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Évaluation d'une douleur

ParMeredith Barad, MD, Stanford Health Care;
Anuj Aggarwal, MD, Stanford University School of Medicine
Reviewed ByMichael C. Levin, MD, College of Medicine, University of Saskatchewan
Vérifié/Révisé Modifié avr. 2025
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Ressources liées au sujet

Les médecins doivent évaluer la cause, la gravité et la nature de la douleur, ainsi que ses effets sur l'activité, l'humeur, la cognition, et le sommeil. Le bilan de la cause des douleurs aiguës (p. ex., douleurs rachidiennes, douleurs thoraciques) est différent de celui de la douleur chronique.

(Voir aussi Revue générale de la douleur.)

L'anamnèse doit comprendre les informations suivantes sur la douleur:

  • Calendrier (début, persistance [constante ou intermittente], tendance et degré de fluctuation et fréquence des rémissions, durée)

  • Qualité (p. ex., sous forme de crampe, de brûlure, de douleur sourde, de coup)

  • Intensité

  • Localisation (localisée, diffuse, profonde, superficielle)

  • Irradiations

  • Facteurs aggravants et de soulagement

Les informations provenant de l'anamnèse et de l'examen clinique permettent de guider le choix des examens de laboratoire et d'imagerie pour identifier les causes possibles de la douleur.

Si la douleur devient chronique, l'évaluation doit être plus complète. L'objectif de l'évaluation de la douleur chronique est d'établir un diagnostic et d'identifier les comorbidités qui peuvent exacerber la douleur. L'évaluation doit également clarifier l'histoire du patient et la signification qu'il attribue à la douleur, identifier les limitations fonctionnelles causées par la douleur et déterminer les objectifs et croyances du patient concernant le traitement.

Le Stanford 5 fournit un cadre utile au clinicien pour comprendre rapidement les préoccupations du patient concernant sa douleur, ce qui peut également favoriser la réussite du traitement (1). En utilisant cette approche, les professionnels de santé doivent spécifiquement poser des questions sur les éléments suivants:

  • Cause: quelles anomalies tissulaires le patient pense être la cause du problème actuel

  • Signification: la raison pour laquelle le patient pense avoir cette douleur

  • Objectifs: ce que le patient espère atteindre avec un traitement supplémentaire

  • Traitement: ce que le patient pense devoir être fait maintenant et à l'avenir pour aider à résoudre le problème

  • Impact: l'impact que le problème principal a sur la vie du patient, y compris les interférences dans les activités professionnelles, sociales et récréatives, ainsi que l'effet général sur la qualité de vie du patient

Une évaluation plus approfondie de la douleur chronique doit être effectuée à l'aide d'outils d'évaluation des résultats rapportés par le patient qui peuvent aider à évaluer le sommeil et le dysfonctionnement psychologique (p. ex., la dépression, l'anxiété et le trouble de stress post-traumatique [TSPT]). Il existe divers outils d'évaluation rapportés par le patient, et le choix de l'outil dépend des domaines spécifiques d'intérêt et du contexte clinique. Les National Institutes of Health ont développé l'outil Patient-Reported Outcomes Measurement Information (PROMIS), qui peut être utilisé pour évaluer différents aspects de l'expérience douloureuse du patient. Ces tests adaptatifs informatisés visent à minimiser la charge pour le patient et à fournir aux cliniciens et chercheurs des données standardisées et normatives afin de remplacer la multitude déroutante d'autres tests utilisés par le passé (2). Les résultats de ces évaluations servent de base pour discuter du fonctionnement du patient, du soutien social, du mode de vie et des défis psychologiques.

Les médecins doivent évaluer le niveau de la fonction du patient et l'effet de la douleur sur la fonction, en se concentrant sur les activités de la vie quotidienne (p. ex., s'habiller, se baigner), l'emploi, les hobbies et les relations personnelles (y compris sexuelles). Il est important d'évaluer ces niveaux fonctionnels de manière répétée et de les utiliser comme marqueurs d'amélioration tout au long du traitement.

L'évaluation psychologique est une composante essentielle de l'évaluation de la douleur. La dépression et l'anxiété sont les troubles de santé mentale les plus fréquents chez les patients souffrant de douleur chronique. La relation entre ces affections et la douleur est bidirectionnelle. La douleur augmente le risque de troubles de l'humeur ou anxieux, et les troubles de l'humeur et anxieux augmentent le risque de douleur chronique. D'autres facteurs clés à considérer incluent les expériences négatives durant l'enfance, les antécédents de traumatisme, les attentes concernant le traitement, les facteurs de stress actuels dans la vie quotidienne et les antécédents ou troubles actuels liés à la consommation de substances. Il est important de tenir compte des normes et attitudes culturelles dans les différentes sous-populations de patients pour interpréter ces données.

Chez certains patients, un bénéfice secondaire (p. ex., congés, prestations d'invalidité) peut contribuer à la douleur ou à l'incapacité liée à la douleur; il peut donc être utile de poser des questions sur d'éventuelles procédures judiciaires associées à leur douleur.

Il faut interroger le patient, et parfois les membres de la famille ou les aidants, sur la prise, l'efficacité et les effets indésirables des médicaments, prescrits et en vente libre ainsi que sur les autres traitements. Si une mauvaise utilisation des opioïdes ou d'autres substances est suspectée, une évaluation plus approfondie est nécessaire.

Un examen physique axé sur les composantes neurologiques et psychiatriques est effectué et doit inclure l'observation du patient, un examen mental de base, l'inspection et la palpation des zones douloureuses, ainsi que l'évaluation de l'amplitude articulaire, de la force, des réflexes et du tonus musculaire, de la fonction sensorielle, de la coordination et de la démarche.

Des examens complémentaires incluant imagerie, EEG, EMG et tests du système nerveux végétatif sont réalisés pour valider et compléter l'anamnèse et l'examen physique.

Il est à noter que les cliniciens doivent être conscients des divers facteurs pouvant entraîner une prise en charge inadéquate de la douleur chez certaines populations présentant des caractéristiques spécifiques (3):

  • Minorités raciales et ethniques: il existe des différences dans le traitement de la douleur selon les groupes raciaux et ethniques, influencées par les barrières de communication, l'accès aux soins et les variations dans l'expression de la douleur. L'utilisation d'outils d'évaluation standardisés et de soins adaptés culturellement peut contribuer à réduire ces disparités.

  • Personnes âgées: la douleur chez les personnes âgées est souvent sous-estimée, en partie à cause de l'idée reçue qu'elle fait partie intégrante du vieillissement normal. Les troubles cognitifs et l'altération de la perception de la douleur compliquent davantage l'évaluation, nécessitant une évaluation minutieuse et un traitement adapté.

  • Différences selon le sexe et le genre: les femmes signalent des taux plus élevés de douleur chronique, mais elles sont parfois sous-traitées ou mal diagnostiquées en raison des différences dans la perception de la douleur et des biais des soignants. Les influences hormonales jouent également un rôle dans la modulation de la douleur.

  • Barrières linguistiques: les patients ayant une maîtrise limitée de l'anglais rencontrent des difficultés à exprimer leur douleur, ce qui peut conduire à un traitement insuffisant. L'utilisation d'interprètes professionnels et d'outils d'évaluation multilingues de la douleur est essentielle pour assurer des soins équitables.

Intensité de la douleur

La sévérité de la douleur doit être évaluée avant et après les interventions potentiellement douloureuses. Chez les patients qui expriment verbalement leur douleur, l'auto-évaluation est l'indicateur de référence et les signes extérieurs de douleur ou de souffrance (p. ex., pleurs, gémissements, balancement) sont secondaires. Chez les patients qui ont des difficultés à s'exprimer verbalement et chez les jeunes enfants, les signes non verbaux (comportementaux et parfois physiologiques) peuvent être la principale source d'information.

Les mesures formelles (voir figure Exemples d'échelles de quantification de la douleur actuelle) comprennent

  • Echelles de catégories verbales (p. ex., légère, modérée ou sévère)

  • Échelles numériques

  • L'échelle visuelle analogique (VAS)

Pour l'échelle numérique, on demande aux patients d'attribuer une note de 0 à 10 à leur douleur (0 = aucune douleur; 10 = "la pire douleur jamais ressentie"). Pour l'échelle analogique visuelle, les patients font une encoche correspondant à l'importance de la douleur sur une ligne non graduée de 10 cm, dont l'extrémité gauche porte la mention "aucune douleur" et la droite la mention "douleur insupportable". Le score de la douleur est la distance en mm à partir de l'extrémité gauche de la ligne. Les enfants et les patients qui ont une compréhension limitée ou des troubles du développement connus peuvent choisir dans une série d'images de visage, allant d'un visage souriant à un visage déformé par la douleur, ou de fruits de taille variable pour communiquer leur perception de l'intensité de la douleur. Lorsqu'il mesure la douleur, l'examinateur doit préciser un laps de temps (p. ex., "en moyenne au cours de la semaine précédente").

Exemples d'échelles de quantification de la douleur actuelle

Pour utiliser l'Échelle Fonctionnelle de Douleur, les examinateurs doivent clairement expliquer au patient que les limitations fonctionnelles ne sont pertinentes pour l'évaluation que si elles sont dues à la douleur évaluée; le traitement vise à soulager la douleur autant que possible, au moins à un niveau tolérable (0–2).

Adapted from the American Geriatrics Society (AGS) Panel on Chronic Pain in Older Persons: The management of chronic pain in older persons. Journal of the American Geriatrics Society 46:635–651, 1998; used with permission; from Gloth FM III, Scheve AA, Stober CV, et al: The functional pain scale (FPS): Reliability, validity, and responsiveness in a senior population. Journal of the American Medical Directors Association 2 (3):110–114, 2001; and from Gloth FM III: Assessment. In Handbook of Pain Relief in Older Adults: An Evidence-Based Approach, edited by FM Gloth III. Totowa (NJ), Humana Press, 2003, p. 17; utilisé avec autorisation; copyright © FM Gloth, III, 2000.

Patients atteints de démence ou d'aphasie

Évaluer la douleur en cas de troubles cognitifs, du langage ou de la parole (p. ex., démence, aphasie) peut être difficile. La douleur est suggérée par des grimaces faciales, une mine renfrognée ou un clignement répété des yeux. Parfois, l'aidant peut décrire des comportements qui font évoquer l'existence d'une douleur (p. ex., retrait social soudain, irritabilité, grimaces). Le diagnostic de douleur doit être envisagé chez les patients qui ont des difficultés à communiquer et qui changent de comportement de façon inexplicable. Nombre de patients qui ont des difficultés de communication peuvent très bien communiquer lorsqu'une échelle appropriée de la douleur est utilisée. Par exemple, l'Echelle Fonctionnelle de la Douleur a été validée et peut être utilisée en centre de long séjour chez les patients qui ont un score au Mini-mental State Examination 17.

Patients traités par blocage neuromusculaire

Aucun instrument validé n'est disponible pour évaluer la douleur lorsque la curarisation est utilisée pour faciliter la ventilation mécanique.

Si on administre au patient un sédatif, la dose peut être ajustée jusqu'à ce que le patient ne soit plus conscient. Dans de tels cas, des antalgiques spécifiques ne sont pas nécessaires. Si en outre, le patient est sédaté mais continue d'avoir des signes de conscience (p. ex., un clignement, un mouvement oculaire sur ordre), le traitement de la douleur doit être envisagé en fonction de l'intensité de la douleur habituellement provoquée par la maladie (p. ex., brûlures, traumatisme). Si une manœuvre potentiellement douloureuse (p. ex., tourner un patient alité) est nécessaire, un prétraitement antalgique ou anesthésique doit être administré.

Références

  1. 1. Thernstrom M. The Pain Chronicles: Cures, Myths, Mysteries, Prayers, Diaries, Brain Scans, Healing, and the Science of Suffering. Farrar, Strauss and Giroux, New York, 2010. pp 220–223.

  2. 2. Bevans M, Ross A, Cella D. Patient-Reported Outcomes Measurement Information System (PROMIS): efficient, standardized tools to measure self-reported health and quality of life. Nurs Outlook. 2014;62(5):339-345. doi:10.1016/j.outlook.2014.05.009

  3. 3. Nguyen LH, Dawson JE, Brooks M, Khan JS, Telusca N. Disparities in Pain Management. Anesthesiol Clin. 2023 Jun;41(2):471-488. doi: 10.1016/j.anclin.2023.03.008

Points clés

  • L'évaluation de la douleur chronique nécessite une compréhension approfondie des antécédents du patient, de ses limitations fonctionnelles, de ses comorbidités et de la signification personnelle de sa douleur.

  • Le cadre Stanford 5 aide les cliniciens à comprendre le point de vue des patients sur la cause, la signification, les objectifs, les attentes en matière de traitement et l'impact de la douleur sur leur vie.

  • Les cliniciens doivent utiliser des outils standardisés de résultats rapportés par les patients pour aider à évaluer divers aspects de l'expérience de la douleur du patient.

  • L'évaluation psychologique constitue également une composante clé de l'évaluation de la douleur; la dépression et l'anxiété sont les troubles de santé mentale les plus fréquents coexistant chez les patients souffrant de douleur chronique.

  • Évaluer la sévérité de la douleur avant et après les interventions potentiellement douloureuses.

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