à l'alcool surviennent souvent dans des familles, ce qui suggère l'implication de facteurs génétiques. Certains gènes spécifiques (p. ex., déficience des enzymes cytoplasmiques qui éliminent l'alcool) ont été identifiés et font l'objet d'investigations (7).
Nutrition ou obésité
Une alimentation riche en graisses insaturées augmente la sensibilité. L'obésité seule ou avec des antécédents de chirurgie bariatrique est un facteur de risque (9).
Autres facteurs
Les autres facteurs de risque incluent l'accumulation de fer dans le foie (non nécessairement liée à l'apport en fer) et une hépatite virale concomitante.
Références pour les facteurs de risque
1. Alcohol Research: Current Reviews Editorial Staff. Drinking Patterns and Their Definitions. Alcohol Res. 2018;39(1):17-18.
2. Rehm J, Taylor B, Mohapatra S, et al. Alcohol as a risk factor for liver cirrhosis: a systematic review and meta-analysis. Drug Alcohol Rev. 29(4):437-445, 2010. doi:10.1111/j.1465-3362.2009.00153.x
3. U.S. Department of Agriculture and U.S. Department of Health and Human Services. Dietary Guidelines for Americans, 2020-2025. 9th Edition. December 2020. Available at DietaryGuidelines.gov.
4. Anderson BO, Berdzuli N, Ilbawi A, et al. Health and cancer risks associated with low levels of alcohol consumption. Lancet Public Health. 8(1):e6-e7, 2023. doi: 10.1016/S2468-2667(22)00317-6
5. Crabb DW, Im GY, Szabo G, et al. Diagnosis and Treatment of Alcohol-Associated Liver Diseases: 2019 Practice Guidance From the American Association for the Study of Liver Diseases. Hepatology. 2020;71(1):306-333. doi:10.1002/hep.30866
6. Saunders JB, Aasland OG, Babor TF, et al. Development of the Alcohol Use Disorders Identification Test (AUDIT): WHO Collaborative Project on Early Detection of Persons with Harmful Alcohol Consumption--II. Addiction. 88(6):791-804, 1993. doi:10.1111/j.1360-0443.1993.tb02093.x
7. Jophlin LL, Singal AK, Bataller R, et al. ACG Clinical Guideline: Alcohol-Associated Liver Disease. Am J Gastroenterol. 2024;119(1):30-54. doi:10.14309/ajg.0000000000002572
8. O'Shea RS, Dasarathy S, McCullough AJ; Practice Guideline Committee of the American Association for the Study of Liver Diseases; Practice Parameters Committee of the American College of Gastroenterology. Alcoholic liver disease. Hepatology. 2010;51(1):307-328. doi:10.1002/hep.23258
9. Mellinger JL, Shedden K, Winder GS, et al. Bariatric surgery and the risk of alcohol-related cirrhosis and alcohol misuse. Liver Int. 2021;41(5):1012-1019. doi:10.1111/liv.14805
Physiopathologie de la maladie hépatique alcoolique
Absorption et métabolisme de l'alcool
L'alcool (éthanol) est rapidement absorbé dans l'estomac, mais il est essentiellement absorbé dans l'intestin grêle. L'alcool ne peut pas être stocké. Une petite quantité est dégradée lors de son passage à travers la muqueuse gastrique, mais la plus grande partie de l'alcool est catabolisée dans le foie, principalement par l'alcool déshydrogénase (ADH) mais également par le cytochrome P-450 2E1 (CYP2E1) et le système enzymatique microsomal d'oxydation (MEOS).
Le métabolisme de l'alcool via la voie de l'ADH comprend les éléments suivants:
L'ADH est une enzyme cytoplasmique qui oxyde l'alcool en acétaldéhyde. Les polymorphismes génétiques de l'ADH expliquent certaines différences individuelles d'alcoolémie mesurée après la consommation d'une même dose d'alcool mais ils n'expliquent pas la susceptibilité à développer une hépatopathie alcoolique.
L'acétaldéhyde déshydrogénase (ALDH) est une enzyme mitochondriale qui oxyde l'acétaldéhyde en acétate. La consommation chronique d'alcool augmente la formation d'acétate. Les sujets d'origine est-asiatique ont souvent une activité plus faible de l'ALDH due à une variation allélique et sont plus sensibles aux effets toxiques de l'acétaldéhyde (p. ex., cause de flush); ces effets sont similaires à ceux du disulfirame qui inhibe l'ALDH (1).
Ces réactions d'oxydation génèrent de l'hydrogène qui transforme le nicotinamide (niacine) adénine dinucléotide (NAD) en sa forme réduite (NADH), augmentant ainsi le potentiel d'oxydoréduction (NADH/NAD) dans le foie.
L'augmentation du potentiel d'oxydoréduction inhibe l'oxydation des acides gras et la gluconéogenèse, accentuant l'accumulation de graisses dans le foie.
L'alcoolisme chronique induit le système enzymatique microsomial d'oxydation (MEOS) (principalement dans le réticulum endoplasmique), augmentant son activité. Le principal système enzymatique concerné est le CYP2E1. Lorsqu'elle est induite, la voie du MEOS (système enzymatique microsomial d'oxydation) peut métaboliser jusqu'à 20% de l'alcool absorbé (2). Cette voie génère des corps chimiques dits réactifs à l'oxygène qui sont toxiques en augmentant le stress oxydatif et la formation de radicaux libres oxygène.
Accumulation de lipides hépatiques
Les graisses (triglycérides) s'accumulent dans les hépatocytes pour les raisons suivantes:
L'élimination des graisses du foie est diminuée parce que l'oxydation hépatique des acides gras et la production des lipoprotéines sont ralenties.
L'entrée des graisses dans le foie est accrue parce que la diminution de l'élimination des graisses par le foie augmente la lipolyse périphérique et la synthèse des triglycérides provoquant une hyperlipidémie.
L'accumulation de graisses dans le foie peut prédisposer à des lésions oxydatives ultérieures.
Endotoxines dans l'intestin
L'alcool modifie la perméabilité intestinale en augmentant l'absorption d'endotoxines libérées par les bactéries intestinales. En présence d'endotoxines intestinales (qui ne sont plus détoxifiées par le foie malade), les macrophages hépatiques (Cellules de Kupffer) libèrent des radicaux libres augmentant les lésions dues au stress oxydatif.
Lésions oxydatives
Le stress oxydatif est accru par:
L'hypermétabolisme hépatique, provoqué par la consommation d'alcool
Les lésions par peroxydation lipidique induite par des radicaux libres
La diminution des antioxydants (p. ex., glutathion, vitamines A et E) secondaire à la dénutrition induite par la consommation d'alcool
La liaison des métabolites oxydatifs de l'alcool, tels que l'acétaldéhyde, aux protéines des cellules hépatiques, formant des néoantigènes et entraînant une inflammation.
L'accumulation de polynucléaires neutrophiles et d'autres globules blancs attirés par les lésions secondaires à la peroxydation lipidique et les néo-antigène
Les cytokines inflammatoires sécrétées par les globules blancs
L'accumulation de fer intra-hépatique, sa présence aggrave les lésions oxydatives. Le fer peut s'accumuler en cas d'hépatopathie alcoolique suite à l'ingestion de fer contenu dans certains vins; le plus souvent, l'accumulation de fer reste modeste. Ce trouble peut être différencié de l'hémochromatose héréditaire.
Inflammation résultante, mort cellulaire et fibrose
Un cercle vicieux aggravant l'inflammation se met en place: la nécrose cellulaire et l'apoptose provoquent une perte hépatocytaire et les tentatives ultérieures de régénération cellulaire provoquent de la fibrose. Les cellules étoilées (cellules de Ito) le long des canaux sanguins (sinusoïdes) du foie prolifèrent et se transforment en myofibroblastes, produisant un excès de collagène de type I et de matrice extracellulaire. Par conséquent, les sinusoïdes rétrécissent, ce qui limite le flux sanguin. La fibrose rétrécit la portion terminale des veinules hépatiques compromettant la perfusion hépatique et contribuant à l'hypertension portale. La fibrose extensive provoque l'apparition d'une tentative de régénération cellulaire à l'origine de la formation de nodules hépatiques. Ce processus aboutit à la constitution d'une cirrhose.
Références pour la physiopathologie
1. Yin SJ, Peng GS. Overview of ALDH polymorphism: relation to cardiovascular effects of alcohol. In Preedy VR, Watson RR, eds. Comprehensive Handbook of Alcohol Related Pathology, Vol. 1. (VR Preedy, RR Watson eds), pp 409–424. Elsevier; 2005:409-424.
2. Contreras-Zentella ML, Villalobos-García D, Hernández-Muñoz R. Ethanol Metabolism in the Liver, the Induction of Oxidant Stress, and the Antioxidant Defense System. Antioxidants (Basel). 2022;11(7):1258. Published 2022 Jun 26. doi:10.3390/antiox11071258
Pathologie de la maladie alcoolique du foie
La stéatose hépatique, l'hépatite alcoolique et la cirrhose sont souvent considérées comme des lésions indépendantes et progressives de l'hépatopathie alcoolique. Cependant, elles coexistent souvent.
La stéatose hépatique alcoolique consécutive à la consommation excessive d'alcool est la lésion initiale et la plus fréquente. La stéatose hépatique est potentiellement réversible. Des graisses macrovésiculaires s'accumulent dans la cellule hépatique sous la forme de gouttelettes de triglycérides et déplacent le noyau des hépatocytes, surtout pour les cellules périveinulaires. Le foie augmente de volume.
L'hépatite alcoolique (stéatohépatite) associe à des degrés de sévérité variables une stéatose hépatique, une inflammation diffuse du foie et une nécrose hépatique (souvent focale). Les hépatocytes lésés peuvent présenter un aspect tuméfié et un cytoplasme granuleux (ballonisation hépatique) ou contenir une protéine fibrillaire dans leur cytoplasme (corps de Mallory ou corps hyalins alcooliques). Les hépatocytes sévèrement lésés deviennent nécrotiques. Les sinusoïdes et les veinules hépatiques terminales sont rétrécies. Une cirrhose peut être également présente.
La cirrhose alcoolique est une maladie hépatique avancée caractérisée par une fibrose extensive qui détruit l'architecture normale du foie. La quantité de graisse présente est variable. Une hépatite alcoolique peut coexister. La tentative de régénération hépatique compensatoire est faible et produit des nodules de taille relativement réduite (cirrhose micronodulaire). Par conséquent, le foie rétrécit généralement. Avec le temps, même en cas d'abstinence, la fibrose forme de larges bandes, séparant les tissus hépatiques en gros nodules (cirrhose macronodulaire, voir Cirrhose: physiopathologie).
Symptomatologie de l'hépatopathie alcoolique
Les symptômes apparaissent généralement chez les patients dans la trentaine ou la quarantaine; les problèmes graves apparaissent environ une décennie plus tard.
La stéatose hépatique alcoolique est souvent asymptomatique. Chez 1/3 des patients, le foie augmente de volume, habituellement de consistance molle et indolore.
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L'hépatite alcoolique peut aussi bien se présenter sous une forme modérée et réversible que sous une forme potentiellement mortelle. La plupart des patients qui ont une forme modérée sont généralement dénutris et présentent initialement une fatigue, une fièvre, un ictère, des douleurs de l'hypochondre droit, une hépatomégalie douloureuse et parfois un souffle hépatique. Environ 40% se détériorent rapidement après l'hospitalisation, avec des conséquences allant de légères (p. ex., ictère croissant) à graves (p. ex., ascite, encéphalopathie portosystémique, hémorragie variqueuse, insuffisance hépatique avec hypoglycémie, coagulopathie). D'autres manifestations cliniques en rapport avec une cirrhose peuvent également être présentes.
La cirrhose peut être asymptomatique si elle est compensée. Le foie est habituellement de petite taille; lorsque le foie est augmenté de volume, une stéatose ou un hépatome doivent être évoqués. Les symptômes sont ceux de l'hépatite alcoolique ou sont liés à l'existence de complications d'une maladie hépatique avancée tels que l'hypertension portale (souvent avec des varices œsophagiennes et une hémorragie gastro-intestinale haute, une splénomégalie, une ascite et une encéphalopathie hépatique). L'hypertension portale peut provoquer la formation de shunts artérioveineux intrapulmonaires avec une hypoxémie (syndrome hépato-pulmonaire), ce qui peut entraîner l'apparition d'une cyanose et d'un hippocratisme digital. Une insuffisance rénale aiguë secondaire à la baisse progressive du débit sanguin rénal (syndrome hépato-rénal) peut se développer. Un carcinome hépatocellulaire se développe chez 10 à 15% des patients qui ont une cirrhose alcoolique.
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L'alcoolisme chronique plutôt que la maladie hépatique, est à l'origine de la maladie de Dupuytren rétraction de l'aponévrose palmaire, de l'apparition d'angiomes stellaires, de myopathie et d'une neuropathie périphérique. Chez l'homme, la consommation chronique excessive d'alcool provoque des signes d'hypogonadisme et de féminisation (p. ex., peau lisse, absence de calvitie masculine, gynécomastie, atrophie testiculaire, diminution des poils). La dénutrition peut induire des carences vitaminiques multiples (p. ex., acide folique et thiamine), augmenter le volume des glandes parotides et rendre les ongles blancs. Chez les alcooliques, l'encéphalopathie de Wernicke et sa conséquence la psychose de Korsakoff sont principalement dues à une carence en thiamine. La pancréatite est fréquente. L'hépatite C est observée chez > 16 à 24% des alcooliques (1, 2); cette association accélère significativement la progression de la maladie hépatique.
Rarement, les patients qui ont une stéatose ou une cirrhose hépatique peuvent avoir un syndrome de Zieve (hyperlipidémie, anémie hémolytique et ictère).
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Références pour la symptomatologie
1. Novo-Veleiro I, Calle Cde L, Domínguez-Quibén S, et al. Prevalence of hepatitis C virus infection in alcoholic patients: cohort study and systematic review. Alcohol Alcohol. 2013;48(5):564-569. doi:10.1093/alcalc/agt044
2. Laskus T, Radkowski M, Lupa E, et al. Prevalence of markers of hepatitis viruses in out-patient alcoholics. J Hepatol. 1992;15(1-2):174-178. doi:10.1016/0168-8278(92)90032-k
Diagnostic de l'hépatopathie alcoolique
L'anamnèse confirme une consommation d'alcool excessive régulière et ancienne
Biomarqueurs de l'alcool
Bilan hépatique et numération formule sanguine
Parfois, biopsie hépatique
L'alcool est la cause présumée de la maladie hépatique chez tout patient consommant de l'alcool de manière chronique et excessive, en particulier > 80 g/jour. Le trouble de consommation d'alcool peut être dépisté au moyen du questionnaire CAGE (need to Cut down [besoin de diminuer], Annoyed by criticism [gêné par les critiques], Guilty about drinking [culpabilité liée à la boisson], and need for a morning Eye-opener [et besoin d'alcool le matin pour se réveiller]; voir Detecting alcoholism. The CAGE questionnaire) o AUDIT (voir Alcohol Use Disorders Identification Test). Lorsque la consommation d'alcool du patient est incertaine, l'anamnèse peut être confirmée par les membres de la famille ou les biomarqueurs de l'alcool, qui comprennent l'éthyl glucuronide urinaire et dans les cheveux, le sulfate d'éthyle urinaire et le phosphatidyléthanol (PEth). Le PEth est particulièrement utile car il a une demi-vie d'environ 10 à 14 jours, plus longue en cas de consommation chronique et importante d'alcool.
Il n'y a pas de test spécifique de la maladie hépatique liée à l'alcool, mais si le diagnostic est suspecté, des tests de lésion hépatocellulaire ainsi que de la fonction sécrétoire et synthétique (temps de prothrombine [TP]; bilirubinémie, transaminases, et taux d'albumine sérique) et une NFS sont effectués pour détecter des signes de lésion hépatique et d'anémie.
L'élévation de l'activité sérique des transaminases est modérée (< 300 UI/L) et ne reflète pas la sévérité des lésions hépatiques. Le rapport de l'aspartate aminotransférase (AST) à l'alanine aminotransférase (ALT) est ≥ 2 (1). Le taux faible d'ALAT peut être expliqué par une carence d'apports en phosphate de pyridoxal (vitamine B6), qui est nécessaire au fonctionnement de l'enzyme. Son effet sur l'ASAT est moins important. L'activité sérique des gamma-glutamyl transpeptidase (GGT) augmente, plus par induction enzymatique de l'alcool que consécutivement à une cholestase ou à une lésion hépatique ou à la prise d'autres toxiques. La concentration sérique de l'albumine peut être basse, habituellement le reflet d'une dénutrition mais parfois il s'agit d'un déficit de synthèse consécutif à une insuffisance hépatique par ailleurs évidente. La macrocytose caractérisée par un volume globulaire moyen > 100 fL consécutive à l'effet direct de l'alcool sur la moelle osseuse ou à une anémie macrocytaire résultant d'une carence en folates, qui est fréquente chez les alcooliques dénutris. Les indicateurs de gravité de la maladie du foie sont les suivants:
La bilirubinémie, qui représente la fonction sécrétoire
Temps de prothrombine ou rapport international normalisé (INR) qui reflète la capacité de synthèse
La thrombopénie peut résulter de l'effet toxique direct de l'alcool sur la moelle osseuse ou d'un hypersplénisme consécutif à une hypertension portale. L'hyperleucocytose à polynucléaires neutrophiles peut résulter d'une hépatite alcoolique, bien qu'une infection coexistante (en particulier une pneumonie et une péritonite bactérienne spontanée) doive également être suspectée.
Les examens d'imagerie du foie ne sont pas systématiquement nécessaires pour le diagnostic initial mais peuvent être utiles pour évaluer l'étendue de la maladie, exclure d'autres processus pathologiques et surveiller la progression (2, 3). L'échographie ou la TDM abdominales peuvent suggérer une stéatose hépatique ou une splénomégalie, éléments en faveur d'une hypertension portale ou d'une ascite. L'élastographie transitoire contrôlée par vibration (Vibration-Controlled Transient Elastography [VCTE]), l'échographie ou l'élastographie par résonance magnétique mesurent la rigidité hépatique et détectent ainsi la fibrose avancée en l'absence d'inflammation active. Cet adjuvant précieux peut identifier le degré de fibrose pour aider à la surveillance future.
Si les anomalies suggèrent une maladie hépatique liée à l'alcool, des tests de dépistage d'autres formes traitables de maladie hépatique, en particulier l'hépatite virale, doivent être effectués.
La biopsie a un rôle limité dans le diagnostic et le pronostic de l'hépatite alcoolique et de la maladie hépatique liée à l'alcool car la biopsie est peu susceptible de modifier la prise en charge qui se concentre sur l'abstinence et la surveillance de la fonction hépatique (3). Les indications proposées pour la biopsie hépatique comprennent les suivantes:
Confirmation d'un diagnostic clinique incertain (p. ex., signes cliniques et biologiques équivoques, augmentation persistante et inexpliquée de l'activité sérique des transaminases)
Suspicion clinique de coexistence de > 1 cause de maladie hépatique (p. ex., alcool et hépatite virale)
L'examen histologique du foie confirme l'existence d'une hépatopathie, identifie la consommation excessive d'alcool comme la cause probable et permet d'évaluer la gravité des lésions hépatiques. Si une surcharge en fer est observée, la quantification du contenu en fer et les tests génétiques peuvent éliminer l'existence d'une hémochromatose héréditaire.
Dans le cas des patients cirrhotiques stables, l'American Association for the Study of Liver Diseases (AASLD) recommande qu'une échographie du foie, avec ou sans mesure de l'alpha-fœtoprotéine (AFP), soit effectuée tous les 6 mois pour dépister le carcinome hépatocellulaire. En raison de la faible survie anticipée des patients qui ont une cirrhose Child C qui ne sont pas sur liste d'attente de transplantation, l'American Association for the Study of Liver Diseases (AASLD) suggère également qu'une surveillance ne soit pas effectuée chez ces patients (4).
Références pour le diagnostic
1. Kwo PY, Cohen SM, Lim JK. ACG Clinical Guideline: Evaluation of Abnormal Liver Chemistries. Am J Gastroenterol. 2017;112(1):18-35. doi:10.1038/ajg.2016.517
2. Maheshwari S, Gu CN, Caserta MP, et al. Imaging of Alcohol-Associated Liver Disease. AJR Am J Roentgenol. 2024;222(1):e2329917. doi:10.2214/AJR.23.29917
3. Crabb DW, Im GY, Szabo G, et al. Diagnosis and Treatment of Alcohol-Associated Liver Diseases: 2019 Practice Guidance From the American Association for the Study of Liver Diseases. Hepatology. 2020;71(1):306-333. doi:10.1002/hep.30866
4. Heimbach JK, Kulik LM, Finn RA, et al. AASLD guidelines for the treatment of hepatocellular carcinoma. Hepatology. 67(1):358-380, 2018. doi: 10.1002/hep.29086
Traitement de la maladie alcoolique du foie
L'abstinence
Soins de support
Les corticostéroïdes et la nutrition entérale dans les hépatites alcooliques aiguës graves
Parfois, la transplantation hépatique
Arrêter la consommation d'alcool
L'abstinence est la base du traitement; elle empêche l'apparition d'autres lésions provoquées par la maladie alcoolique du foie et augmente ainsi la survie des patients. Le maintien de l'abstinence d'alcool est difficile, la prise en charge par une équipe formée et compréhensive est essentielle. Les interventions comportementales et psychosociales peuvent aider les patients motivés; elles comprennent des programmes de réhabilitation et des groupes de soutien (voir Trouble d'abus de consommation d'alcool et rééducation: entretien), des interventions brèves effectuées par des soignants, des thérapies qui explorent et clarifient la motivation au maintien de l'abstinence (entretiens ou thérapies motivationnelles).
Les médicaments, s'ils sont utilisés, doivent l'être en complément des autres interventions. Les antagonistes des opioïdes (naltrexone ou nalméfène) et les médicaments qui modulent les récepteurs de l'acide gamma-aminobutyrique (baclofène ou acamprosate) semblent être bénéfiques à court terme en réduisant le désir intense de consommer et les symptômes de sevrage. Le disulfirame (antabuse) inhibe l'aldéhyde déshydrogénase, provoquant une accumulation d'acétaldéhyde; ainsi prendre de l'alcool dans les 12 heures suivant la prise de disulfirame (antabuse) peut provoquer des bouffées de chaleur et d'autres effets désagréables. Cependant, les preuves en ce qui concerne le disulfirame ne sont pas aussi solides que pour d'autres médicaments (1, 2).
Soins de support
Les soins de support sont très importants. Un régime alimentaire à haute valeur nutritionnelle et des suppléments en vitamines (en particulier en vitamines B) sont systématiques pendant les premiers jours d'abstinence. Le sevrage alcoolique nécessite des benzodiazépines (p. ex., diazépam). En cas d'hépatopathie alcoolique avancée, une sédation excessive peut déclencher une encéphalopathie portosystémique et doit donc être évitée.
L'hépatite alcoolique aiguë sévère nécessite en général une hospitalisation, souvent en unité de soins intensifs (USI), pour faciliter la nutrition entérale (qui peut permettre de traiter les déficits nutritionnels) et la prise en charge des complications spécifiques (p. ex., infections, hémorragies par rupture de varices œsophagiennes, carences nutritionnelles spécifiques, encéphalopathie de Wernicke, psychose de Korsakoff, troubles hydro-électrolytiques, hypertension portale, ascite, encéphalopathie hépatique).
Traitement spécifique
Les corticostéroïdes (p. ex., prednisolone 40 mg/jour par voie orale pendant 4 semaines suivi d'une réduction progressive) améliorent le devenir des patients qui ont une hépatite alcoolique aiguë sévère (fonction discriminante de Maddrey ≥ 32 ou score MELD [model for end-stage disease] > 20) et qui n'ont pas d'infection, d'hémorragie gastro-intestinale, d'insuffisance rénale ou de pancréatite (2-4). Dans un grand essai contrôlé randomisé prospectif, la prednisolone a induit une diminution de la mortalité à 28 jours mais n'a pas atteint la signification statistique (5). Par conséquent, les corticostéroïdes peuvent être arrêtés avant la fin des 4 semaines s'il n'y a pas de réponse aux corticostéroïdes, comme déterminé par le score de Lille au 7e jour (6, 7). La N-acétylcystéine peut être utilisée comme adjuvant aux corticostéroïdes (8).
En dehors de la corticothérapie et de l'alimentation entérale, peu de traitements spécifiques sont clairement reconnus. L'administration de certains antioxydants (p. ex., S-adénosyl-L-méthionine, phosphatidylcholine, méthadoxine) a montré une amélioration des lésions hépatiques en cas de cirrhose débutante mais nécessite des études supplémentaires. Les thérapies ciblées sur les cytokines, en particulier le tumor necrosis factor-alpha (TNF-alpha), et visant à réduire l'inflammation ont eu des résultats mitigés dans des essais de petite taille (9). Malgré des résultats précoces mitigés, la pentoxifylline, un inhibiteur de la phosphodiestérase qui inhibe la synthèse du TNF-alpha, ne s'est pas montrée capable d'améliorer les résultats chez les patients présentant une hépatite alcoolique grave (5). Lorsque des inhibiteurs du TNF-alpha (p. ex., infliximab, étanercept) sont utilisés, le risque d'infection l'emporte sur le bénéfice. Les molécules administrées pour diminuer la fibrose hépatique (p. ex., colchicine, pénicillamine) et les médicaments administrés pour normaliser le syndrome hypermétabolique du foie alcoolique (p. ex., propylthio-uracile) n'ont pas d'efficacité prouvée. Les traitements antioxydants, tels que la silymarine (chardon Marie) et les vitamines A et E sont inefficaces.
La transplantation hépatique en cas de cirrhose associée à l'alcool doit être envisagée chez tous les patients présentant une maladie hépatique décompensée (ascite, péritonite bactérienne spontanée, hémorragie variqueuse, encéphalopathie hépatique) malgré l'abstinence. En cas de transplantation, les taux de survie à 5 ans sont comparables à ceux dont la maladie hépatique n'est pas liée à l'alcool. L'American Association for the Study of Liver Diseases (AASLD) et l'American College of Gastroenterology reconnaissent les limites de la règle historique exigeant 6 mois d'abstinence d'alcool, encourageant plutôt l'évaluation des candidats en ce qui concerne la prédiction de la probabilité d'abstinence avant et après la transplantation indépendamment de la durée de la période de sobriété (4, 10). Les cliniciens doivent conseiller les patients sur les programmes de traitement de l'abus d'alcool.
Au cours de la pandémie du COVID-19, le nombre d'inscrits sur liste d'attente de transplantation a augmenté de plus de 50% par rapport aux prévisions pré-COVID, probablement en raison de l'augmentation du trouble de consommation d'alcool ainsi que des changements dans la stratification du risque des centres de transplantation (11, 12).
Références pour le traitement
1. Perry C, Liberto J, Milliken C, et al. The Management of Substance Use Disorders: Synopsis of the 2021 U.S. Department of Veterans Affairs and U.S. Department of Defense Clinical Practice Guideline. Ann Intern Med. 2022;175(5):720-731. doi:10.7326/M21-4011
2. Crabb DW, Im GY, Szabo G, et al. Diagnosis and Treatment of Alcohol-Associated Liver Diseases: 2019 Practice Guidance From the American Association for the Study of Liver Diseases. Hepatology. 2020;71(1):306-333. doi:10.1002/hep.30866
3. Rambaldi A, Saconato HH, Christensen E, et al. Systematic review: Glucocorticosteroids for alcoholic hepatitis—A Cochrane Hepato-Biliary Group systematic review with meta-analyses and trial sequential analyses of randomized clinical trials. Aliment Pharmacol Ther. 27(12):1167-1178, 2008. doi: 10.1111/j.1365-2036.2008.03685.x
4. Jophlin LL, Singal AK, Bataller R, et al. ACG Clinical Guideline: Alcohol-Associated Liver Disease. Am J Gastroenterol. 2024 Jan 1;119(1):30-54. doi: 10.14309/ajg.0000000000002572. Epub 2023 Sep 1. PMID: 38174913; PMCID: PMC11040545.
5. Thursz MR, Richardson P, Allison M, et al. Prednisolone or pentoxifylline for alcoholic hepatitis. N Engl J Med. 372:1619-1628, 2015. doi: 10.1056/NEJMoa1412278
6. Forrest EH, Atkinson SR, Richardson P, et al. Application of prognostic scores in the STOPAH trial: Discriminant function is no longer the optimal scoring system in alcoholic hepatitis. J Hepatol. 68(3):511-518, 2018. doi: 10.1016/j.jhep.2017.11.017
7. Bataller R, Arab JP, Shah VH. Alcohol-Associated Hepatitis. N Engl J Med. 2022;387(26):2436-2448. doi:10.1056/NEJMra2207599
8. Nguyen-Khac E, Thevenot T, Piquet MA, et al. Glucocorticoids plus N-acetylcysteine in severe alcoholic hepatitis. N Engl J Med. 2011;365(19):1781-1789. doi:10.1056/NEJMoa1101214
9. Naveau S, Chollet-Martin S, Dharancy S, et al. A double-blind randomized controlled trial of infliximab associated with prednisolone in acute alcoholic hepatitis. Hepatology. 2004;39(5):1390-1397. doi:10.1002/hep.20206
10. Martin P, DiMartini A, Feng S, et al. Evaluation for liver transplantation in adults: 2013 practice guideline by the American Association for the Study of Liver Diseases and the American Society of Transplantation. Hepatology. 2014;59(3):1144-1165. doi:10.1002/hep.26972
11. Anderson MS, Valbuena VSM, Brown CS, et al. Association of COVID-19 With New Waiting List Registrations and Liver Transplantation for Alcoholic Hepatitis in the United States. JAMA Netw Open. 4(10):e2131132, 2021. doi:10.1001/jamanetworkopen.2021.31132
12. Bittermann T, Mahmud N, Abt P. Trends in Liver Transplantation for Acute Alcohol-Associated Hepatitis During the COVID-19 Pandemic in the US. JAMA Netw Open. 4(7):e2118713, 2021. doi:10.1001/jamanetworkopen.2021.18713
Pronostic de la maladie alcoolique du foie
Le pronostic dépend de l'importance de la fibrose hépatique et de l'inflammation. La stéatose hépatique et l'hépatite alcoolique sans fibrose sont réversibles si la consommation d'alcool est arrêtée. La fibrose et la cirrhose sont habituellement irréversibles.
Certaines lésions histologiques (p. ex., infiltrat de polynucléaires neutrophiles, fibrose périveinulaire) sont de mauvais pronostic. Des scores prédictifs de la sévérité et de la mortalité ont été développés. Ils utilisent principalement les variables biologiques caractéristiques d'une insuffisance hépatique comme le taux de prothrombine, la créatinine (pour le syndrome hépato-rénal) et la concentration sérique de la bilirubine. Le score discriminant de Maddrey peut être utilisé; il est calculé par la formule suivante:
Dans cette formule, la bilirubinémie est mesurée en mg/dL (conversion de la bilirubinémie en micromoles/L en divisant par 17). Une valeur ≥ 32 est associée à une mortalité élevée à court terme. Les autres scores comprennent le modèle pour la maladie hépatique terminale (score MELD [Model of End-Stage Liver Disease]), le score de Glasgow pour l'hépatite alcoolique et le score de Lille. Chez les patients ≥ 12 ans, le score MELD (Model of End-Stage Liver Disease) est calculé selon la formule suivante:
Une fois la cirrhose et ses complications (p. ex., ascite, hémorragies) apparues, le taux de survie global à 5 ans de tous les patients qui ont une cirrhose alcoolique est d'environ 50%, bien que le taux de survie soit meilleur pour ceux qui ne développent pas d'encéphalopathie. L'abstinence à long terme (> 1,5 ans) peut améliorer la survie (1-3).
L’association à une surcharge en fer et à une hépatite virale chronique C augmente le risque de carcinome hépatocellulaire.
Références pour le pronostic
1. Sahlman P, Nissinen M, Pukkala E, et al. Incidence, survival and cause-specific mortality in alcoholic liver disease: a population-based cohort study. Scand J Gastroenterol. 2016;51(8):961-966. doi:10.3109/00365521.2016.1157889
2. Nilsson E, Anderson H, Sargenti K, et al. Incidence, clinical presentation and mortality of liver cirrhosis in Southern Sweden: a 10-year population-based study. Aliment Pharmacol Ther. 2016;43(12):1330-1339. doi:10.1111/apt.13635
3. Xie YD, Feng B, Gao Y, et al. Effect of abstinence from alcohol on survival of patients with alcoholic cirrhosis: A systematic review and meta-analysis. Hepatol Res. 2014;44(4):436-449. doi:10.1111/hepr.12131
Points clés
Le risque de maladie alcoolique du foie augmente de manière significative chez les hommes qui ingèrent > 60 g d'alcool/jour (plus de 4 verres par jour ou 14 verres par semaine); le risque augmente nettement chez les femmes si elles ingèrent environ la moitié (ou moins) de cette quantité.
Dépister les patients en utilisant le questionnaire AUDIT ou CAGE, et en cas de doute sur la consommation d'alcool du patient, envisager l'utilisation des biomarqueurs de l'alcoolisme.
Pour estimer le pronostic, utiliser des formules (p. ex., fonction discriminante de Maddrey, score MELD [Model for End-Stage Liver Disease]).
Mettre l'accent sur l'abstinence, fournir des soins de support, hospitaliser et envisager l'administration de corticostéroïdes aux patients atteints d'hépatite alcoolique aiguë sévère.
Envisager une transplantation hépatique en cas de maladie hépatique décompensée (ascite, péritonite bactérienne spontanée, hémorragie variqueuse, encéphalopathie hépatique) malgré une abstinence.
