Présentation des troubles de la moelle épinière

ParMichael Rubin, MDCM, New York Presbyterian Hospital-Cornell Medical Center
Revue/Révision complète févr. 2023 | Modifié août 2023
AFFICHER LA VERSION PROFESSIONNELLE
Les faits en bref

Les troubles de la moelle épinière peuvent entraîner des problèmes graves et permanents, comme une paralysie ou une altération du contrôle vésical et intestinal (incontinence urinaire et incontinence fécale). Parfois, ces problèmes peuvent être évités ou minimisés grâce à une évaluation et à un traitement rapides.

  • Les causes des troubles de la moelle épinière comprennent les lésions, les infections, un blocage de l’apport en sang et une compression en raison d’un os fracturé ou d’une tumeur.

  • En règle générale, les muscles sont faibles ou paralysés, la sensation anormale ou perdue, et le contrôle de la fonction vésicale ou intestinale peut être difficile.

  • Le médecin fonde le diagnostic sur les symptômes et les résultats de l’examen clinique et de l’imagerie, comme l’imagerie par résonance magnétique.

  • Si possible, l’étiologie du trouble de la moelle épinière est traitée.

  • Souvent, la rééducation est nécessaire pour récupérer une aussi grande partie de la fonction que possible.

Anatomie de la moelle épinière

La moelle épinière est la principale voie de communication entre le cerveau et le reste de l’organisme. Il s’agit d’une structure allongée, épaisse et fragile, qui s’étend du tronc cérébral vers le bas. La moelle est protégée par le rachis (colonne vertébrale) constitué de vertèbres. Les vertèbres sont séparées et protégées par des disques de cartilage qui amortissent les chocs.

La colonne vertébrale est divisée en quatre segments, et chaque segment est indiqué par une initiale.

  • Cervical (C) : Cou

  • Thoracique (T) : Thorax

  • Lombaire (L) : Bas du dos

  • Sacré (S) : Bassin et coccyx

Les vertèbres de chaque segment du rachis sont numérotées à partir du haut. Ces identifiants (une lettre plus un chiffre) sont utilisés pour indiquer les emplacements (niveaux) de la moelle épinière. Les médecins peuvent parfois déterminer l’endroit où la moelle épinière est endommagée, c’est-à-dire le niveau de l’atteinte, en fonction des symptômes. Par exemple, si les jambes, le tronc et les mains sont paralysés, mais que la personne peut bouger les épaules et les coudes normalement, la moelle épinière cervicale est endommagée entre les niveaux 7 et 8 (C7 à C8).

Où la moelle épinière est-elle endommagée ?

Sur toute la longueur de la moelle épinière, 31 paires de nerfs spinaux émergent des espaces intervertébraux. Chaque nerf rachidien part d’une vertèbre spécifique de la moelle épinière vers une région spécifique de l’organisme. De ce fait, la surface de la peau a été divisée en zones appelées dermatomes. Un dermatome est une zone de la peau dont les nerfs sensitifs proviennent tous d’une seule racine nerveuse rachidienne. Une perte de la sensation dans un dermatome spécifique permet aux médecins de trouver l’endroit où la moelle épinière est endommagée.

Dermatomes

La surface de la peau est divisée en zones spécifiques, appelées dermatomes. Un dermatome est une zone de la peau dont les nerfs sensitifs proviennent tous d’une seule racine nerveuse rachidienne. Les nerfs sensitifs transmettent des informations relatives au toucher, à la douleur, à la température et aux vibrations de la peau vers la moelle épinière.

Les racines rachidiennes vont par paires, une racine de chaque paire pour chaque côté du corps. Il y a 31 paires :

  • Pour les 7 vertèbres cervicales, il y a 8 paires de racines nerveuses sensitives.

  • Chacune des 12 vertèbres thoraciques, 5 lombaires et 5 sacrées, possède une paire de racines nerveuses rachidiennes.

  • De plus, au bout de la moelle épinière, deux racines nerveuses sacrées innervent une petite surface de peau autour du coccyx.

Il y a des dermatomes pour chacune de ces racines nerveuses.

Les informations sensitives d’un dermatome spécifique sont véhiculées par les fibres sensitives de la racine nerveuse d’une vertèbre spécifique. Par exemple, les informations sensitives d’une bande de peau le long de l’arrière de la cuisse sont véhiculées par les fibres nerveuses sensitives vers la racine nerveuse de la 2e vertèbre sacrée (S2).

Un nerf spinal a deux racines nerveuses (une racine motrice et une racine sensitive). La seule exception est le premier nerf rachidien, qui ne présente pas de nerf intermédiaire de Wrisberg.

  • Racine motrice : La racine du devant (la racine motrice ou antérieure) contient des fibres nerveuses qui transportent des impulsions (signaux) de la moelle épinière aux muscles, pour stimuler les mouvements musculaires (contractions).

  • Racine sensitive : La racine à l’arrière (la racine sensitive ou postérieure) contient les fibres nerveuses qui transportent les informations sensitives relatives au toucher, à la position, à la douleur et à la température) en provenance de l’organisme vers la moelle épinière.

Le saviez-vous ?

  • Le médecin peut souvent voir si la moelle épinière est endommagée sur la base des symptômes et des résultats de l’examen clinique.

  • Les nerfs des parties inférieures de la moelle épinière vont vers l’anus, et non pas les pieds.

La moelle épinière se termine dans le bas du dos (autour de L1 ou de L2), mais les racines des nerfs rachidiens inférieurs continuent, formant un faisceau qui ressemble à la queue d’un cheval (que l’on appelle également cauda equina).

La moelle épinière est très organisée. La partie centrale de la moelle, en forme de papillon, est constituée de substance grise. Ses « ailes » sont appelées cornes :

  • Les cornes du devant (motrices ou antérieures) contiennent des cellules nerveuses qui transportent des signaux du cerveau ou de la moelle épinière, en passant par la racine motrice, jusqu’aux muscles.

  • La corne arrière (postérieure ou sensitive) contient les cellules nerveuses qui reçoivent les signaux relatifs à la douleur, la température et d’autres informations sensorielles via le nerf intermédiaire de Wrisberg de cellules nerveuses en dehors de la moelle épinière.

La partie extérieure de la moelle épinière est composée de substance blanche qui contient des voies de fibres nerveuses (appelées faisceaux ou réseaux). Chaque faisceau transmet un type spécifique de signal nerveux qui va jusqu’au cerveau (faisceaux ascendants) ou qui provient du cerveau (faisceaux descendants).

Depuis et jusqu’à la moelle épinière, en montant et en descendant

Les nerfs spinaux peuvent transmettre des impulsions nerveuses depuis et jusqu’à la moelle épinière par l’intermédiaire de deux racines nerveuses :

  • Racine motrice (antérieure) : Située vers l’avant, cette racine transporte des impulsions de la moelle épinière aux muscles, pour stimuler les mouvements musculaires.

  • Nerf intermédiaire de Wrisberg (postérieur) : Située vers l’arrière, cette racine transporte les informations sensitives relatives au toucher, à la position, à la douleur et à la température) en provenance de l’organisme vers la moelle épinière.

Au centre de la moelle épinière, une zone de substance grise en forme de papillon permet de relayer les impulsions jusqu’aux nerfs spinaux, et à partir de ceux-ci. Les « ailes » sont appelées cornes.

  • Cornes motrices (antérieures) : Ces cornes contiennent des cellules nerveuses qui transportent des signaux du cerveau ou de la moelle épinière, en passant par la racine motrice, jusqu’aux muscles.

  • Cornes postérieures (sensitives) : Ces cornes contiennent les cellules nerveuses qui reçoivent les signaux relatifs à la douleur, la température et d’autres informations sensorielles via le nerf intermédiaire de Wrisberg de cellules nerveuses en dehors de la moelle épinière.

Les impulsions se déplacent vers le haut (jusqu’au cerveau) ou vers le bas (en provenance du cerveau) de la moelle épinière, en passant par des voies distinctes (ou faisceaux). Chaque faisceau transmet un type différent de signal nerveux qui va jusqu’au cerveau ou qui provient du cerveau. Voici quelques exemples :

  • Faisceau spinothalamique latéral : Les signaux relatifs à la douleur et à la température, reçus par la corne sensitive, sont transmis au cerveau par ce faisceau.

  • Réseaux dorsaux : Les signaux relatifs à la position des bras et des jambes traversent les colonnes dorsales jusqu’au cerveau.

  • Faisceaux corticospinaux : Les signaux relatifs au mouvement des muscles sont transmis au cerveau par ces faisceaux et jusqu’à la corne motrice, qui les achemine vers le muscle.

Causes des troubles de la moelle épinière

Les troubles de la moelle épinière peuvent avoir une cause externe, ou moins souvent, interne.

À l’extérieur de la moelle épinière

À savoir :

La moelle épinière peut être comprimée par des structures osseuses (par exemple en cas de spondylose cervicale, de sténose du canal vertébral ou d’une fracture), par une collection de sang (hématomes), par une tumeur, par une poche de pus (abcès) ou par un disque fracturé ou une hernie discale.

À l’intérieur de la moelle épinière

Ces troubles comprennent des cavités remplies de liquide (syringomes), une réduction de l’apport de sang, une inflammation (comme cela se produit dans la myélite transverse aiguë), des tumeurs, des abcès, un saignement (hémorragie), une carence en vitamine B12 ou une carence en cuivre, une infection par le virus de l’immunodéficience humaine (VIH), le COVID-19, la sclérose en plaques et la syphilis.

La radiothérapie peut également endommager la moelle épinière.

Symptômes des troubles de la moelle épinière

En raison de la façon dont la moelle épinière fonctionne et est organisée, des lésions à la moelle produisent souvent des schémas de symptômes spécifiques selon l’endroit où les lésions sont survenues. Les troubles suivants peuvent se manifester dans différents schémas :

En identifiant les fonctions perdues, les médecins peuvent souvent déterminer la partie de la moelle épinière (comme l’avant, l’arrière, le côté, le centre ou la totalité) qui est endommagée. En identifiant l’emplacement précis des symptômes (par exemple, les muscles qui sont paralysés et les parties du corps manifestant une perte de sensation), les médecins peuvent déterminer où la moelle épinière est endommagée (c’est-à-dire le niveau spécifique de la moelle épinière).

Les fonctions contrôlées par les régions de la moelle épinière en dessous de la lésion peuvent être complètement ou partiellement perdues. Les fonctions contrôlées par les zones de la moelle épinière au-dessus des lésions ne sont pas touchées.

Quand une faiblesse ou une paralysie survient, les muscles deviennent mous (flasques) et perdent leur tonus. Lorsque les muscles deviennent flasques, le tonus musculaire augmente en quelques jours ou semaines, et les muscles ont tendance à se contracter involontairement (on parle de spasmes ou spasticité).

Lorsque des pathologies (de type spondylose cervicale et paraplégie spastique héréditaire) endommagent lentement la moelle épinière, elles peuvent provoquer une paralysie avec augmentation du tonus musculaire et spasmes musculaires (appelée paralysie spastique).

Les contractures peuvent survenir en raison des signaux provenant du cerveau qui ne peuvent pas traverser la zone endommagée pour aider à contrôler certains réflexes. Par conséquent, les réflexes deviennent plus prononcés au fil des jours et des semaines. Ensuite, les muscles contrôlés par le réflexe peuvent se resserrer, être durs et se contracter de façon incontrôlable de temps en temps.

Diagnostic des troubles de la moelle épinière

  • Examen clinique

  • Imagerie par résonance magnétique ou myélographie avec tomodensitométrie

Souvent, les médecins peuvent reconnaître un trouble de la moelle épinière en fonction de son schéma symptomatique caractéristique. Les médecins font toujours un examen clinique, qui fournit des indices sur le diagnostic probable et, si la moelle épinière est endommagée, permet aux médecins de déterminer l’emplacement de la lésion. On effectue une imagerie pour confirmer le diagnostic et déterminer la cause.

Pour les troubles de la moelle épinière, l’examen le plus précis est l’imagerie par résonance magnétique (IRM). L’IRM montre la moelle épinière, ainsi que les anomalies éventuelles dans les tissus mous autour de la moelle (comme des abcès, des hématomes, des tumeurs et des hernies discales) et dans les os (tumeurs, fractures et spondylose cervicale).

En l’absence d’IRM, on peut réaliser une myélographie par tomodensitométrie (TDM). Pour la myélographie par TDM, la TDM est effectuée après l’injection d’un produit de contraste radio-opaque (qui se voit à la radiographie) dans l’espace qui entoure la moelle épinière.

Des radiographies peuvent être réalisées pour rechercher des problèmes au niveau de la colonne vertébrale, comme des fractures ou des tumeurs, mais la TDM fournit plus d’informations sur les os et est généralement préférée.

Le saviez-vous ?

  • Les personnes, qui présentent subitement une perte de sensation, ressentent une faiblesse dans un ou plusieurs membres, ou développent une incontinence, doivent immédiatement se rendre aux urgences.

Traitement des troubles de la moelle épinière

  • Traitement de la cause si possible

  • Prévention des complications

  • Kinésithérapie et ergothérapie

Si des symptômes de dysfonctionnement de la moelle épinière (comme une paralysie ou une perte de sensation) surviennent soudainement, les personnes doivent immédiatement se rendre aux urgences. Il est ainsi parfois possible de prévenir des lésions permanentes de la moelle épinière ou la paralysie. Si possible, la cause est traitée. Cependant, un tel traitement est souvent impossible ou inefficace.

Les personnes qui sont paralysées ou alitées à cause d’un trouble de la moelle épinière nécessitent des soins infirmiers spécialisés pour prévenir les complications, dont les suivantes :

  • Escarres : Le personnel infirmier inspecte la peau chaque jour, la maintient sèche et propre, et tourne la personne régulièrement. Si nécessaire, on utilise un lit spécial avec une surface qui réduit la pression et fournit un soutien. Il est possible de le faire pivoter pour alterner les endroits du corps sur lesquels la pression est exercée, de l’avant à l’arrière et d’un côté à l’autre. Les surfaces incluent des surmatelas à air, en mousse, en gel et à eau pour les matelas. D’autres surfaces ou matelas nécessitent de l’électricité pour fonctionner. Par exemple, une certaine pression de soutien passe d’une zone du corps de la personne à une autre. Certains ont des poches d’air qui sont alternativement gonflées et dégonflées par une pompe.

  • Problèmes urinaires : Si la personne est immobilisée et ne peut pas utiliser les toilettes de façon autonome, une sonde urinaire peut être nécessaire. Pour diminuer le risque d’infection urinaire, le personnel infirmier réalise le sondage vésical de façon stérile. Le cathéter est inséré, et des pommades ou des solutions antimicrobiennes sont appliquées tous les jours.

  • Pneumonie : Pour réduire le risque de pneumonie, les kinésithérapeutes et le personnel infirmier peuvent apprendre au patient des exercices de respiration profonde. Ils peuvent aussi mettre le patient dans des postures thoraciques qui améliorent le drainage des sécrétions bronchiques qui s’accumulent dans les poumons (drainage postural), ou ils peuvent aspirer les sécrétions.

  • Formation de caillots de sang : Des anticoagulants, comme l’héparine ou l’héparine de faible poids moléculaire, peuvent être injectés. Si une personne ne peut pas prendre d’anticoagulants (par exemple, en raison d’une maladie hémorragique ou d’ulcères à l’estomac), un filtre, parfois appelé parapluie, est inséré dans la veine cave inférieure (la veine large qui transporte le sang de l’abdomen au cœur). Le filtre a pour fonction de capter les caillots de sang qui se sont détachés de veines des jambes avant qu’ils n’atteignent le cœur.

Une perte significative des fonctions corporelles peut être dévastatrice sur le plan psychologique et entraîner un syndrome dépressif avec perte de l’estime de soi. Un accompagnement formel peut être très utile. La compréhension précise de ce qui est arrivé et de ce qu’ils peuvent attendre de l’avenir permet aux patients de mieux accepter leur déficit et de se préparer à la rééducation.

Rééducation

La rééducation permet aux personnes de récupérer une aussi grande partie de leur fonction que possible. Les meilleurs soins sont prodigués par une équipe qui comprend du personnel infirmier, un kinésithérapeute et un ergothérapeute, un assistant social, un nutritionniste, un psychologue, un conseiller, et parfois un médecin spécialisé en rééducation (médecin rééducateur), ainsi que la personne et les membres de la famille. Un membre du personnel infirmier peut apprendre à la personne les moyens de gérer une anomalie du fonctionnement vésical et intestinal, comme la façon d’insérer un cathéter, quand utiliser des laxatifs, ou comment stimuler le transit intestinal à l’aide du doigt.

La kinésithérapie consiste à faire des exercices pour renforcer les muscles et des étirements. Les personnes peuvent apprendre à utiliser des dispositifs d’assistance, comme des attelles, un déambulateur ou un fauteuil roulant, et à contrôler les contractures musculaires.

L’ergothérapie aide les personnes à réapprendre comment accomplir leurs tâches quotidiennes et les aide à améliorer la dextérité et la coordination. Elles apprennent des techniques spéciales qui les aident à compenser les fonctions perdues. Les thérapeutes ou les conseillers aident certaines personnes à faire les ajustements nécessaires pour retourner au travail et poursuivre leurs loisirs et activités. On apprend aux patients à gérer les dysfonctions sexuelles. Avoir des rapports sexuels est toujours possible pour de nombreuses personnes, même si la sensation est habituellement perdue.

Le soutien émotionnel des membres de la famille et des amis proches est important.

quizzes_lightbulb_red
TESTEZ VOS CONNAISSANCESTake a Quiz!
iOS ANDROID
iOS ANDROID
iOS ANDROID