La kératite herpétique est une infection de la cornée par le virus herpes simplex. L'iris peut également être atteint. La symptomatologie habituelle comprend douleurs, sensations de corps étranger, larmoiement, photophobie et hyperhémie conjonctivale. Les récidives sont fréquentes et peuvent entraîner une hypoesthésie cornéenne, une ulcération, une opacité cicatricielle définitive, une opacification, un amincissement du stroma cornéen et une diminution de la vision. Le diagnostic repose sur la suspicion clinique, l'examen clinique à la lampe à fente et parfois la culture virale. Le traitement repose sur des antiviraux topiques ou systémiques.
La kératite herpétique affecte habituellement la surface cornéenne mais touche parfois le stroma cornéen (les couches les plus profondes de la cornée) ou la surface cornéenne interne (endothélium), la chambre antérieure et l'iris. L'atteinte stromale est probablement la conséquence d'une réaction immunitaire de réponse au virus.
Comme dans toutes les infections à herpes simplex, il existe une primo-infection, suivie d'une phase de latence pendant laquelle le virus reste latent dans les racines nerveuses. Le virus quiescent peut alors se réactiver, phénomène à l'origine des récidives herpétiques.
La kératite à herpes simplex est une cause majeure de cécité dans le monde.
Symptomatologie de la kératite herpétique
Infections primitives
L'infection initiale (primo-infection) est habituellement une conjonctivite auto-limitée, non spécifique, survenant au cours de la petite enfance et habituellement sans atteinte cornéenne. L'atteinte cornéenne peut entraîner des douleurs, une sensation de corps étranger, un larmoiement, une photophobie et une hyperhémie conjonctivale. Parfois, une blépharite vésiculaire (bulles sur la paupière) s'ensuit, avec aggravation des symptômes et flou visuel, rupture avec ulcération des vésicules, puis leur disparition sans cicatrice en une semaine environ.
Infection récidivante
L'herpès oculaire récurrent affecte la cornée. Les trois principaux types de kératite à herpes simplex sont
Kératite épithéliale (kératite dendritique)
Kératite disciforme (endothéliite localisée)
Kératite stromale
ARGENTUM/SCIENCE PHOTO LIBRARY
La réactivation de l'herpès simplex latent peut être déclenchée par l'exposition aux UV (p. ex., lumière solaire intense, réticulation (cross-linking) de la cornée [un traitement par la lumière ultraviolette qui rigidifie la cornée] ou des procédures de réfraction au laser), une fièvre, menstruelle, un stress physique systémique important (p. ex., brûlures ou fractures multiples), une immunosuppression ou l'utilisation de glucocorticoïdes (ophtalmologiques topiques, injections périoculaires, injections intraoculaires ou systémiques). Les récidives prennent habituellement la forme d'une kératite épithéliale (également appelée kératite dendritique), avec une lacrimation, une sensation de corps étranger et une lésion caractéristique de l'épithélium cornéen (dendritique ou serpentine) avec des extrémités en forme de bulbe qui se colorent à la fluorescéine. Des récidives multiples peuvent avoir pour conséquences une hypoesthésie ou une anesthésie cornéenne, une ulcération, une opacité cicatricielle définitive, une opacification, un amincissement du stroma cornéen, et une diminution de la vision.
La plupart des patients qui ont une kératite disciforme, qui implique en priorité l'endothélium cornéen, ont des antécédents de kératite épithéliale. La kératite disciforme est une zone d'œdème secondaire stromal avec opacification brumeuse plus profonde de la cornée, en forme de disque, parfois associée à une uvéite antérieure. Cette forme peut provoquer une douleur, une photophobie et une perte de vision réversible.
La kératite stromale est susceptible d'entraîner une nécrose du stroma et une douleur sévère, une photophobie, une sensation de corps étranger, une ulcération, des cicatrices permanentes, une opacification, une néovascularisation, un amincissement du stroma cornéen et une diminution irréversible de la vision.
Diagnostic de la kératite herpétique
Examen à la lampe à fente
DR P. MARAZZI/SCIENCE PHOTO LIBRARY
L'examen à la lampe à fente est indispensable. Trouver une dendrite est suffisant pour confirmer le diagnostic dans la plupart des cas de kératite dendritique à HSV. Le diagnostic de la kératite herpétique disciforme et de la kératite stromale herpétique est principalement clinique, basé sur l'anamnèse de la maladie oculaire herpétique et les résultats de l'examen à la lampe à fente. La kératite stromale herpétique est caractérisée par une opacité stromale souvent accompagnée d'une néovascularisation et d'une inflammation. La kératite herpétique disciforme provoque un œdème stromal dû à un dysfonctionnement de l'endothélium de la cornée.
Lorsque l'aspect n'est pas concluant, une culture virale ou un tests d'amplification des acides nucléiques d'un écouvillonnage de la lésion peut confirmer le diagnostic.
Traitement de la kératite herpétique
Trifluridine ou ganciclovir topiques
Acyclovir ou valacyclovir, IV ou par voie orale
En cas d'uvéite ou d'atteinte stromale, corticostéroïdes topiques ajoutés aux antiviraux
La plupart de ces patients sont pris en charge par un ophtalmologiste. Cette prise en charge spécialisée devient indispensable en cas d'atteinte stromale ou de kérato-uvéite (1).
La kératite dendritique (épithéliale) peut être traitée par traitement topique (p. ex., le ganciclovir ou la trifluridine). Le traitement topique est habituellement efficace et est réduit en 2 à 3 semaines.
Comme alternative, le traitement oral (p. ex., acyclovir ou valacyclovir) est également efficace. L'acyclovir ou le valacyclovir peuvent être prescrits comme traitement suppressif pour éviter les récidives fréquentes et pour préserver la vue chez les patients dont la vision a été menacée. La dose de chaque médicament doit être ajustée en cas de dysfonctionnement rénal.
On peut devoir administrer aux patients immunodéprimés des antiviraux IV (p. ex., acyclovir).
Les corticostéroïdes locaux sont contre-indiqués dans les kératites épithéliales mais ils peuvent être efficaces en association avec les antiviraux dans les atteintes stromales tardives (kératite disciforme ou stromale) ou les uvéites. Dans ces cas, les patients peuvent recevoir de l'acétate de prednisolone.
Si l'épithélium entourant l'ulcère dendritique est altéré et œdémateux, le débridement par écouvillonnage doux avec un coton-tige avant de commencer un traitement médicamenteux peut accélérer la guérison. Les médicaments topiques pour soulager la photophobie comprennent l'atropine à 1% et la scopolamine à 0,25% 3 fois/jour.
Référence pour le traitement
1. White ML, Chodosh J: Herpes simplex virus keratitis: A treatment guideline — 2014. American Academy of Ophthalmology. Consulté le 1/07/2024.
Points clés
La kératite herpétique est typiquement une récidive de l'infection primaire de l'œil par le virus herpès simplex qui était habituellement une conjonctivite non spécifique et auto-limitée.
Les signes caractéristiques comprennent une lésion cornéenne ramifiée dendritique ou en serpentin (indiquant une kératite dendritique) ou un œdème cornéen en forme de disque, localisé et un haze, plus une uvéite antérieure (indiquant une kératite disciforme) ou des cicatrices stromales (indiquant une kératite stromale).
Le diagnostic est confirmé par des signes cliniques caractéristiques, par culture virale ou par écouvillon pour test d'amplification des acides nucléiques.
Le traitement nécessite des antiviraux, habituellement du ganciclovir ou de la trifluridine topiques ou de l'acyclovir ou du valacyclovir par voie orale.