Néphrite tubulo-interstitielle

ParFrank O'Brien, MD, Washington University in St. Louis
Vérifié/Révisé janv. 2024
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La néphrite tubulo-interstitielle est une lésion primitive des tubules rénaux et de l'interstitium qui induit une réduction de la fonction rénale. La forme aiguë est le plus souvent due à des réactions allergiques aux médicaments ou à des infections. La forme chronique est associée à un ensemble de causes diverses, dont des maladies génétiques ou métaboliques, les uropathies obstructives et l'exposition chronique à des toxines environnementales ou à certains médicaments et plantes. Le diagnostic est posé par l'anamnèse et l'analyse d'urine, et est confirmé par la biopsie rénale. Le traitement et le pronostic varient selon l'étiologie, et la réversibilité potentielle de la maladie au moment du diagnostic.

(Voir aussi Revue générale des maladies tubulo-interstitielles.)

Étiologie de la néphrite tubulo-interstitielle

La néphrite tubulo-interstitielle peut être primitive mais un processus similaire peut résulter d'une lésion glomérulaire ou d'une maladie rénovasculaire.

Une néphrite tubulo-interstitielle primaire peut être

  • Aiguë (voir tableau Causes de la néphrite tubulo-interstitielle aiguë)

  • Chronique (voir tableau Causes de la néphrite tubulo-interstitielle chronique)

Néphrite tubulo-interstitielle aiguë

La néphrite tubulo-interstitielle aiguë associée à un infiltrat inflammatoire et à un œdème interstitiel dont le développement s'étale souvent sur des jours ou des mois. Plus de 95% des cas résultent d'une infection ou d'une réaction allergique à un médicament.

La néphrite tubulo-interstitielle aiguë provoque une lésion rénale aiguë; dans les cas sévères, le retard au traitement ou la poursuite d'un médicament responsable peuvent induire des lésions irréversibles et une maladie rénale chronique.

Un syndrome réno-oculaire, (néphrite tubulo-interstitielle aiguë plus uvéite) peut également survenir et est idiopathique.

Néphrite tubulo-interstitielle chronique

La néphrite tubulo-interstitielle chronique se manifeste lorsque les lésions tubulaires chroniques causent une infiltration interstitielle et une fibrose progressives, une atrophie et un dysfonctionnement tubulaires et une détérioration progressive de la fonction rénale, habituellement étalée sur des années. L'atteinte concomitante des glomérules (glomérulosclérose) est beaucoup plus fréquente dans la néphrite tubulo-interstitielle chronique que dans la néphrite tubulo-interstitielle aiguë.

Les causes des néphrites tubulo-interstitielles chroniques sont multiples; elles comprennent les maladies à médiation immunologique, les infections, la néphropathie de reflux ou obstructive, les médicaments et d'autres troubles. Dans la néphrite tubulo-interstitielle chronique d'origine toxique, métabolique, héréditaire ou associée à une HTA, l'atteinte rénale est symétrique et bilatérale; dans le cas d'autres étiologies, les séquelles rénales peuvent être inégales et ne concerner qu'un seul rein. Certaines formes de néphrites tubulo-interstitielles chroniques bien caractérisées comprennent les

La néphropathie de reflux et le myélome peuvent causer une lésion tubulo-interstitielle, mais la pathologie prédominante dans ces conditions est une maladie glomérulaire.

Les maladies rénales héréditaires kystiques sont traitées ailleurs.

Tableau
Tableau
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Références générales

  1. 1. Yamaguchi Y, Kanetsuna Y, Honda K, et al: Characteristic tubulointerstitial nephritis in IgG4-related disease. Hum Pathol 43(4):536-549, 2012. doi: 10.1016/j.humpath.2011.06.002

  2. 2. Correa-Rotter R, Wesseling C, Johnson RJ: CKD of unknown origin in Central America: The case for Mesoamerican nephropathy. Am J Kidney Dis 63(3):506-520, 2014. doi: 10.1053/j.ajkd.2013.10.062

Symptomatologie de la néphrite tubulo-interstitielle

Néphrite tubulo-interstitielle aiguë

La symptomatologie de la néphrite tubulo-interstitielle aiguë peut être non spécifique et les symptômes sont souvent absents sauf en cas d'insuffisance rénale. De nombreux patients développent une polyurie et une nycturie (dues à un défaut de concentration et de réabsorption du sodium).

Le délai d'apparition des symptômes de néphrite tubulo-interstitielle aiguë peut être de plusieurs semaines après une première exposition au toxique ou dès 3 à 5 jours après une 2e exposition; les extrêmes de la gamme de latence vont de 1 jour avec la rifampicine à 18 mois avec un AINS. La fièvre et une éruption urticarienne sont caractéristiques des manifestations précoces d'une néphrite tubulo-interstitielle aiguë induite par un médicament, mais la triade habituellement décrite de fièvre, éruption et éosinophilie est présente chez < 10% des patients présentant une néphrite tubulo-interstitielle aiguë induite par un médicament. Une douleur abdominale, une perte de poids et des gros reins bilatéraux (provoqués par l'œdème interstitiel) peuvent également être associés à une néphrite tubulo-interstitielle aiguë et, avec la fièvre, peuvent évoquer par erreur un cancer rénal ou une polykystose rénale. Les œdèmes périphériques et l'HTA sont inhabituels, à moins qu'une insuffisance rénale ne survienne.

Néphrite tubulo-interstitielle chronique

La symptomatologie est généralement absente dans la néphrite tubulo-interstitielle chronique à moins qu'une insuffisance rénale ne se développe. Il n'y a habituellement pas d'œdème et la pression artérielle est normale ou modérément augmentée au stade initial. Une polyurie et une nycturie peuvent se développer.

Diagnostic de la néphrite tubulo-interstitielle

  • Facteurs de risque

  • Dans la néphrite tubulo-interstitielle aiguë, sédiment urinaire actif avec pyurie stérile

  • Parfois, biopsie rénale

  • Habituellement imagerie pour exclure d'autres causes

Peu de signes cliniques et biochimiques de routine sont spécifiques de la néphropathie tubulointerstitielle. Ainsi, il faut être très attentif devant les signes suivants:

  • Symptomatologie typique

  • Facteurs de risque, en particulier une relation temporelle entre l'apparition et l'utilisation d'un médicament potentiellement en cause

  • Résultats caractéristiques des analyses d'urine, en particulier une pyurie stérile

  • Légère protéinurie, habituellement < 1 g/jour (sauf avec l'utilisation d'AINS, qui peut provoquer une protéinurie de type néphrotique, 3,5 g/jour)

  • Signes de dysfonction tubulaire (p. ex., acidose tubulaire rénale, syndrome de Fanconi)

  • Anomalie de la concentration hors de proportion avec le degré d'insuffisance rénale

L'éosinophilurie ne permet pas de poser ou d'exclure le diagnostic. D'autres tests (p. ex., imagerie) sont habituellement nécessaires pour distinguer une néphrite tubulo-interstitielle aiguë ou chronique d'autres maladies. Un diagnostic clinique présomptif de néphrite tubulo-interstitielle aiguë est souvent fait sur la base de signes spécifiques mentionnés ci-dessus, mais la biopsie rénale est nécessaire pour établir un diagnostic de certitude.

Néphrite tubulo-interstitielle aiguë

L'analyse d'urine qui montre la présence de signes d'inflammation active des reins (sédiment urinaire actif), dont des globules rouges, des globules blancs et des cylindres de globules blancs et l'absence de bactéries à la culture (pyurie stérile) est typique; la présence d'une hématurie importante et de globules rouges dysmorphiques est rare. On considère traditionnellement que l'éosinophilurie suggère une néphrite tubulo-interstitielle aiguë; cependant, la présence ou l'absence d'éosinophiles urinaires n'est pas particulièrement utile pour poser le diagnostic. La protéinurie est habituellement minime, mais elle peut atteindre le niveau néphrotique chez le patient qui a à la fois une néphrite tubulo-interstitielle aiguë et une maladie glomérulaire induite par les AINS, l'ampicilline, la rifampicine, l'interféron alpha ou la ranitidine.

Les résultats des examens sanguins en cas de dysfonctionnement tubulaire comprennent l'hypokaliémie (due à une anomalie de la réabsorption du potassium) et l'acidose métabolique sans trou anionique (par une anomalie de la réabsorption tubulaire proximale du bicarbonate ou une anomalie de l'excrétion tubulaire distale d'acide). Des taux sériques élevés d'immunoglobulines G (IgG) et/ou d'IgG4 et des concentrations sériques du complément (c'est-à-dire, C3 et C4) peuvent être présents chez les patients qui ont une maladie liée aux IgG4 ou une néphrite interstitielle hypocomplémentémique.

Une échographie et/ou une scintigraphie peuvent être nécessaires pour différencier une néphrite tubulo-interstitielle aiguë d'autres causes de lésion rénale aiguë lorsqu'une biopsie rénale n'est pas possible. Dans la néphrite tubulo-interstitielle aiguë, l'échographie met en évidence des reins très hypertrophiés et hyperéchogènes du fait de l'infiltration cellulaire interstitielle et de l'œdème. La scintigraphie montre des reins qui peuvent également fixer avidement le gallium-67 radioactif ou des globules blancs radio-marqués. Une scintigraphie positive évoque fortement une néphrite tubulo-interstitielle aiguë (et indique qu'une nécrose tubulaire aiguë est moins probable), mais une scintigraphie négative ne permet pas d'exclure une néphrite tubulo-interstitielle aiguë.

La biopsie rénale est généralement réservée aux patients qui présentent dans les situations suivantes:

  • Un diagnostic incertain

  • Des lésions rénales évolutives

  • Pas d'amélioration après l'arrêt des médicaments potentiellement en cause

  • Des signes suggérant une maladie précoce

  • Une néphrite tubulo-interstitielle aiguë induite par le médicament pour laquelle la corticothérapie est envisagée

Dans la néphrite tubulo-interstitielle aiguë, les glomérules sont habituellement normaux. La lésion la plus précoce est un œdème interstitiel suivi, dans les formes caractéristiques, d'une infiltration interstitielle par des lymphocytes, des plasmocytes et un petit nombre de polynucléaires. Dans les cas sévères, on peut voir des cellules inflammatoires envahir l'espace entre les cellules bordant la membrane basale tubulaire (tubulite); dans d'autres prélèvements, des réactions granulomateuses résultant du contact avec les antibiotiques bétalactamines, les sulfamides, les mycobactéries ou les champignons peuvent être observées. La présence de granulomes non caséeux est évocatrice de sarcoïdose. Une infiltration lymphoplasmocytaire de l'interstitium rénal avec une fibrose storiforme suggère une néphrite tubulo-interstitielle liée aux IgG4. L'immunofluorescence ou la microscopie électronique ne montrent que rarement des anomalies pathognomoniques.

Néphrite tubulo-interstitielle chronique

Les signes de néphrite tubulo-interstitielle chronique sont généralement semblables à ceux de la néphrite tubulo-interstitielle aiguë, bien que les globules rouges et les globules blancs urinaires soient rares. La néphrite tubulo-interstitielle chronique ayant un début insidieux et la fibrose interstitielle étant fréquente, l'imagerie peut montrer de petits reins avec des zones cicatricielles et asymétriques.

Dans la néphrite tubulo-interstitielle chronique, la biopsie rénale n'est pas fréquemment effectuée à des fins diagnostiques. Cependant, si d'autres diagnostics sont possibles, elle peut être pratiquée. L'état des glomérules peut aller de la normalité à la destruction complète. Les tubules sont absents ou atrophiés. Le diamètre de la lumière tubulaire est variable et avec parfois dilatation importante et présence de cylindres homogènes. L'interstitium est le siège d'une fibrose plus ou moins importante, associée à un nombre variable de cellules inflammatoires. Les zones épargnées par les processus de fibrose ont un aspect presque normal. Macroscopiquement, les reins sont petits et atrophiques.

Traitement des causes de la néphrite tubulo-interstitielle aiguë

  • Traitement de la cause (p. ex., arrêt du médicament causal)

  • Corticostéroïdes pour la néphrite à médiation auto-immune et parfois pour celle aiguë induite par les médicaments

Le traitement de la néphrite tubulo-interstitielle aiguë et chronique consiste à en éliminer la cause.

Dans la néphrite tubulo-interstitielle aiguë d'origine immunologique et parfois dans la néphrite tubulo-interstitielle aiguë induite par les médicaments, les corticostéroïdes (p. ex., prednisone 1 mg/kg par voie orale 1 fois/jour avec des doses décroissantes pendant 4 à 6 semaines) peuvent accélérer la convalescence.

En cas de néphrite tubulo-interstitielle aiguë induite par les médicaments, les corticostéroïdes sont le plus efficace lorsqu'ils sont administrés dans un délai de 2 semaines suivant l'arrêt des médicaments responsables. La néphrite tubulo-interstitielle aiguë induite par les AINS est moins sensible aux corticostéroïdes que les autres néphrites tubulo-interstitielles aiguës induites par les médicaments. La néphrite tubulo-interstitielle aiguë doit être prouvée par biopsie avant que les corticostéroïdes soient débutés.

Le traitement des néphrites tubulo-interstitielles chroniques nécessite souvent des mesures de support telles que le contrôle de la pression artérielle et le traitement de l'anémie associée à une maladie rénale. En cas de néphrite tubulo-interstitielle chronique, les inhibiteurs de l'ECA (enzyme de conversion de l'angiotensine) ou les antagonistes des récepteurs de l'angiotensine II peuvent ralentir l'évolution de la maladie, mais ils ne doivent pas être utilisés simultanément en raison d'un risque accru d'hyperkaliémie et d'accélération de l'évolution de la maladie.

Pièges à éviter

  • En cas de néphrite tubulo-interstitielle chronique, les inhibiteurs de l'ECA (enzyme de conversion de l'angiotensine) et les antagonistes des récepteurs de l'angiotensine II ne doivent pas être utilisés en même temps en raison du risque accru d'hyperkaliémie et d'accélération de l'évolution de la maladie.

Pronostic de la néphrite tubulo-interstitielle

Néphrite tubulo-interstitielle aiguë

Dans la néphrite tubulo-interstitielle aiguë induite par les médicaments, la fonction rénale se rétablit généralement en 6 à 8 semaines après l'arrêt du médicament responsable, bien que quelques signes de type séquellaire soient habituels. La guérison peut être incomplète, avec persistance d'une urémie au-delà des valeurs basales. Le pronostic est généralement plus défavorable si la néphrite tubulo-interstitielle aiguë est causée par des AINS que par d'autres médicaments. Lorsque d'autres facteurs sont cause d'une néphrite tubulo-interstitielle aiguë, les anomalies histologiques sont généralement réversibles si la cause est reconnue et éliminée; cependant, certains cas sévères évoluent vers la fibrose et la maladie rénale chronique. Indépendamment de la cause, une lésion irréversible est évoquée devant les signes suivants:

  • Infiltrat interstitiel diffus plutôt que focal

  • Fibrose interstitielle importante

  • Réponse retardée à la prednisone

  • Lésions rénales aiguës d'une durée > 3 semaines

Néphrite tubulo-interstitielle chronique

Dans la néphrite tubulo-interstitielle chronique, le pronostic dépend de la cause et de la capacité à reconnaître et arrêter le processus avant qu'une fibrose irréversible ne survienne. Nombre de causes génétiques (p. ex., maladies kystiques des reins), métaboliques (p. ex., cystinose) et toxiques (p. ex., antécédents d'exposition aux métaux lourds) peuvent ne pas être modifiables et, dans ce cas, la néphrite tubulo-interstitielle chronique évolue habituellement vers une néphropathie terminale.

Points clés

  • Les causes de néphrite tubulo-interstitielle chronique sont innombrables et beaucoup plus diversifiées que dans la néphrite tubulo-interstitielle aiguë généralement causée par une réaction allergique à un médicament ou par une infection.

  • Les symptômes sont souvent absents ou non spécifiques, en particulier dans la néphrite tubulo-interstitielle chronique.

  • Suspecter le diagnostic en se basant sur les facteurs de risque et les sédiments urinaires, exclure d'autres causes par l'imagerie, et parfois confirmer le diagnostic par biopsie.

  • Arrêter les médicaments responsables, traiter toutes les autres causes, et fournir un traitement de support.

  • Traiter la néphrite tubulo-interstitielle aiguë à médiation immunitaire prouvée par la biopsie et parfois aussi la néphrite tubulo-interstitielle aiguë d'origine médicamenteuse par des corticostéroïdes (dans les 2 semaines de l'arrêt des médicaments en cause).

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