Polychondrite (récidivante) atrophiante

ParAlana M. Nevares, MD, The University of Vermont Medical Center
Vérifié/Révisé nov. 2024
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La polychondrite récidivante est une maladie rare à médiation immunitaire caractérisée par des épisodes récurrents d'inflammation qui affectent principalement les cartilages de l'oreille et du nez, mais également potentiellement les yeux, l'arbre trachéobronchique, les valvules cardiaques, les reins, les articulations, la peau et les vaisseaux sanguins. Le diagnostic repose sur une association entre l'anamnèse, l'examen clinique, l'imagerie médicale et rarement la biopsie. Le traitement est basé sur la gravité et nécessite habituellement des médicaments anti-inflammatoires, des corticostéroïdes et parfois d'autres immunosuppresseurs.

La polychondrite récidivante touche les hommes et les femmes de manière égale; son début se produit généralement à l'âge mûr (1).

Une association avec la polyarthrite rhumatoïde, une vascularite systémique, un lupus érythémateux disséminé, et d'autres maladies rhumatismales systémiques évoque une étiologie auto-immune.

Référence

  1. 1. Hazra N, Dregan A, Charlton J, Gulliford MC, D'Cruz DP. Incidence and mortality of relapsing polychondritis in the UK: a population-based cohort study. Rheumatology (Oxford). 2015;54(12):2181-2187. doi:10.1093/rheumatology/kev240

Symptomatologie de la polychondrite récidivante

La douleur aiguë, l'érythème et le gonflement affectent le plus souvent le cartilage du pavillon et les tissus environnants, ce qui peut finalement conduire à des déformations du cartilage de l'oreille décrites comme l'oreille du chou-fleur et l'oreille tombante.

La chondrite nasale est la 2e manifestation la plus fréquente, induisant parfois à une déformation du nez en selle, suivie d'une atteinte articulaire, qui va de simples arthralgies à des arthrites symétriques ou asymétriques non déformantes, touchant à la fois les petites et les grosses articulations, avec une prédilection pour les articulations chondrocostales et des genoux (1).

D'autres manifestations comprennent l'inflammation des structures suivantes

  • Œil (p. ex., kératite, épisclérite, sclérite, iritis)

  • Tissu cartilagineux du larynx, de la trachée ou des bronches (provoquant un enrouement, une toux, une douleur/sensibilité au niveau du cartilage laryngé et, si l'atteinte du cartilage est sévère, une dyspnée)

  • Oreilles moyenne et interne, conduisant à une surdité de transmission, neurosensorielle ou mixte

  • Système cardiovasculaire (p. ex., insuffisance aortique, insuffisance mitrale, péricardite, myocardite, anévrisme de l'aorte, aortite)

  • Rarement, rein

  • Rarement, peau (p. ex., manifestations cutanées d'une dermatose aiguë fébrile à neutrophiles, d'une vascularite leucocytoclasique)

Les inflammations aiguës qui surviennent par épisodes cicatrisent en plusieurs semaines, voire en plusieurs jours, avec des récidives pendant plusieurs années.

Manisfestations de la polychondrite récidivante
Polychondrite (récidivante) (oreille)
Polychondrite (récidivante) (oreille)

La partie cartilagineuse de l'oreille est rouge violacé et enflée.

© Springer Science+Business Media

Oreille tombante dans les polychondrites récidivantes
Oreille tombante dans les polychondrites récidivantes

Cette photo montre une inflammation récurrente provoquant la destruction du cartilage de l'oreille et formant une oreille tombante chez un patient atteint de polychondrite récidivante.

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Photo courtoisie de Kinanah Yaseen, MD.

Dermatose aiguë fébrile à neutrophiles (syndrome de Sweet) dans les polychondrites récidivantes
Dermatose aiguë fébrile à neutrophiles (syndrome de Sweet) dans les polychondrites récidivantes

Une biopsie à l'emporte-pièce des petites papules érythémateuses vues sur cette photo montre un épiderme spongiotique avec en surface une pustulose remplie d'un infiltrat neutrophile solide avec infiltration périvasculaire. Ces signes sont compatibles avec une dermatose aiguë fébrile à neutrophiles

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Photo courtoisie de Kinanah Yaseen, MD.

Une maladie avancée peut conduire à la destruction du cartilage de soutien, entraînant des oreilles tombantes; une ensellure nasale marquée; un pectus excavatum (thorax en entonnoir); et des anomalies visuelles, auditives et vestibulaires. L'atteinte trachéale peut induire une dyspnée, une pneumonie ou même un collapsus trachéal.

La polychondrite récidivante peut prooqquer des chevauchements avec d'autres maladies auto-immunes, telles que la maladie intestinale inflammatoire, la spondylarthropathie, les vascularites systémiques (p. ex., maladie de Behçet, vascularite des gros vaisseaux) (2) et les ulcères buccaux et génitaux avec syndrome du cartilage enflammé ([mouth and genital ulcers with inflamed cartilage], MAGIC) (3), et enfin des cancers, dont le syndrome myélodysplasique. Un sous-ensemble de patients atteints de polychondrite récidivante a un syndrome VEXAS (vacuoles, enzyme E1, lié à l'X, autoinflammatoire, somatique), qui a été reconnu en 2020 comme une maladie rare causée par une mutation du gène UBA1 qui code pour l'enzyme E1 activatrice impliquée dans la destruction intracellulaire des protéines défectueuses (4). Le syndrome VEXAS est principalement rapporté chez les hommes âgés qui ont des antécédents de polychondrite récidivante, de syndrome de Sweet, de macrocytose et de fièvre récurrente.

Références pour la symptomatologie

  1. 1. Ferrada M, Rimland CA, Quinn K, et al. Defining Clinical Subgroups in Relapsing Polychondritis: A Prospective Observational Cohort Study. Arthritis Rheumatol. 2020;72(8):1396-1402. doi:10.1002/art.41270

  2. 2. Tomelleri A, Campochiaro C, Sartorelli S, et al. Large-vessel Vasculitis Affecting the Aorta and its Branches in Relapsing Polychondritis: Case Series and Systematic Review of the Literature. J Rheumatol. 2020;47(12):1780-1784. doi:10.3899/jrheum.190862

  3. 3. Luo Y, Bolek EC, Quinn KA, et al. A prospective observational cohort study and systematic review of 40 patients with mouth and genital ulcers with inflamed cartilage (MAGIC) syndrome. Semin Arthritis Rheum. 2022;52:151924. doi:10.1016/j.semarthrit.2021.10.007

  4. 4. Beck DB, Ferrada MA, Sikora KA, et al. Somatic Mutations in UBA1 and Severe Adult-Onset Autoinflammatory Disease. N Engl J Med. 2020;383(27):2628-2638. doi:10.1056/NEJMoa2026834

Diagnostic de la polychondrite récidivante

  • Signes cliniques

  • Rarement biopsie

La polychondrite récidivante est principalement un diagnostic clinique après avoir exclu d'autres simulateurs potentiels tels que les infections et la granulomatose avec polyangéïte.

Les examens de laboratoire ne sont pas spécifiques mais sont effectués pour exclure d'autres troubles. L'analyse du liquide synovial ne révèle aucune anomalie ou des modifications inflammatoires modérées. Les examens sanguins peuvent mettre en évidence une anémie (normocytaire ou macrocytaire), une leucocytose, une vitesse de sédimentation érythrocytaire (VS) ou des gamma-globulines élevées, et parfois des anticorps anti-facteur rhumatoïde ou antinucléaires (AAN) chez jusqu'à 25% des patients. Des anomalies de la fonction rénale peuvent être le signe d'une glomérulonéphrite associée. Les anticorps anti-cytoplasme de antineutrophiles (ANCA) positifs qui réagissent principalement à la protéinase-3 peuvent suggérer une granulomatose avec polyangéïte, qui peut provoquer une chondrite. Les anticorps anti-collagène II ne sont ni sensibles ni spécifiques des polychondrites récurrentes.

Les voies respiratoires supérieures et inférieures doivent être évaluées, y compris par laryngoscopie directe, spirométrie complète, TDM expiratoire du thorax et bronchoscopie si une atteinte des voies respiratoires est suspectée. Une échocardiographie de base pourrait être envisagée pour évaluer la racine de l'aorte et l'aorte ascendante.

La biopsie du cartilage inflammatoire est rarement nécessaire pour confirmer le diagnostic.

Le diagnostic du syndrome VEXAS est suggéré par l'examen de la moelle osseuse montrant des vacuoles cytoplasmiques dans les cellules précurseurs myéloïdes et érythroïdes et est confirmé par la présence de la mutation du gène UBA1 sur les tests génétiques.

Traitement de la polychondrite récidivante

  • Les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS), la dapsone ou la colchicine en cas de maladie légère du nez ou de l'oreille

  • Corticostéroïdes

  • Parfois, le méthotrexate ou d'autres immunosuppresseurs (p. ex., cyclosporine, cyclophosphamide, inhibiteurs du facteur de nécrose tumorale, abatacept, inhibiteurs de l'interleukine-6)

Une maladie récidivante modérée du nez ou de l'oreille sans manifestation organique ou mettant en jeu le pronostic vital peut répondre aux anti-inflammatoires non stéroïdiens à des doses anti-inflammatoires, à la colchicine (0,6 mg 2 fois par jour) ou à la dapsone orale (50 à 100 mg 1 fois/jour). Les patients qui ne répondent pas correctement aux AINS ou à la dapsone peuvent avoir besoin de corticostéroïdes. En cas de maladie modérée, une faible dose de méthotrexate (p. ex., 15 à 25 mg 1 fois/semaine) peut être envisagée en cas de maladie réfractaire aux corticostéroïdes.

Les cas graves peuvent nécessiter d'autres immunosuppresseurs, tels que la cyclosporine, le cyclophosphamide, les inhibiteurs du facteur de nécrose tumorale, l'abatacept ou les inhibiteurs de l'interleukine-6 (1).

Aucune de ces thérapeutiques n'a fait l'objet d'études contrôlées ou n'a démontré son efficacité pour diminuer la mortalité.

Si un traitement immunosuppresseur d'association est utilisé, les patients doivent recevoir une prophylaxie des infections opportunistes, telles que par Pneumocystis jirovecii (voir prévention de la pneumonie à Pneumocystis jirovecii), et des vaccins contre les infections fréquentes (p. ex., pneumonie streptococcique, grippe, COVID-19). Les patients sous corticostéroïdes au long cours peuvent recevoir un biphosphonate pour prévenir l'ostéoporose.

Si le rétrécissement trachéal déclenche un stridor, une trachéotomie ou un stent seront nécessaires. L'intubation endotrachéale peut être techniquement difficile en raison de l'atteinte et d'une sténose de la trachée; de plus, cette manipulation intratrachéale peut conduire à une détérioration postanesthésique mettant la vie en danger en provoquant une aggravation de l'inflammation glottique ou sous-glottique. Ainsi, l'intubation endotrachéale doit être évitée autant que possible (p. ex., en lieu et place, utiliser l'anesthésie locale et régionale). Lorsque l'intubation endotrachéale est inévitable, la nécessité d'une cricothyrotomie d'urgence doit être envisagée.

Un plus vaste effondrement trachéobronchique peut exiger une reconstruction trachéale.

Une atteinte de l'œil peut parfois être réfractaire au traitement, en particulier lorsqu'elle implique la sclère, et a un mauvais pronostic.

Référence pour le traitement

  1. 1. Moulis G, Pugnet G, Costedoat-Chalumeau N, et al. Efficacy and safety of biologics in relapsing polychondritis: a French national multicentre study. Ann Rheum Dis. 2018;77(8):1172-1178. doi:10.1136/annrheumdis-2017-212705

Pronostic de la polychondrite récidivante

La mortalité chirurgicale a diminué grâce aux nouveaux traitements. La mort étant due habituellement à l'effondrement des structures laryngées et trachéales ou à des complications cardiovasculaires telles que des anévrismes des gros vaisseaux, une insuffisance valvulaire ou une vascularite systémique.

Les patients qui ont un syndrome VEXAS peuvent développer des néoplasies hématologiques telles qu'un syndrome myélodysplasique et un myélome multiple. Le pronostic est réservé.

Points clés

  • Évoquer une polychondrite (récidivante) atrophiante si les patients développent une inflammation du pavillon de l'oreille ou du cartilage nasal, en particulier avec des symptômes et des signes compatibles avec une chondrite des voies respiratoires ou une arthrite inexpliquée, une inflammation oculaire ou un dysfonctionnement auditif ou vestibulaire.

  • Effectuer une biopsie du cartilage touché seulement si nécessaire pour confirmer le diagnostic.

  • Traiter les maladies bénignes du nez ou de l'oreille par des anti-inflammatoires non stéroïdiens, la colchicine ou la dapsone.

  • Traiter une maladie plus grave par des corticostéroïdes et parfois du méthotrexate ou d'autres immunosuppresseurs.

  • Anticiper la nécessité d'une cricothyrotomie d'urgence si une intubation endotrachéale est nécessaire.

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