Traitement de la douleur

ParJames C. Watson, MD, Mayo Clinic College of Medicine and Science
Vérifié/Révisé mars 2022
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Les antalgiques opiacés et non opiacés sont les principaux médicaments utilisés pour traiter la douleur. Les antidépresseurs, les antiépileptiques et d'autres médicaments actifs sur le système nerveux central peuvent également être utilisés dans le traitement de la douleur chronique ou neuropathique et constituent le traitement de première intention pour certaines maladies. Les perfusions neuraxiales, les stimulations nerveuses et les blocs nerveux peuvent être bénéfiques, chez certains patients.

Les interventions cognitivo-comportementales peuvent réduire la douleur et le handicap lié à la douleur et aider les patients à y faire face. Ces interventions comprennent des conseils pour recentrer les pensées d'un patient des effets et des limites de la douleur au développement de stratégies d'adaptation personnelles et peuvent comprendre des conseils pour aider les patients et leur famille à travailler ensemble pour gérer la douleur.

Certaines techniques de médecine intégrative (complémentaire et alternative) (p. ex., acupuncture, biofeedback, exercice, hypnose, techniques de relaxation) sont parfois utilisés, en particulier pour traiter la douleur chronique.

(Voir aussi Revue générale de la douleur.)

Antalgiques non opiacés

Le paracétamol et les AINS sont souvent efficaces dans les douleurs d'intensité faible ou modérée (voir tableau Antalgiques non opiacés). Ces médicaments sont administrés par voie orale; l'ibuprofène, le kétorolac, le diclofénac et le paracétamol peuvent être administrés par voie parentérale. Les non opiacés ne produisent ni dépendance physique ni accoutumance.

Tableau
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Le paracétamol n'a aucune propriété anti-inflammatoire ou antiplaquettaire et ne provoque pas d'intolérance gastrique.

L'aspirine est l'AINS le moins coûteux, mais elle a des effets antiplaquettaires irréversibles et augmente le risque de saignement gastro-intestinal.

Les AINS ont des effets antalgiques, anti-inflammatoires et antiplaquettaires. Ils inhibent la cyclo-oxygénase (COX) et ainsi diminuent la production de prostaglandines. Il existe plusieurs classes d'AINS, qui ont des mécanismes et des effets indésirables différents:

  • Inhibiteurs non sélectifs de la COX (p. ex., ibuprofène, naproxène)

  • Inhibiteurs sélectifs de COX-2 (coxibs; p. ex., célécoxib)

Les deux inhibiteurs de COX sont des antalgiques efficaces. Les coxibs comportent moins de risques d'ulcère et de dyspepsies. Cependant, lorsqu'un coxib est utilisé avec une faible dose d'aspirine, il peut ne pas apporter de bénéfice au niveau gastro-intestinal par rapport à d'autres AINS.

Des études suggèrent que l'inhibition de COX-2, qui s'observe à la fois avec les inhibiteurs non sélectifs de la COX et avec les coxibs, a un effet prothrombotique qui peut augmenter le risque d'infarctus du myocarde, d'accident vasculaire cérébral et de claudication. Cet effet semble varier selon le médicament spécifique, ainsi que selon la dose et la durée. Certaines données suggèrent que le risque est très faible avec certains inhibiteurs non sélectifs de la COX (p. ex., ibuprofène, naproxène, coxibs [célécoxib]). Cependant, les médecins doivent considérer le risque d'effets prothrombotiques comme un risque lié à tous les AINS; ainsi, tous les AINS doivent être utilisés avec prudence en cas d'athérosclérose cliniquement significative ou de facteurs de risque cardiovasculaire multiples.

Lorsqu'un AINS est susceptible d'être utilisé à court terme, les effets indésirables sont peu probables, indépendamment du médicament utilisé. Certains utilisent d'abord un coxib chaque fois que le traitement est susceptible d'être à long terme (p. ex., des mois) parce que le risque d'effets indésirables gastro-intestinaux est plus faible. D'autres limitent son utilisation aux sujets prédisposés aux effets gastro-intestinaux indésirables (p. ex., personnes âgées, patients sous corticothérapie, patients qui ont des antécédents d'ulcère gastroduodénal ou de dyspepsies dus à d'autres AINS) et ceux ne supportant pas les AINS non sélectifs ou ayant des antécédents d'intolérance à ceux-ci.

Tous les AINS doivent être utilisés avec précaution en cas d'insuffisance rénale; les coxibs n'épargnent pas les reins.

Si la dose initiale recommandée n'a pas l'effet antalgique désiré, une posologie plus élevée est administrée, jusqu'à la posologie maximale autorisée. Si l'analgésie n'est pas atteinte, le médicament doit être arrêté. Si la douleur n'est pas sévère, un autre AINS peut être administré, car la réponse varie d'un médicament à l'autre. Il est prudent pendant un traitement AINS à long terme de surveiller le sang dans les selles et les modifications de la NFS, de l'ionogramme sanguin et des fonctions hépatiques et rénales.

Les AINS topiques peuvent être appliqués directement sur la région douloureuse pour les troubles tels que l'arthrose et les entorses mineures, les foulures et les contusions. Une solution à 1,5% de diclofénac a été montrée traiter efficacement la douleur et la fonction articulaire limitée causée par l'arthrose des genoux; la dose est de 40 gouttes (1,2 mL) appliquée 4 fois/jour à chaque genou affecté. D'autres formulations de diclofénac topique qui peuvent être utiles pour soulager la douleur locale comprennent un patch (2 fois/jour appliqué sur la zone touchée) ou un gel à 1% (2 g 4 fois/jour pour les membres supérieurs ou 4 g 4 fois/jour pour les membres inférieurs).

Antalgiques opiacés

"Opiacé" est un terme générique pour les substances naturelles ou synthétiques qui se lient à des récepteurs opiacés spécifiques du système nerveux central, en produisant un effet agoniste. Les opiacés sont également appelés narcotiques, un terme à l'origine utilisé pour désigner toute substance psychoactive qui induit le sommeil. Les opiacés ont à la fois des effets analgésiques et somnifères, mais ces deux effets sont distincts.

Certains opiacés utilisés pour leur effet antalgique ont à la fois une action agoniste et antagoniste. Le risque d'abus parmi ceux ayant des antécédents connus d'abus ou de toxicomanie peut être moins élevé avec les agonistes-antagonistes (p. ex., buprénorphine, butorphanol) qu'avec des agonistes purs (p. ex., morphine, oxycodone, hydromorphone), mais les agonistes-antagonistes ont un effet plafond pour l'analgésie et induisent un syndrome de sevrage chez les patients déjà physiquement dépendants aux opiacés.

Tableau
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Les analgésiques opiacés ont prouvé leur efficacité dans le traitement de la douleur aiguë, de la douleur cancéreuse et de la douleur de fin de vie et dans le cadre des soins palliatifs. Une évaluation appropriée du patient et la prise en compte d'autres options de traitement et le risque de mauvaise utilisation des opiacés font partie du processus décisionnel pour mettre en balance les risques d'abus et de traitement insuffisant de la douleur.

Les opiacés sont parfois insuffisamment utilisés chez les patients souffrant de douleurs aiguës sévères ou chez les patients en cas de douleurs et de troubles terminaux tels qu'un cancer, ce qui entraîne des douleurs et des souffrances inutiles. Les raisons d'un traitement insuffisant comprennent la

  • Sous-estimation de la dose efficace

  • Surestimation du risque d'effets indésirables

Généralement, les opiacés ne doivent pas être arrêtés au cours du traitement d'une douleur aiguë sévère. Cependant, le traitement simultané de la pathologie cause de la douleur limite généralement la durée de la douleur sévère et la nécessité d'opiacés.

Généralement, pour la douleur aiguë, les agonistes purs à courte durée d'action (à libération immédiate) sont utilisés à la dose efficace la plus faible possible et pendant une courte période; les guidelines des Centers for Disease Control and Prevention (CDC) recommandent 3 à 7 jours de traitement (1). Les médecins doivent réévaluer les patients avant de prescrire à nouveau des opiacés. L'utilisation d'opiacés à des doses plus élevées et/ou plus longtemps augmente le risque de besoin de traitement opiacé à long terme, les effets indésirables et de mauvaise utilisation des opiacés. Les patients souffrant de douleurs dues à un trouble transitoire aigu (p. ex., fractures, brûlures, interventions chirurgicales) doivent être traités par un médicament non opiacé dès que possible.

Généralement, les opiacés ne doivent pas être arrêtés lors du traitement de la douleur cancéreuse; dans ces cas, les effets indésirables peuvent être évités ou gérés et la dépendance est moins préoccupante.

Il existe des preuves insuffisantes en faveur du traitement par des opiacés dans le traitement à long terme de la douleur chronique causée par des troubles non cutanés. En outre, le traitement opiacé à long terme peut entraîner des effets indésirables graves (p. ex., trouble de la consommation d'opiacés [addiction], surdosage, dépression respiratoire, mort). Ainsi, chez les patients souffrant de douleurs chroniques dues à des troubles non terminaux, à faible risque les thérapies non opiacées doivent être essayées avant les opiacés; ces thérapies comprennent

  • Médicaments non opiacés

  • Techniques de médecine intégrative (complémentaire et alternative) (p. ex., acupuncture, massage, stimulation électrique transcutanée [TENS])

  • Techniques cognitivo-comportementales

  • Thérapies interventionnelles (injections épidurales, injections articulaires, blocs nerveux, ablation nerveuse, stimulation du nerf spinal ou périphérique)

Chez les patients souffrant de douleurs chroniques dues à des troubles non terminaux, un traitement par des opiacés peut être envisagé, mais uniquement si le traitement par des non-opiacés est en échec. Dans de tels cas, les opiacés sont utilisés (souvent en association avec des thérapies non opiacés) uniquement lorsque les avantages de la réduction de la douleur et de l'amélioration fonctionnelle compensent les risques d'effets indésirables et de mauvaise utilisation des opiacés. L'obtention d'un consentement éclairé permet de clarifier les objectifs, les attentes et les risques du traitement et de faciliter l'éducation et le conseil concernant une utilisation abusive.

La douleur chronique si elle doit être traitée par des opiacés peut être traitée par des formulations à action prolongée (voir tableaux Antalgiques non opiacés et Équivalence de doses des antalgiques opiacés). Les formulations à longue durée d'action ne doivent pas être utilisées chez les patients n'ayant jamais reçu d'opiacés, car elles présentent un risque plus élevé d'effets indésirables graves (p. ex., décès dû à une dépression respiratoire).

Les patients traités par des opiacés à long terme (> 3 mois) doivent être évalués régulièrement sur le plan de la douleur, de l'amélioration fonctionnelle, des effets indésirables et des signes de mauvaise utilisation. Le traitement par opiacés doit être considéré en échec et doit être diminué et arrêté si les événements suivants se produisent:

  • Les patients ont une douleur intense persistante malgré l'augmentation des doses d'opiacés.

  • Les patients ne respectent pas les termes du traitement.

  • Les fonctions physiques ou mentales ne s'améliorent pas.

La dépendance physique (développement de symptômes de sevrage lorsqu'un médicament est arrêté) doit être présumée chez tous les patients traités par opiacés pendant plus de quelques jours. De même, une tolérance (diminution de la réponse à la même dose d'un médicament utilisé de manière répétée) se développe chez tous les patients traités par des opiacés. Ainsi, les opiacés doivent être utilisés aussi brièvement que possible. Chez les patients dépendants, la dose doit être réduite progressivement pour contrôler les symptômes de sevrage lorsque les opiacés ne sont plus nécessaires. La dépendance est différente de l'addiction aux opiacés qui implique généralement une utilisation compulsive et une emprise envahissante de la drogue avec une perte de contrôle de son utilisation, et son utilisation en dépit des dégâts qu'elle cause. Le Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders, Fifth Edition (DSM-5) fournit des critères spécifiques pour diagnostiquer le trouble de consommation d'opiacés.

Les opiacés ont des puissances différentes en fonction de leur capacité à se lier aux récepteurs des opiacés et de l'efficacité de l'absorption orale des opiacés par rapport à l'injection directe dans le système vasculaire. Comprendre l'interrelation de ces puissances est essentiel si les patients doivent passer d'un opiacé à un autre ou d'une forme orale à une forme IV. Par exemple, 30 mg de morphine orale équivalent à

  • 10 mg de morphine IV (un rapport oral-IV de 3:1)

  • 20 mg d'oxycodone par voie orale

  • 7,5 mg d'hydromorphone par voie orale

Pour permettre la comparaison de l'utilisation des opiacés et des risques, les médecins doivent considérer la posologie globale des différentes formes comme une variable uniforme. Le Centers for Disease Control and Prevention (CDC) a structuré ses lignes directrices d'utilisation et de risque des opiacés selon le concept d'équivalent milligrammes de morphine orale quotidienne (équivalent de morphine orale [OMME]) pris par un patient. Par exemple, un patient qui prend 10 mg d'oxycodone oral 4 fois/jour prend 40 mg d'oxycodone orale par jour. Sur la base de la conversion de la dose équianalgésique dans le tableau ci-dessous (20 mg d'oxycodone orale équivalent à 30 mg de morphine orale), 40 mg d'oxycodone orale équivalent à 60 mg de morphine orale par jour (60 mg d'équivalents quotidiens en milligrammes de morphine orale). Un patient qui prend 4 mg d'hydromorphone orale 4 fois/jour (16 mg/jour) prend un équivalent de morphine orale [OMME] de 64 mg (d'après le tableau ci-dessous); 7,5 mg d'hydromorphone par voie orale équivalent à 30 mg de morphine orale (simplifié à 1 mg d'hydromorphone par voie orale = 4 mg de morphine orale).

Tableau
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Voie d'administration

Le voie orale pour les opiacés peut être utilisée dans le traitement de la douleur aiguë si le patient tolère les médicaments oraux.

La voie orale ou transdermique est préférable pour une utilisation à long terme; les deux sont efficaces et fournissent des niveaux sanguins stables. Les formes orale et transdermique à libération prolongée permettent des prises moins fréquentes, ce qui est particulièrement important pour soulager la douleur tout au long de la nuit.

Des formulations transmuqueuses (sublinguales) de fentanyl sont disponibles. Les pastilles sont utilisées pour la sédation chez l'enfant et comme traitement des accès douloureux paroxystiques, chez les patients cancéreux et ont précédemment pris des opiacés.

La voie IV permet une action rapide et une titration facilitée, mais l'analgésie est de courte durée. Des fluctuations importantes et rapides du taux sanguin (effet bolus) peuvent entraîner une toxicité au moment du pic sérique peu de temps après l'administration ou une réapparition secondaire de la douleur (accès douloureux paroxystique) lorsque les taux sanguins sont au plus bas. Une perfusion IV continue, parfois avec des doses complémentaires contrôlées par le patient lui-même, supprime cet effet, mais nécessite une pompe coûteuse; cette approche est utilisée le plus souvent en cas de douleur post-opératoire.

La voie IM permet une analgésie plus longue que la voie IV, mais elle est douloureuse et l'absorption peut être variable; elle n'est pas recommandée sauf si une dose unique est prévue et qu'un patient n'a pas d'accès IV.

Les opiacés intraspinaux (p. ex., morphine de 5 à 10 mg épidurale ou 0,5 à 1 mg intrathécale en cas de douleur aiguë) peuvent apporter un soulagement, qui se prolonge quand un médicament hydrophile comme la morphine est utilisé; ils sont typiquement utilisés en post-opératoire. Les dispositifs de perfusion implantés peuvent permettre une perfusion neuraxiale à long terme, habituellement pour la douleur du cancer. Ces appareillages peuvent également être utilisés avec d'autres médicaments (p. ex., anesthésiques locaux, clonidine, ziconotide).

Une perfusion sous-cutanée au long cours peut être utilisée, en particulier pour les douleurs cancéreuses.

Posologie et titration

La dose initiale chez un patient n'ayant jamais reçu d'opiacés est généralement la plus faible dose initiale disponible de la formulation à libération immédiate; elle est augmentée progressivement par la plus petite quantité possible jusqu'à ce que l'analgésie soit satisfaisante ou que les effets indésirables du médicament limitent le traitement. Les opiacés à action prolongée ne doivent pas être utilisés en traitement de première intention chez les patients n'ayant jamais reçu d'opiacés et ne doivent pas être prescrits pour un usage intermittent.

Les antalgiques non opiacés (p. ex., paracétamol et AINS) sont souvent administrés simultanément. Les spécialités contenant les deux médicaments sont commodes, mais l'augmentation de la dose d'opiacé peut se trouver limitée par le risque de surdosage en non opiacé.

Les personnes âgées sont plus sensibles aux opiacés et sont prédisposées aux effets indésirables; les sujets âgés qui n'ont jamais reçu d'opiacés ont besoin de plus faibles doses que les patients plus jeunes. Les nouveau-nés et en particulier les prématurés, sont également sensibles aux opiacés, car ils ne possèdent pas les voies métaboliques nécessaires à leur élimination.

Il faut surveiller la sédation et la fréquence respiratoire lorsque les opiacés sont administrés par voie parentérale aux patients qui n'ont jamais reçu d'opiacés. Le traitement par les opiacés, en particulier chez les patients n'ayant jamais pris d'opiacés, doit commencer par un médicament à action brève, car de nombreux opiacés à action prolongée sont administrés à des doses plus élevées et que leurs effets indésirables (y compris les effets graves, tels que la dépression respiratoire) durent plus longtemps.

Pour une douleur transitoire et modérée, un opiacé peut être administré selon les besoins. En cas de douleurs sévères ou permanentes, les doses doivent être administrées régulièrement, sans attendre les douleurs sévères; des doses supplémentaires sont prescrites à la demande lors du traitement de la douleur cancéreuse. Les doses en cas de douleurs chroniques non cancéreuses sont généralement définies au cas par cas.

L'analgésie contrôlée par le patient est un moyen sûr et flexible d'administrer des opiacés en milieu hospitalier lorsque la douleur est sévère ou que les analgésiques oraux sont insuffisants. Le médecin contrôle la quantité et l'intervalle entre les bolus et la dose maximale disponible sur un intervalle de temps déterminé (habituellement 4 heures); cette dose maximale est appelée dose de blocage. Une dose en bolus (p. ex., morphine 1 mg ou hydromorphone 0,2 mg avec une fréquence aussi élevée que toutes les 6 minutes) est administrée lorsque le patient appuie sur un bouton. Par mesure de sécurité, si l'intervalle de temps défini n'a pas été dépassé depuis la dernière dose administrée ou si la dose de blocage cumulée a été atteinte au cours de la période de temps définie, le bolus n'est plus administré lorsque le bouton est enfoncé. Seul le patient est autorisé à appuyer sur le bouton d'administration. Si les patients sont sédatés par leurs médicaments ou du fait de leur état de santé, ils ne sont pas suffisamment alertes pour appuyer sur le bouton d'administration, ce qui rajoute une autre couche de sécurité.

Parfois, une perfusion de base (p. ex., morphine 0,5 à 1 mg/heure) peut être envisagée, mais si elle est administrée avec un bolus opiacé contrôlé par le patient, le risque d'effets indésirables est plus élevé. Ainsi, une perfusion de base doit être utilisée avec prudence dans de tels cas, et elle ne doit être utilisée que chez les patients qui sont suffisamment alertes pour gérer une analgésie contrôlée par le patient et qui ne l'utilisera qu'en cas de besoin. Les patients qui ont déjà pris des opiacés ou qui souffrent de douleur chronique ont besoin d'une perfusion de base et de bolus plus importants, la posologie est ensuite ajustée en fonction de la réponse; la dose disponible est secondairement ajustée en fonction de la réponse.

Les patients atteints de démence et les jeunes enfants ne peuvent disposer de l'analgésie contrôlée; cependant, les adolescents le peuvent souvent.

Le traitement de la douleur chronique avec des opiacés ne doit être effectué que lorsque d'autres options ont été essayées et ne sont pas efficaces. En cas de traitement au long cours, la dose efficace d'opiacés peut rester constante pendant des périodes prolongées. Certains patients ont besoin d'une augmentation progressive des doses, typiquement dans le contexte de modifications physiques qui suggèrent une augmentation de la douleur (p. ex., néoplasie évolutive). Dans de tels cas, la crainte d'une mauvaise tolérance ne doit pas freiner l'utilisation précoce, à dose efficace, d'un opiacé.

La méthadone a le taux le plus élevé de décès induits par les opiacés (sur ordonnance) de tous les opiacés prescrits. Elle ne doit être prescrite que par des praticiens formés à son utilisation. La pharmacocinétique de la méthadone est variable; la méthadone doit être débutée à faible dose, son utilisation doit être surveillée attentivement et la dose doit être augmentée lentement (≤ 1 fois/semaine), en particulier en ambulatoire non surveillé. La méthadone pouvant allonger l'intervalle QT, l'intervalle QTc doit être évalué par un ECG avant le début du traitement par la méthadone et avant et après toute modification significative de la posologie de la méthadone. La méthadone doit être utilisée avec une extrême prudence, ou même totalement évitée, chez les patients qui prennent d'autres médicaments susceptibles d'affecter l'intervalle QT.

Si une dose antérieurement suffisante devient inadéquate, cette dose doit être habituellement augmentée pour contrôler la douleur.

Effets indésirables

Chez les patients n'ayant jamais reçu d'opiacés, les effets indésirables fréquents au début du traitement comprennent

  • Sédation et trouble mental

  • Nausées et vomissements

  • Constipation

  • Prurit

  • Dépression respiratoire

  • Myoclonies

Puisque des taux sanguins stables ne sont atteints qu'après une durée correspondant à 4 ou 5 demi-vies, un risque d'intoxication retardée existe avec les médicaments à longue demi-vie (particulièrement le lévorphanol et la méthadone) au fur et à mesure de l'augmentation des taux sanguins. Plusieurs jours sont nécessaires pour atteindre des taux sanguins stables avec les opiacés à libération modifiée.

Chez les personnes âgées, les opiacés ont tendance à générer plus d'effets indésirables (constipation et sédation ou obscurcissement de la conscience sont fréquents). Les chutes sont un risque important chez les personnes âgées. Les opiacés peuvent provoquer une rétention urinaire en cas d'hyperplasie bénigne de la prostate.

Les opiacés doivent être utilisés avec précaution chez les patients souffrant de certains troubles:

  • Troubles hépatiques car le métabolisme est retardé, en particulier avec les préparations à libération modifiée

  • BPCO car il existe un risque de dépression respiratoire

  • Apnée obstructive du sommeil non traitée car il existe un risque de dépression respiratoire

  • Certains troubles neurologiques, tels que la démence et l'encéphalopathie, parce que le risque de syndrome confusionnel est élevé

  • Insuffisance rénale sévère car les métabolites peuvent s'accumuler et provoquer des phénomènes d'intolérance (le risque d'accumulation est moindre avec le fentanyl et la méthadone)

La sédation est fréquente. Les patients ne doivent pas conduire et doivent prendre des précautions pour prévenir les chutes et autres accidents pendant un certain temps après le début des opiacés et après une augmentation de la dose jusqu'à ce qu'ils puissent juger de l'effet du produit sur leur capacité à pratiques ce genre d'activités. Les patients et les membres de la famille doivent être informés de contacter un de leurs praticiens en cas de sédation excessive ou persistante. Si la sédation diminue la qualité de la vie, certains stimulants peuvent être administrés de façon intermittente (p. ex., avant une réunion familiale ou d'autres événements qui exigent un bon niveau de vigilance) ou, dans le cas de certains patients, régulièrement. Les médicaments qui peuvent être efficaces sont

  • Méthylphénidate (5 à 10 mg par voie orale 1 fois ou 2 fois/jour, titré par 5 mg tous les 3 jours jusqu'à une dose maximale de 40 mg/jour)

  • Dextroamphétamine (initialement, 2,5 mg par voie orale 1 fois ou 2 fois/jour)

  • Modafinil (initialement, 100 mg par voie orale pendant 3 à 7 jours, puis 200 mg par voie orale 1 fois/jour)

Ces médicaments sont généralement administrés le matin et éventuellement plus tard à la demande. La dose maximale de méthylphénidate dépasse rarement 60 mg/jour. Chez certains patients, les boissons caféinées procurent une stimulation suffisante. Les stimulants peuvent également augmenter l'effet antalgique.

La plupart des patients qui font une overdose ou ont une dépression respiratoire font un mauvais usage du médicament (ne le prennent pas selon les prescriptions) ou prennent des doses élevées (> 100 milligrammes équivalent de morphine orale). Cependant, la plupart des surdoses d'opiacés sont non intentionnelles et une dépression respiratoire peut survenir lorsque la dose d'opiacés est faible (< 20 milligrammes équivalent de morphine orale).

Le risque de surdosage ou de dépression respiratoire est plus élevé lorsque les patients

  • Prendre d'autres sédatifs, tels que les benzodiazépines, des myorelaxants, de la gabapentine et de l'alcool (le risque est plus élevé avec les benzodiazépines, qui, lorsque cela est possible, ne doivent pas être utilisées avec un traitement opiacé)

  • Avoir des comorbidités qui affectent le métabolisme hépatique ou rénal

Les facteurs de risque de dépression respiratoire comprennent également les suivants

  • Antécédents d'accident vasculaire cérébral, de maladie rénale, d'insuffisance cardiaque ou de maladie pulmonaire chronique

  • Apnée obstructive du sommeil ou bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO) non traitée ou insuffisamment traitée

  • Trouble de toxicomanie

  • Troubles psychiatriques

  • Utilisation concomitante de certains psychotropes courants

  • Utilisation d'opiacés à action prolongée, d'opiacés à forte dose (> 100 milligrammes équivalent de morphine orale) ou de méthadone

Les facteurs de risque modifiables de surdosage ou de dépression respiratoire doivent être traités; les stratégies comprennent

  • Traiter l'apnée du sommeil

  • Conseiller aux patients de ne pas boire d'alcool lorsqu'ils prennent des opiacés

  • Ne pas prescrire de benzodiazépines avec des opiacés dans la mesure du possible

  • Ne pas prescrire d'opiacés à action prolongée lorsque cela est possible

  • Prescrire de la méthadone uniquement si le médecin est formé à ses effets indésirables particuliers

  • Évaluer le risque de surdosage ou de dépression respiratoire induite par les opiacés en utilisant l'indice de risque de surdosage ou de dépression respiratoire induite par les opiacés graves (RIOSORD)

Si les patients présentent un risque accru de surdosage ou de dépression respiratoire, les praticiens doivent en discuter avec eux et les membres de leur famille et doivent leur prescrire de la naloxone. Si les patients prennent un traitement opiacé à long terme, les praticiens doivent expliquer les inconvénients et les avantages potentiels de ce traitement opiacé à long terme par un processus de consentement éclairé.

Les nausées peuvent être traitées par l'un des médicaments suivants:

  • Hydroxyzine 25 à 50 mg par voie orale toutes les 6 heures

  • Métoclopramide 10 à 20 mg IV ou par voie orale toutes les 6 heures

  • Un phénothiazine antiémétique (p. ex., prochlorpérazine 10 mg par voie orale ou 25 mg rectale toutes les 6 heures)

  • Ondansétron 4 mg par voie orale ou IM toutes les 8 heures

Le prurit est causé par la libération d'histamine et peut être soulagé par un antihistaminique (p. ex., diphenhydramine 25 à 50 mg par voie orale ou IV). Chez les patients hospitalisés présentant un prurit intraitable causée par des opiacés épiduraux ou parentéraux, la nalbuphine à raison de 2,5 à 5 mg IV toutes les 4 heures est généralement plus efficace que la diphenhydramine ou l'hydroxyzine.

La constipation est fréquente chez les patients qui prennent des opiacés au-delà de plusieurs jours. Un traitement préventif doit être envisagé chez tous les patients au début du traitement par les opiacés, en particulier chez les patients prédisposés (p. ex., les sujets âgés, les patients immobiles). Les fibres et les liquides alimentaires doivent être augmentés (mais sont rarement suffisants à eux seuls) et, au début, un laxatif stimulant (p. ex., le séné) et/ou un laxatif osmotique (p. ex., le polyéthylène glycol) doivent être administrés quotidiennement. Si nécessaire, un médicament spécifique pour la constipation induite par les opiacés peut également être utilisé (2). Les médicaments efficaces comprennent

  • Antagonistes des récepteurs opiacés mu à action périphérique (PAMORA) tels que le naloxégol 25 mg par voie orale 1 fois/jour (matin) et la méthylnaltrexone (sc) 12 mg/0,6 mL ou 450 mg par voie orale 1 fois/jour

  • Agonistes des canaux chlorés (activateurs), tels que la lubiprostone (orale) 24 mcg par voie orale 2 fois/jour

Les PAMORA et les agonistes des canaux chlorés peuvent être utilisés tout au long du traitement par les opiacés pour les douleurs non cancéreuses. L'objectif doit être une selle au moins tous les deux jours par l'utilisation quotidienne du médicament; des mesures supplémentaires (p. ex., bisacodyl, lait de magnésie, citrate de magnésium, lactulose, lavement) doivent être utilisées plus tard, le 2e jour, si aucune selle n'est survenue. Une constipation prolongée peut être traitée par le citrate de magnésium 240 mL par voie orale 1 fois/jour, le lactulose 15 mL par voie orale 2 fois/jour ou par la poudre de propyléthylène glycol (dose à adapter selon les besoins). Certains patients ont besoin de lavements réguliers.

Si la sédation, les troubles de la conscience et les nausées induits par les opiacés peuvent s'atténuer en quelques jours, la constipation et la rétention urinaire mettent habituellement beaucoup plus de temps. Tout effet indésirable peut être persistant chez certains patients; en particulier la constipation est susceptible de persister.

En cas de rétention urinaire, la double miction ou l'utilisation de la méthode de Credé (pression sus-pubienne) permettent d'obtenir une amélioration; certains patients tirent bénéfice d'un alpha-bloqueur adrénergique supplémentaire tel que la tamsulosine 0,4 mg par voie orale 1 fois/jour (dose initiale).

Des effets neuroendocriniens, généralement un hypogonadisme réversible, sont possibles. Les symptômes comprennent une asthénie, une baisse de la libido, une infertilité due à des taux faibles d'hormones sexuelles, et, chez la femme, une aménorrhée. Des niveaux bas d'androgènes induisent également une ostéoporose. Les patients sous traitement opiacé à long terme doivent subir un test de densité osseuse de temps à autre.

Abus, détournement et abus des opiacés

(Voir aussi Centers for Disease Control and Prevention: 2019 Annual surveillance report of drug-related risks and outcomes—United States. Surveillance special report. Centers for Disease Control and Prevention, U.S. Department of Health and Human Services.)

Les opiacés sont la cause principale de décès accidentel et d'overdose mortelle par drogues/médicaments aux États-Unis. Le risque d'overdose fatale augmente considérablement lorsque les analgésiques opiacés sont utilisés avec des benzodiazépines. En outre, les taux d'utilisation abusive, de détournement et de comportements aberrants en matière de prise de médicaments, sont en augmentation.

Les utilisations inappropriées des opiacés peuvent être intentionnelles ou non. Cela comprend toute utilisation qui va à contre-courant des conseils médicaux ou dévie de ce qui a été prescrit.

La diversion consiste à vendre ou donner un médicament de prescription à d'autres sujets.

L'abus correspond à un usage récréatif ou non thérapeutique (p. ex., euphorie, autres effets psychotropes).

Jusqu'à un tiers des patients qui prennent des opiacés à long terme pour soulager une douleur chronique peuvent mal utiliser les opiacés prescrits (ne pas les utiliser comme indiqué) ou en abuser.

L'addiction, généralement marquée par une perte de maîtrise et un désir incontrôlé, correspond à un usage compulsif en dépit des effets néfastes et des conséquences négatives. Certaines définitions de la dépendance comprennent la tolérance (une dose de plus en plus élevée est nécessaire pour maintenir le même niveau d'analgésie et d'efficacité au fil du temps) et le sevrage (l'arrêt du médicament ou diminution significative de la dose entraînent des symptômes de sevrage). Cependant, ces deux caractéristiques sont des effets physiologiques attendus de la thérapie par les opiacés et ne permettent donc pas de définir la dépendance aux opiacés.

Les termes trouble de la consommation d'opiacés sont préférés au terme dépendance. Le trouble de la consommation d'opiacés est défini comme une prise compulsive, auto-administrée à long terme d'opiacés à des fins non thérapeutiques, entraînant un dysfonctionnement ou une détresse importantes. Le Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders, Fifth Edition (DSM-5) fournit des critères spécifiques pour le diagnostic de ce trouble, notamment: Le diagnostic de trouble de la consommation d'opiacés est établi si le mode d'utilisation provoque une altération ou une détresse cliniquement significative et si ≥ 2 des éléments suivants sont observés sur une période de 12 mois:

  • La prise d'opiacés en grandes quantités ou sur une période plus longue que prévue

  • Désir persistant ou tentative infructueuse de diminuer ou de contrôler la consommation d'opiacés

  • Passer beaucoup de temps à essayer d'obtenir ou à utiliser l'opiacé ou à récupérer de ses effets

  • Envie ou envie forte ou désireuse d'utiliser des opiacés

  • Utiliser des opiacés à plusieurs reprises, ce qui entraîne le non-respect des obligations au travail, à la maison ou à l'école

  • Continuer à utiliser des opiacés en dépit de problèmes sociaux ou interpersonnels persistants ou récurrents causés ou exacerbés par la consommation d'opiacés

  • Abandonner ou réduire des activités sociales, professionnelles ou de loisirs à cause des opiacés

  • Continuer à utiliser des opiacés dans des situations physiquement dangereuses

  • Continuer à utiliser des opiacés malgré un trouble physique ou psychologique persistant ou récurrent causé ou aggravé par les opiacés

  • Présenter une tolérance aux opiacés

  • Avoir des symptômes de sevrage aux opiacés

Une tolérance et un sevrage (secondaires au développement d'une dépendance physique) sont attendus chez les patients qui prennent des opiacés sous surveillance médicale appropriée. Ainsi, ces signes chez un patient traité médicalement par un opiacé ne sont pas considérés comme faisant partie des critères du trouble de la consommation d'opiacés.

Le risque de trouble de la consommation d'opiacés dépend de la fréquence d'utilisation et de la dose (3):

  • 0,004%: pas d'utilisation régulière d'opiacés

  • 0,7%: utiliser des opiacés à faible dose (< 36 mg/jour en milligrammes équivalent de morphine orale)

  • 6,1%: utilisation d'opiacés à forte dose (> 120 mg/jour en milligrammes équivalent de morphine orale)

  • 2 à 15%: dans d'autres études (non stratifiées par dose)

Lorsque l'on envisage de prescrire un traitement opiacé, particulièrement en traitement à long terme, les médecins doivent évaluer les facteurs de risque d'abus et de détournement et conseiller le patient sur comment éviter une utilisation abusive intentionnelle ou par inadvertance. Avant le début du traitement par opiacés, les médecins doivent obtenir un consentement éclairé et évaluer le risque de développer un trouble de la consommation d'opiacés chez ce patient.

Les facteurs de risque de développer un trouble de la consommation d'opiacés comprennent les suivants

  • Antécédents d'abus d'alcool ou de toxicomanie

  • Antécédents familiaux d'abus d'alcool ou de toxicomanie

  • Trouble psychiatrique majeur (actuel ou passé)

  • Utilisation de drogues psychoactives

  • Plus jeune âge (< 45 ans)

Les outils de dépistage peuvent aider à identifier les patients à risque élevé de trouble de la consommation d'opiacés; l'outil de risque des opiacés (opioid risk tool, ORT) pourrait être le meilleur. Cependant, aucun outil d'évaluation des risques ne permet de déterminer si le traitement d'un patient par des opiacés est sans danger ou à faible risque. Par conséquent, tous les patients traités par des opiacés doivent faire l'objet d'une surveillance étroite pendant le traitement afin de s'assurer que le traitement par opiacés est utilisé en toute sécurité.

La surveillance systématique doit comprendre des dépistages périodiques non annoncés des drogues dans l'urine afin de vérifier la présence du médicament prescrit et l'absence de drogues illicites.

Les tests de dépistage inopinés sont plus susceptibles d'identifier une utilisation anormale ou abusive, mais sont plus difficiles à intégrer dans le flux de travail d'une clinique. Les recommandations actuelles sont les suivantes:

  • Lors de la prescription initiale

  • Au moins une fois par an

  • Plus fréquemment si le risque est élevé ou en cas de risques

Les antécédents d'utilisation de substances contrôlées par le patient doivent être examinés à l'aide des informations fournies par le "state prescription drug monitoring programs (PDMPs)". Les recommandations actuelles comprennent le dépistage systématique utilisant le prescription drug monitoring program (PDMP) comme suit:

  • Lorsque les opiacés sont initialement prescrits

  • A chaque renouvellement ou au moins tous les 3 mois

L'interrogation systématique du PDMP permet aux médecins de s'assurer qu'un seul médecin prescripteur et qu'une seule pharmacie sont actifs dans la prise en charge du patient.

Même en présence de facteurs de risque de survenue d'un trouble de la consommation d'opiacés, le traitement peut être approprié; cependant, il convient d'utiliser des mesures plus strictes pour prévenir les abus et la dépendance (4). Les mesures comprennent

  • Prescription de petites quantités seulement (nécessitant des visites fréquentes pour les renouvellements)

  • Dépistage des drogues dans les urines pour surveiller l'observance du traitement (c'est-à-dire, pour confirmer que les patients prennent les médicaments et ne les détournent pas)

  • Pas de renouvellement pour les ordonnances «perdues»

  • Utilisation de formulations d'opiacés inviolables conçues pour dissuader les abus en mâchant ou en écrasant et en injectant des préparations orales

  • Envisager une formulation de buprénorphine qui peut être utile pour l'analgésie et qui a un effet maximal sur le risque de sédation et de dépression respiratoire, propriétés qui en font un traitement efficace pour tout trouble de consommation d'opiacés

Il peut être nécessaire d'adresser les patients problématiques à un spécialiste de la douleur ou à un spécialiste de la toxicomanie ayant l'expérience du traitement des douleurs.

Lors de la première prescription d'un opiacé, les médecins doivent fournir des informations pertinentes aux patients. Les médecins demandent également aux patients de signer un contrat qui spécifie les mesures qui seront prises pour assurer la sécurité de la prescription et de l'utilisation en cours ainsi que les conséquences d'un historique ou d'une évaluation (p. ex., dépistage des drogues dans l'urine, surveillance des médicaments sur ordonnance) qui suggère une utilisation aberrante, une mauvaise utilisation, un abus ou une diversion (c'est-à-dire, la diminution progressive des opiacés) Les médecins doivent passer en revue le contrat avec les patients pour s'assurer qu'ils comprennent ce qui est demandé. La signature et donc l'acceptation du contrat sont nécessaires avant que les patients puissent prendre des opiacés. Il faut également informer les patients que les stratégies de traitement de la douleur par des non opiacés seront poursuivies et qu'ils peuvent être adressés à un spécialiste en toxicomanie.

Si les patients développent un trouble de la consommation d'opiacés, les médecins prescripteurs doivent proposer et organiser un traitement fondé sur les preuves (généralement un traitement assisté par médicament tel que la buprénorphine ou la méthadone associé à des thérapies cognitivo-comportementales).

Pour éviter toute utilisation abusive de leurs médicaments par d'autres, les patients doivent garder les opiacés dans un endroit sûr et éliminer tous les médicaments non utilisés en les rapportant à la pharmacie.

Tous les patients doivent être informés des risques de l'association opiacés/alcool/anxiolytiques et de l'auto-ajustement des doses.

Antagonistes des opiacés

Les antagonistes des opiacés sont des substances opiacées qui se lient aux récepteurs mais qui n'ont que peu ou pas d'activité agoniste. Ils sont principalement utilisés pour inverser les symptômes d'un surdosage en opiacés, en particulier en cas de détresse respiratoire.

La naloxone agit en < 1 min lorsqu'elle est administrée en IV et un peu moins rapidement lorsqu'elle est administrée en IM. Elle peut également être administrée par voie sublinguale ou endotrachéale. Sa durée d'action est d'environ 60 à 120 min. Cependant, la détresse respiratoire induite par les opiacés dure habituellement plus longtemps que l'action antagoniste; ainsi, des doses répétées de naloxone et une surveillance étroite sont nécessaires.

La dose en cas de surdosage aigu d'un opiacé est de 0,4 mg IV toutes les 2 à 3 min selon les besoins (titrés en fonction des mouvements respiratoires adéquat et non de la vigilance). Si des doses répétées sont nécessaires, la dose peut être augmentée (jusqu'à un maximum de 2 mg IV par dose). En l'absence de réponse après l'administration de 10 mg, le diagnostic d'intoxication par les opiacés doit être reconsidéré.

Concernant les patients qui reçoivent un traitement opiacé à long terme, la naloxone ne doit être utilisée que pour lever la détresse respiratoire et doit être administrée prudemment pour éviter un syndrome de sevrage ou un retour de la douleur.

La naloxone est également disponible en spray nasal et en auto-injecteur (IM). Pour le spray nasal, un jet unique (2 ou 4 mg dans 0,1 mL) est pulvérisé dans une narine. Pour l'auto-injecteur, la dose est de 2 mg injectée IM ou en sous-cutané dans la cuisse antérolatérale (à travers un vêtement si nécessaire).

Le nalméfène est similaire à la naloxone, mais sa durée d'action est d'environ 4 à 8 heures. Le nalméfène est parfois utilisé pour antagoniser durablement les opiacés.

La naltrexone, antagoniste des opiacés à biodisponibilité orale, est administrée comme traitement adjuvant dans la dépendance aux opiacés et à l'alcool. Elle est à longue durée d'action et généralement bien tolérée.

Références pour les analgésiques opiacés

  1. 1. Dowell D, Haegerich TM, Chou R: CDC guideline for prescribing opioids for chronic pain—United Stat 2016. JAMA 315 (15):1624–1645, 2016. doi: 10.1001/jama.2016.1464

  2. 2. Argoff CE, Brennan MJ, Camilleri M, et al: Consensus recommendations on initiating prescription therapies for opioid-induced constipation. Pain Med 16 (12):2324-2337, 2015. doi: 10.1111/pme.12937

  3. 3. Dowell D, Haegerich TM, Chou R: CDC guideline for prescribing opioids for chronic pain--United States, 2016. JAMA 315 (15):1624–1645, 2016. doi: 10.1001/jama.2016.1464

  4. 4. Babu KM, Brent J, Juurlink DN: Prevention of opioid overdose. N Eng J Med 380:2246–2255, 2019. doi: 10.1056/NEJMra1807054

Médicaments antalgiques adjuvants

De nombreux médicaments sont utilisés comme antalgiques adjuvants, dont les antiépileptiques (p. ex., gabapentine, prégabaline), les antidépresseurs (p. ex., tricycliques, duloxétine, venlafaxine, bupropion) et de nombreux autres (voir tableau Médicaments contre les douleurs neuropathiques). Ces médicaments ont de nombreuses indications, notamment pour le soulagement de la douleur avec composante neuropathique.

La gabapentine est largement utilisée dans les douleur neuropathique et les syndromes de céphalées.

La prégabaline est similaire à la gabapentine mais a une pharmacocinétique plus stable; le dosage 2 fois/jour est aussi efficace que le dosage 3 fois/jour, ainsi la compliance est meilleure. La prégabaline est efficace contre la douleur neuropathique (dont la douleur centrale due à une lésion de la moelle épinière) et contre la fibromyalgie; certaines preuves suggèrent qu'elle est efficace en tant qu'anxiolytique.

Dans le cas des antidépresseurs tricycliques (amitriptyline, nortriptyline, désipramine), le principal mécanisme d'action bloque la recapture de la sérotonine et de la noradrénaline. Les antidépresseurs tricycliques sont efficaces contre les douleurs neuropathiques, les syndromes de douleur myofasciale, certains syndromes centraux de douleur neuropathique, des syndromes de douleur viscérale et des syndromes de céphalées.

La duloxétine est un inhibiteur mixte de la recapture (de la sérotonine et de la noradrénaline) qui semble efficace dans les douleurs neuropathiques diabétiques, dans la fibromyalgie, dans les douleurs musculo-squelettiques chroniques (dont les douleurs lombaires) et dans les neuropathies induites par la chimiothérapie. Les doses efficaces contre la dépression et l'anxiété et contre la douleur sont similaires.

Les effets et le mécanisme d'action de la venlafaxine sont similaires à ceux de la duloxétine.

Tableau
Tableau

Les traitements locaux sont également largement utilisés. La capsaïcine en crème, les AINS en topique, les diverses autres crèmes composées (p. ex., anesthésiques locaux) et les patchs de lidocaïne à 5% comportent peu de risques d'effets indésirables; ils doivent être envisagés pour toutes sortes de douleurs.

Blocage neural

L'interruption de l'influx nerveux dans les voies périphériques ou centrales de la douleur par des médicaments ou des méthodes physiques permet de soulager la douleur à court terme et parfois à long terme. La neuroablation (destruction des voies) est rarement utilisée; elle est généralement réservée aux patients qui sont à un stade avancé de leur maladie et ont une faible espérance de vie.

Les anesthésiques locaux (p. ex., lidocaïne) peuvent être administrés en IV, par voie intrathécale, intrapleurale, transdermique, sous-cutanée ou épidurale. L'analgésie épidurale utilisant des anesthésiques locaux ou des opiacés est particulièrement utile pour certaines douleurs post-opératoires. Des médicaments épiduraux sont parfois administrés à long terme chez les malades présentant une douleur localisée et une faible espérance de vie. Généralement, on utilise de préférence une pompe implantée pour l'administration de médicaments en perfusion neuraxiale au long cours.

La neuroablation consiste à interrompre une voie nociceptive chirurgicalement ou au moyen de radiofréquences ou de micro-ondes, d'une cryoablation ou de substances caustiques (p. ex., phénol ou alcool à haute concentration) pour induire une lésion. La neuroablation est plus efficace contre la douleur somatique que contre la douleur viscérale.

Les procédures de neuroablation les plus fréquemment utilisées sont celles destinées à traiter les douleurs mécaniques de la colonne vertébrale axiale: ces procédures impliquent l'ablation par radiofréquence des branches médiales de la racine dorsale (qui innervent les articulations facettaires zygapophysaires) ou l'ablation des branches latérales (qui innervent l'articulation sacro-iliaque). Cette technologie est également de plus en plus utilisée pour traiter les douleurs réfractaires du genou (nerf géniculaire), de la hanche (branches sensitives articulaires de l'obturateur et des nerfs fémoraux) et de l'épaule ([branches sensitives articulaires] des nerfs sus-scapulaires, axillaires et latéraux pectoraux).

La neuroablation de la moelle épinière a été rarement utilisée; il est difficile de prédire son efficacité. On pratique généralement une neuroablation du tractus spinothalamique ascendant (cordotomie) pour déconnecter les signaux douloureux d'une région du corps (p. ex., un membre entier); elle peut amener un soulagement pendant plusieurs années, bien qu'un engourdissement et des dysesthésies puissent se développer. La neuroablation des racines dorsales (rhizotomie) est utilisée quand un dermatome spécifique peut être identifié.

Neuromodulation

La stimulation des tissus neuraux peut diminuer la douleur, probablement en activant les voies endogènes modulatrices de la douleur. Des données probantes sont en faveur du traitement de certains types de douleur neuropathique (p. ex., échec de chirurgie du dos avec syndrome de douleur chronique de la jambe après chirurgie de la colonne vertébrale, syndrome douloureux régional complexe) par une électrode épidurale destinée à stimuler la moelle épinière (stimulation de la moelle épinière).

La stimulation nerveuse électrique transcutanée (TENS) utilise un courant faible de basse fréquence pour soulager la douleur.

Les progrès dans les paradigmes de la stimulation électrique ont amélioré l'efficacité et applicabilité des techniques de neuromodulation. L'utilisation des techniques de neuromodulation dans la prise en charge de la douleur a considérablement augmenté. Avec la limitation de l'utilisation des opiacés pour la douleur non terminale, les techniques de neuromodulation sont à présent considérées plus tôt au cours du traitement de la douleur neuropathique.

Les progrès des techniques et technologies de neuromodulation comprennent

  • Stimulation à haute fréquence

  • Stimulation des ganglions de la racine dorsale

  • Ondes de stimulation de la moelle épinière

  • Petits stimulateurs nerveux périphériques flexibles

  • Amélioration de la compatibilité IRM, ce qui a considérablement élargi les situations cliniques dans lesquelles la neuromodulation peut être utilisée

La stimulation à haute fréquence est efficace dans la douleur neuropathique du membre. L'efficacité est similaire à celle des techniques de neuromodulation traditionnelles, mais des preuves suggèrent qu'elle pourrait également être efficace dans les douleurs rachidiennes axiales, qui ne sont pas traitées efficacement par les techniques de neuromodulation traditionnelles.

La stimulation des ganglions de la racine dorsale est un traitement neuromodulateur plus ciblé; il cible la douleur neuropathique localisée dans des dermatomes limités.

La stimulation des nerfs périphériques est de plus en plus utilisée pour traiter la douleur neuropathique réfractaire lorsqu'un seul nerf périphérique est impliqué (p. ex., syndrome de douleur post-herniorrhaphie, certains syndromes de céphalées comme la névralgie occipitale, la méralgie paresthésique [douleur de la partie externe de la cuisse due à la compression du nerf cutané latéral de la cuisse). Elle a également été utilisée pour stimuler les branches du nerf axillaire pour traiter les douleurs hémiplégiques de l'épaule après un accident vasculaire cérébral. Des études de preuve de concept ont montré que la stimulation nerveuse périphérique pouvait être utile dans le traitement de la douleur post-opératoire pendant les premières semaines après une arthroplastie totale du genou, une chirurgie du ligament croisé antérieur et une chirurgie du pied. La stimulation du nerf périphérique consiste à insérer de petites électrodes minces et flexibles par voie percutanée à côté du nerf affecté, souvent par guidage échographique. Les dérivations sont reliées à un stimulateur, qui est fixé à la peau adjacente aux dérivations par un adhésif jetable. La douleur dans certaines régions ne peut pas être traitée par stimulation nerveuse périphérique parce que le stimulateur perturberait les mouvements ou la position assise.

La stimulation des structures cérébrales (stimulation cérébrale profonde et stimulation du cortex moteur) a été utilisée dans les syndromes de douleur neuropathique réfractaire, mais les preuves sont limitées.

Bases de gériatrie

Chez les personnes âgées, les causes les plus fréquentes de douleur sont les troubles musculosquelettiques. Cependant, la douleur est souvent chronique et multifactorielle et les causes peuvent ne pas être claires.

Médicaments anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS)

Le risque d'ulcère et d'hémorragie gastro-intestinale due aux AINS chez les sujets de > 65 ans est 3 à 4 fois plus élevé que chez les sujets d'âge moyen. Le risque dépend de la posologie et de la durée de traitement. Les patients âgés à haut risque d'effets indésirables gastro-intestinaux peuvent tirer profit de la prise concomitante de médicaments cytoprotecteurs (habituellement, un inhibiteur de la pompe à protons; parfois, le misoprostol, une prostaglandine) ou substitution par un inhibiteur sélectif de COX-2 (coxib; p. ex., célécoxib). Le risque d'effets indésirables gastro-intestinaux est significativement réduit chez les patients qui prennent un inhibiteur sélectif de la COX-2 (coxib) par rapport à ceux qui prennent un AINS non sélectif (p. ex., l'ibuprofène).

Le risque de toxicité cardiovasculaire, qui se produit avec les AINS non sélectifs et avec les coxibs, concerne particulièrement les personnes âgées, qui sont plus susceptibles de présenter des facteurs de risque cardiovasculaire (p. ex., des antécédents d'infarctus du myocarde ou de maladie cérébrovasculaire ou d'artériopathie périphérique).

Les AINS et les coxibs peuvent altérer la fonction rénale et provoquer une rétention hydrosodée; ils doivent être utilisés avec précaution chez les personnes âgées, en particulier chez celles qui présentent un trouble hépatique ou rénal, une insuffisance cardiaque ou une hypovolémie.

Rarement, les AINS provoquent des troubles cognitifs et de la personnalité chez les personnes âgées. L'indométhacine est plus génératrice de confusion mentale chez les personnes âgées que d'autres AINS et doit être évitée.

Le risque d'intoxication grave étant plus élevé chez les sujets âgés, le traitement à long terme par AINS doit être utilisé avec prudence, voire jamais, et uniquement pour soulager une douleur susceptible de répondre. Les AINS sont les plus susceptibles de soulager la douleur résultant d'une inflammation.

Des petites doses d'AINS doivent être envisagées, si possible en traitements courts ou en ménageant des fenêtres thérapeutiques pour confirmer l'efficacité. Le naproxène peut être préférable, car il semble avoir moins d'effets indésirables cardiovasculaires que les autres AINS couramment prescrits.

Opiacés

Chez les personnes âgées, les opiacés ont une plus longue demi-vie et peut être un plus grand effet antalgique que chez les patients plus jeunes. Chez le patient âgé souffrant de douleurs chroniques, l'utilisation à court terme des opiacés semble réduire la douleur et améliorer le fonctionnement physique, mais elle peut nuire à la fonction cognitive. Le risque de surdosage par les opiacés étant de plus en plus reconnu, il convient de déterminer si un déficit cognitif chez le patient âgé pourrait rendre difficile la gestion de la prise des opiacés par le patient et si un aidant peut administrer de manière responsable le traitement.

La constipation et la rétention urinaire dues aux opiacés tendent à être plus problématiques chez la personne âgée.

Le risque de chute et de fracture durant les 2 premières semaines de traitement est plus élevé avec les opiacés qu'avec les AINS chez les personnes âgées, probablement en raison des effets indésirables sédatifs, cognitifs et d'équilibre des opiacés. Le traitement à long terme par les opiacés peut également induire une ostéoporose, en partie parce que les opiacés inhibent l'axe hypothalamo-hypophyso-gonadique, provoquant un déficit en androgènes (testostérone) et en œstrogènes. Le risque de fracture à long terme lié à l'ostéoporose est une préoccupation chez les patients âgés prenant un traitement opiacé à long terme.

Par rapport à d'autres opiacés, la buprénorphine, un agoniste/antagoniste des opiacés, présente un profil de risque/bénéfice plus favorable chez les patients âgés insuffisants rénaux.

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