Neutropénie

(Agranulocytose; granulocytopénie)

ParDavid C. Dale, MD, University of Washington
Vérifié/Révisé avr. 2023
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La neutropénie est une diminution du nombre de neutrophiles circulants. Si elle est sévère, le risque et la gravité des infections bactériennes et mycosiques augmentent. Les signes infectieux locaux peuvent être atténués, mais la fièvre est présente lors de la plupart des infections sévères. Le diagnostic repose sur la numération des globules blancs avec formule, le bilan exige l'identification de la cause. Si la fièvre est présente, une infection est suspectée et une antibiothérapie empirique à large spectre est alors immédiatement nécessaire, en particulier si la neutropénie est sévère. Le traitement par granulocyte colony-stimulating factor permet de stimuler la production de neutrophiles et de prévenir les infections bactériennes après chimiothérapie anticancéreuse et en cas de neutropénie chronique sévère.

Les neutrophiles (granulocytes) constituent la principale défense de l'organisme contre les infections bactériennes et les infections mycosiques. Lorsque la neutropénie est présente, la réponse inflammatoire à de telles infections est faible.

La valeur inférieure normale des neutrophiles (total des globules blancs × % neutrophiles) est 1500/mcL (1,5 × 109/L) chez les Blancs et est plus basse chez les Noirs (environ 1200/mcL [1,2 × 109/L). Le nombre de neutrophiles n'est pas aussi stable que les autres numérations cellulaires et peut varier considérablement sur de courtes périodes, en fonction de nombreux facteurs tels que l'état d'activité, l'anxiété, les infections et les médicaments. Ainsi, plusieurs mesures peuvent être nécessaires pour déterminer la gravité de la neutropénie.

La sévérité de la neutropénie est liée au risque relatif d'infection et est classée comme suit:

  • Légère: 1000 à 1500/mcL (1 à 1,5 × 109/L)

  • Modérée: 500 à 1000/mcL (0,5 à 1 × 109/L)

  • Sévère: < 500/mcL (< 0,5 × 109/L)

Lorsque le nombre de neutrophiles chute à < 500/mcL, la flore microbienne endogène (p. ex., dans la bouche ou dans le tube digestif) peut être la cause d'infections. Si le nombre tombe à < 200/mcL (< 0,2 × 109/L), la réponse inflammatoire peut avoir muté et les signes inflammatoires habituels de leucocytose ou de globules blancs dans l'urine ou au niveau du site de l'infection peuvent ne pas se produire. Une neutropénie aiguë et profonde, en particulier si un autre facteur (p. ex., un cancer) est présent, altère significativement le système immunitaire et peut provoquer des infections rapidement fatales. L'intégrité de la peau et des muqueuses, l'état vasculaire et nutritionnel du patient influencent également le risque d'infections.

Les infections les plus fréquentes chez les patients présentant une neutropénie profonde sont les suivantes

Les cathéters vasculaires et autres sites de ponction représentent un risque supplémentaire d'infections cutanées; les bactéries le plus souvent en cause sont les staphylocoques coagulase-négatifs et Staphylococcus aureus mais d'autres infections gram-positives et gram-négatives se produisent également. Une stomatite, une gingivite, une inflammation péri-anale, une colite, une paronychie et une otite surviennent fréquemment. Les patients qui ont une neutropénie prolongée après une transplantation de cellules-souches hématopoïétiques ou une chimiothérapie et les patients recevant de fortes doses d'antibiotiques et de corticostéroïdes ont un risque accru de prédisposition aux infections fongiques.

Étiologie de la neutropénie

Une neutropénie aiguë (survenant en quelques heures ou quelques jours) peut être liée à

  • Utilisation ou destruction rapide des neutrophiles

  • Diminution de la production de neutrophiles

La neutropénie chronique (qui dure des mois, voire des années) est habituellement due à

  • Production réduite

  • Séquestration splénique excessive

La neutropénie peut également être classée comme

  • Primaire, due à un défaut intrinsèque des cellules myéloïdes médullaires

  • Secondaire, en raison de facteurs extrinsèques aux cellules myéloïdes de la moelle

Voir aussi le tableau Classification des neutropénies.

Tableau
Tableau

Neutropénie due à des anomalies intrinsèques des cellules myéloïdes ou de leurs précurseurs

La neutropénie due à des anomalies intrinsèques des cellules myéloïdes ou de leurs précurseurs est rare (1, 2). Lorsqu'elle est présente, les causes les plus fréquentes comprennent les suivantes

  • Neutropénie idiopathique chronique

  • Neutropénie congénitale

La neutropénie idiopathique chronique est un type de neutropénie chronique dans laquelle le reste du système immunitaire semble rester intact. Même lorsque le nombre de neutrophiles est < 200/mcL (< 0,2 × 109/L), les infections graves sont rares, probablement parce que les neutrophiles sont produits en quantité suffisante en réponse à l'infection. Elle est plus fréquente chez les femmes.

La neutropénie sévère congénitale est un groupe hétérogène d'affections rares qui se caractérise par un arrêt de la maturation myéloïde médullaire au stade du promyélocyte entraînant un chiffre absolu de neutrophiles < 200/mcL (< 0,2 × 109/L) et des infections sérieuses débutant dans l'enfance. La neutropénie congénitale sévère est habituellement héréditaire autosomique dominante, mais elle peut être récessive, liée à l'X ou sporadique.

Plusieurs anomalies génétiques qui provoquent une neutropénie congénitale sévère ont été identifiées, dont des mutations affectant l'élastase des neutrophiles (ELANE), CLPB, HAX1, GFI1, et très rarement le récepteur G-CSF (granulocyte colony-stimulating factor) (CSF3R). Presque tous les patients présentant une neutropénie congénitale sévère répondront au traitement par le G-CSF, mais la transplantation de cellules souches hématopoïétiques peut être nécessaire chez les patients qui répondent mal au G-CSF et chez ceux qui développent une myélodysplasie ou une leucémie myéloïde aiguë.

La neutropénie cyclique est un trouble rare congénital de la granulocytopoïèse, habituellement transmis de façon autosomique dominante et habituellement causé par une mutation du gène de l'élastase neutrophile (ELANE), ce qui entraîne une apoptose. Elle est caractérisée par des oscillations régulières et périodiques du nombre des neutrophiles périphériques. La période moyenne des oscillations est de 21 ± 3 jours. Le cycle des autres cellules sanguines est également évident dans la plupart des cas.

La neutropénie ethnique bénigne existe dans certains groupes ethniques (p. ex., certains sujets d'origine africaine, moyen-orientale et juive). Les patients ont normalement un nombre moindre de neutrophiles mais n'ont pas de risque accru d'infection. Dans certains cas, cette caractéristique a été liée à l'antigène Duffy des globules rouges; certains experts pensent que la neutropénie dans ces populations est liée à la protection contre paludisme.

De rares maladies congénitales (p. ex., syndrome d'hypoplasie cartilage-cheveux, syndrome de Chédiak-Higashi, dyskératose congénitale, maladies de surcharge glycogénique [glycogénose] de type Ib, syndrome de Schwachman-Diamond, verrues, hypogammaglobulinémie, infections, syndrome myélokathéxique [WHIM]) peuvent comprendre une insuffisance médullaire responsable d'une neutropénie.

La neutropénie est également une caractéristique de la myélodysplasie au cours de laquelle elle peut être accompagnée de signes mégaloblastoïdes dans la moelle osseuse, et d'une aplasie médullaire Une neutropénie peut survenir dans la dysgammaglobulinémie et l'hémoglobinurie paroxystique nocturne.

Neutropénie secondaire

Une neutropénie secondaire peut résulter de l'utilisation de certains médicaments, d'une infiltration médullaire, de certaines infections ou de réactions immunologiques.

Les causes les plus fréquentes sont

  • Médicaments

  • Infections et réactions immunitaires

  • Processus infiltratifs médullaires

La neutropénie induite par les médicaments est l'une des causes les plus fréquentes de neutropénie. Elle peut être la conséquence d'une diminution de la production des neutrophiles par des mécanismes toxiques, idiosyncrasiques ou d'hypersensibilité ou d'une augmentation de la destruction des neutrophiles par des mécanismes immunologiques. Seul le mécanisme toxique est cause d'une neutropénie dose-dépendante.

Une importante neutropénie dose-dépendante est prévisible après l'administration de médicaments anticancéreux cytotoxiques, de phénothiazine ou une radiothérapie en raison de la suppression de la production de la moelle osseuse.

Les réactions idiosyncrasiques sont imprévisibles et surviennent avec de nombreux médicaments, y compris des préparations issues de médecines alternatives, et des toxines.

Les réactions d'hypersensibilité sont rares et impliquent parfois des antiépileptiques (p. ex., phénylhydantoïne, phénobarbital, méthimazole ou propylthio-uracile). Ces réactions peuvent durer quelques jours, quelques mois ou quelques années. Souvent, une hépatite, une atteinte rénale, une pneumopathie ou une aplasie médullaire accompagnent une neutropénie induite par hypersensibilité.

La neutropénie médicamenteuse immunologique, dans laquelle le médicament agirait alors en tant qu'haptène stimulant la production d'anticorps, persiste en général durant environ 1 semaine après l'arrêt du médicament. Elle peut résulter de l'aminopyrine, de la clozapine, du propylthio-uracile et d'autres médicaments antithyroïdiens, de la pénicilline ou d'autres antibiotiques.

Une neutropénie à une production médullaire inefficace peut être observée en cas d'anémie mégaloblastique secondaire à une carence en vitamine B12 ou en folates. Généralement, une anémie macrocytaire est observée, parfois associée à une discrète thrombopénie. Une production inefficace peut également accompagner les troubles myélodysplasiques et la leucémie myéloïde aiguë.

Une infiltration de la moelle osseuse par une leucémie, un myélome, un lymphome ou les métastases d'une tumeur solide (p. ex., cancer du sein, cancer de la prostate) peut altérer la production des neutrophiles. La myélofibrose induite par la tumeur peut ultérieurement accentuer la neutropénie. Une myélofibrose peut également être due à une infection granulomateuse, à une maladie de Gaucher, à la radiothérapie.

L'hypersplénisme, quelle qu'en soit sa cause, peut entraîner une neutropénie modérée, une thrombopénie, une anémie.

Des infections peuvent entraîner une neutropénie par altération de la production des neutrophiles ou par induction d'une destruction selon un mécanisme immunologique ou un renouvellement rapide des neutrophiles. La sepsis est une cause particulièrement grave. La neutropénie se manifestant avec les infections virales banales de l'enfance se développe pendant les 1 à 2 premiers jours de la maladie et peut persister pendant 3 à 8 jours. Une neutropénie transitoire peut également résulter d'une redistribution des neutrophiles, induite par un virus ou une endotoxine, à partir du pool circulant jusqu'au pool marginal. L'alcool peut favoriser une neutropénie, en inhibant la réaction neutrophile chimiotactique médullaire lors de certaines infections (p. ex., pneumonie à pneumocoque).

Les déficits immunitaires peuvent causer une neutropénie. Une neutropénie iso-immune néonatale peut survenir en cas d'incompatibilité des antigènes neutrophiles entre ceux du fœtus et ceux de la mère, associée au transfert transplacentaire d'anticorps IgG contre les neutrophiles du nouveau-né (le plus souvent contre le human neutrophil antigen [HNA-1]). La neutropénie auto-immune peut survenir à tout âge et peut être en cause dans de nombreux cas de neutropénie chronique idiopathique. Les tests d'anticorps antineutrophiles (immunofluorescence, agglutination ou cytométrie en flux) ne sont pas toujours disponibles ou fiables.

Les neutropénies auto-immunes peuvent être aiguës, chroniques ou intermittentes. Elles peuvent être dues à des anticorps dirigés contre les neutrophiles circulants ou contre leurs précurseurs. Elles peuvent également être dues à des cytokines (p. ex., l'interféron gamma, le facteur de nécrose des tumeurs) qui peuvent provoquer l'apoptose des neutrophiles. La plupart des patients atteints de neutropénie auto-immune ont une maladie auto-immune sous-jacente ou un syndrome lymphoprolifératif (p. ex., gros lymphocytes granuleux [syndrome LGL [une maladie clonale faite de grands lymphocytes granulaires], lupus érythémateux disséminé, syndrome de Felty). Une neutropénie secondaire chronique accompagne souvent l'infection par le VIH du fait d'un déficit de production des neutrophiles et d'une destruction accélérée des neutrophiles par des anticorps.

Références pour l'étiologie

  1. 1. Dale DC: How I diagnose and treat neutropenia. Curr Opin Hematol 23(1):1-4, 2016. doi: 10.1097/MOH.0000000000000208

  2. 2. Skokowa J, Dale DC, Touw IP, et al: Severe congenital neutropenias. Nat Rev Dis Primers 3:17032, 2017. doi: 10.1038/nrdp.2017.32

Symptomatologie de la neutropénie

La neutropénie est asymptomatique jusqu'à ce que l'infection apparaisse. La fièvre est souvent le seul signe de l'infection. Si la neutropénie est sévère, les signes typiques d'inflammation focale (érythème, gonflement, douleur, infiltrats) peuvent être atténués ou absents. Les symptômes focaux (p. ex., ulcères oraux) peuvent se développer, mais sont souvent discrets. Le patient qui présente une neutropénie médicamenteuse par hypersensibilité peut présenter de la fièvre, un rash cutané ainsi que des adénopathies, du fait de cette réaction d'hypersensibilité.

Certains patients qui ont une neutropénie chronique idiopathique avec un nombre de neutrophiles < 200/mcL (< 0,2 × 109/L) ont rarement des infections graves. Les patients présentant une neutropénie cyclique ou une neutropénie congénitale sévère ont souvent des ulcérations buccales, des stomatites ou une pharyngite et des adénopathies au cours des épisodes de neutropénie profonde. Des pneumopathies et des sepsis surviennent souvent.

Diagnostic de la neutropénie

  • Suspicion clinique (infections à répétition ou inhabituelles)

  • Le diagnostic est confirmé par la NFS

  • Bilan de l'infection par des cultures et l'imagerie

  • Identification du mécanisme et de la cause de la neutropénie

Une neutropénie est suspectée en cas d'infections fréquentes, graves ou inhabituelles ou chez un patient à risque (p. ex., recevant un traitement cytotoxique ou une radiothérapie). Le diagnostic est confirmé par la NFS.

Bilan de l'infection

La priorité des priorités est de déterminer si une infection est présente. Parce que l'infection peut être discrète, l'examen clinique évalue systématiquement les sites d'infection les plus fréquemment en cause: les muqueuses notamment digestives (gencives, pharynx, anus):

  • Les muqueuses, telles que celles du tube digestif (gencives, pharynx, anus)

  • Sinus

  • Atteinte pulmonaire

  • Abdomen

  • Appareil urinaire

  • Peau et ongles

  • Sites de ponction veineuse

  • Cathéters vasculaires

Si la neutropénie est aiguë ou sévère, les analyses biologiques doivent être effectuées rapidement.

Les cultures sont la base du bilan diagnostique. Au moins 2 séries de prélèvements pour hémocultures bactériennes et fongiques sont effectuées chez tous les patients fébriles. En cas de cathéter IV à demeure, les cultures sont prélevées sur le cathéter et au niveau d'une veine périphérique séparée. Un écoulement persistant ou chronique est également mis en culture à la recherche de bactéries, de champignons ou de mycobactéries atypiques. Les ulcères des muqueuses sont tamponnés et cultivés à la recherche de virus de l'herpès de du Candida. Les lésions cutanées sont ponctionnées ou biopsiées pour une analyse cytologique et une mise en culture. Un ECBU est systématiquement réalisé. En cas de diarrhée, des analyses de selles à la recherche d'entérobactéries et de toxine de Clostridioides (précédemment Clostridium) difficile ont réalisées. Les cultures d'expectorations sont effectuées pour évaluer les infections pulmonaires.

Des examens d'imageries peuvent être utiles. Une rx thorax est systématique. Une TDM thoracique peut également être nécessaire chez les patients neutropéniques. Une TDM des sinus peut être utile en présence d'une symptomatologie de sinusite (p. ex., céphalées positionnelles, douleurs dentaires ou maxillaires, œdème facial, rhinorrhée). Une TDM de l'abdomen est habituellement réalisée si des symptômes (p. ex., douleur) ou les antécédents (p. ex., chirurgie récente) orientent vers une infection intra-abdominale.

Identification de la cause

Puis, on détermine le mécanisme et la cause de la neutropénie. L'histoire traite des antécédents familiaux, de la présence d'autres troubles, de tous les médicaments ou autres préparations consommées, des animaux de compagnie, d'autres préparations et de l'exposition ou de l'ingestion de toxines.

L'examen clinique recherche la présence d'une splénomégalie, d'une lymphadénopathie, de lésions cutanées (p. ex., zones d'érythème, macules, papules, pustules) et de signes d'autres troubles sous-jacents (p. ex., arthrite).

Si aucune cause évidente n'est identifiée (p. ex., chimiothérapie), l'examen le plus important est

  • Examen de la moelle osseuse

Le myélogramme détermine si la neutropénie est liée à une diminution de la production médullaire ou si elle est secondaire à une destruction accrue des cellules (déterminée par une production normale ou augmentée de cellules myéloïdes). L'examen de la moelle osseuse peut également indiquer la cause spécifique de la neutropénie (p. ex., aplasie médullaire, myélofibrose, un trouble myélodysplasique, leucémie aiguë, cancer métastatique, nécrose médullaire).

D'autres tests, tels que la cytométrie en flux et le réarrangement du gène du récepteur des cellules T pour le syndrome des gros lymphocytes granuleux [syndrome LGL [une maladie clonale faite de grands lymphocytes granulaires], peuvent être nécessaires pour déterminer la cause de la neutropénie, en fonction des diagnostics suspectés. Chez le patient à risque de carence nutritionnelle, le dosage des taux de cuivre, de folate et de vitamine B12 doit être effectué. La présence d'anticorps antineutrophiles est recherchée si une neutropénie immunologique est suspectée.

Le diagnostic différentiel entre une neutropénie due à certains antibiotiques et une neutropénie due à une infection peut être difficile à faire. Le nombre de globules blancs juste avant le début du traitement antibiotique reflète habituellement les modifications de la NFS induites par l'infection.

Les patients qui ont eu une neutropénie chronique depuis la petite enfance et des antécédents de fièvres récurrentes et de gingivite chronique doivent subir une numération différentielle des globules blancs effectuée 3 fois/semaine pendant 6 semaines, de sorte que la périodicité évocatrice d'une neutropénie cyclique puisse être évaluée. Le nombre de plaquettes et de réticulocytes est obtenu simultanément. Dans la neutropénie cyclique, les éosinophiles, les réticulocytes et les plaquettes oscillent fréquemment de manière cyclique et parallèlement avec les neutrophiles, tandis que les monocytes et les lymphocytes peuvent évoluer de façon cyclique en dehors de ces phases.

Tests génétiques moléculaires pour ELANE et d'autres gènes sont appropriés lorsque des causes congénitales sont évoquées.

Traitement de la neutropénie

  • Traitement des affections associées (p. ex., infections stomatite)

  • Parfois, antibiothérapie préventive

  • Facteurs de croissance myéloïdes

  • Arrêt de l'agent étiologique suspecté (p. ex., médicament)

  • Parfois, des corticostéroïdes

Neutropénie aiguë

Une suspicion d'infection doit être toujours traitée immédiatement. En cas de fièvre ou d'hypotension, une infection grave est suspectée et une antibiothérapie empirique à large spectre à forte dose IV est administrée. Le choix de l'antibiothérapie repose sur la fréquence des germes et leur sensibilité aux antibiotiques habituellement observés dans l'établissement de soins et sur la toxicité potentielle de ce traitement. Par crainte d'induction de résistances, la vancomycine n'est utilisée que si des microrganismes Gram positifs résistants à d'autres agents sont suspectés.

Les cathéters vasculaires à demeure peuvent habituellement être laissés en place, même si on suspecte ou documente une bactériémie, mais leur retrait est conseillé en cas d'infection à S. aureus ou Bacillus, Corynebacterium, Candida ou un autre champignon ou si les hémocultures restent positives, malgré une antibiothérapie adaptée. Les infections provoquées par des staphylocoques coagulase négatif sont en général traitées avec succès par les antibiotiques seuls.

Les cathéters de Foley à demeure peuvent également prédisposer aux infections chez les patients neutropéniques, et le changement ou l'ablation du cathéter doivent être envisagés en cas d'infections urinaires persistantes.

Si les cultures sont positives, l'antibiothérapie est alors adaptée aux résultats de l'antibiogramme. Si un patient voit sa fièvre céder dans les 72 heures, les antibiotiques sont alors poursuivis pendant au moins 7 jours et jusqu'à disparition des signes d'infection. En cas de neutropénie transitoire (comme après une chimiothérapie myélosuppressive) les antibiotiques sont habituellement poursuivis jusqu'à ce que les neutrophiles soient > 500/mcL (> 0,5 × 109/L); cependant, si les cultures restent négatives, l'arrêt des antibiotiques peut être envisagé chez certains patients qui ont une neutropénie prolongée, en particulier en cas de régression de la symptomatologie inflammatoire.

Une fièvre qui persiste > 72 heures malgré l'antibiothérapie suggèrent

  • Une cause non bactérienne

  • Infection par des microrganismes résistants

  • Surinfection par une 2e espèce bactérienne

  • Insuffisance des taux sériques ou tissulaires des antibiotiques

  • Infection localisée, telle qu'un abcès

Le patient neutropénique présentant une fièvre persistante est réévalué tous les 2 à 4 jours par un examen clinique, des cultures et une rx thorax. Si le patient va bien malgré la fièvre, l'antibiothérapie initiale peut être poursuivie et une fièvre induite par le médicament doit être évoquée. Si l'état du patient se détériore, la modification du protocole antibiotique est envisagée (1).

Les infections fongiques sont la cause la plus fréquente de fièvres persistantes et d'aggravation secondaire. Un traitement antifongique est ajouté empiriquement si une fièvre inexpliquée persiste après 3 à 4 jours de traitement antibiotique à large spectre. Le choix du médicament antifongique spécifique (p. ex., le fluconazole, la caspofungine, le voriconazole, le posaconazole) dépend du type de risque (p. ex., de la durée et la sévérité de la neutropénie, des antécédents d'infection fongique, d'une fièvre persistante malgré de l'utilisation de médicaments antifongiques à spectre plus étroit) et doit être guidé par un spécialiste des maladies infectieuses.

Si la fièvre persiste après 3 semaines de traitement empirique (dont 2 semaines de traitement antifongique) et si la neutropénie a disparu, il est alors envisagé d'arrêter tous les médicaments antimicrobiens et de réévaluer la cause de la fièvre.

Dans le cas des patients afébriles qui ont une neutropénie, l'antibioprophylaxie peut être envisagée bien que des modifications du microbiome bactérien puissent ralentir la récupération de la moelle osseuse. Le traitement par des fluoroquinolones (lévofloxacine, ciprofloxacine) est administrée dans certains centres aux patients qui reçoivent une chimiothérapie qui provoquent souvent une baisse des neutrophiles à ≤ 100/mcL (≤ 0,1 × 109/L) pendant > 7 jours. La prophylaxie est généralement commencée par l'oncologue traitant. Les antibiotiques sont poursuivis jusqu'à ce que le nombre de neutrophiles augmente à > 1500/mcL (> 1,5 × 109/L). En outre, un traitement antifongique peut être administré aux patients neutropéniques non fébriles à risque élevé d'infection fongique (p. ex., après transplantation de cellules souches hématopoïétiques, une chimiothérapie intensive pour leucémie myéloïde aiguë ou un trouble myélodysplasique, des infections fongiques antérieures). La sélection d'un médicament antifongique spécifique doit être guidée par un spécialiste des maladies infectieuses. La prophylaxie antibiotique et antifongique n'est pas systématiquement recommandée chez les patients neutropéniques fébriles et sans facteurs de risque que l'on suppose devoir rester neutropéniques < 7 jours en fonction de leur protocole chimiothérapie spécifique.

Les facteurs de croissance myéloïdes (c'est-à-dire, granulocyte-macrophage colony-stimulating factor [GM-CSF]), sont couramment utilisés pour augmenter le nombre de neutrophiles et prévenir les infections après transplantation de cellules-souches hématopoïétiques ou chimiothérapie anticancéreuse intensive. Si le risque de neutropénie fébrile est 30% (prédit par un nombre de neutrophiles < 500 mcL [< 0,5 × 109/L], l'existence d'une infection lors d'un cycle précédent de chimiothérapie, la présence de comorbidités ou un âge > 75 ans), des facteurs de croissance sont indiqués (2). Le bénéfice clinique est observé en général quand le facteur de croissance commence à être administré environ 24 heures après la fin de la chimiothérapie. Le patient présentant une neutropénie d'origine médicamenteuse idiosyncrasique peut également tirer bénéfice du G-CSF, surtout si une récupération hématologique retardée est suspectée. La dose habituelle de G-CSF (filgrastim) est de 5 mcg/kg en sous-cutané 1 fois/jour, et la dose de G-CSF pégylé (pegfilgrastim) est de 6 mg en sous-cutané une fois par cycle de chimiothérapie.

Les glucocorticoïdes, les stéroïdes anabolisants et les vitamines ne stimulent pas la production de neutrophiles et ne sont généralement pas utiles en cas de neutropénie. Si on suspecte qu'une neutropénie aiguë est due à un médicament ou à une toxine, tous les agents étiologiques potentiels sont arrêtés. Si la neutropénie apparaît pendant un traitement par un antibiotique connu pour induire des neutropénies (p. ex., chloramphénicol), il est alors recommandé d'introduire un autre antibiotique.

Des bains de bouche au sérum physiologique ou au péroxyde d'hydrogène (eau oxygénée) toutes les quelques heures, bains de bouche (contenant de la lidocaïne visqueuse, de la diphenhydramine et un antiacide liquide), des pastilles anesthésiques à sucer (benzocaïne 15 mg toutes les 3 ou 4 heures) ou des bains de bouche à la chlorhexidine (solution à 1%) 2 ou 3 fois/jour peuvent soulager la gêne due à la stomatite et aux ulcérations oropharyngées.

La candidose orale ou œsophagienne est traitée par la nystatine en solution pour bains de bouche (400 000 à 600 000 unités 4 fois/jour; dose qui est avalée en cas d'œsophagite), le clotrimazole en tablettes (10 mg dissous lentement dans la bouche 5 fois/jour) ou des médicaments antimycosiques par voie générale (p. ex., fluconazole).

Un régime alimentaire liquide ou semi-liquide peut être nécessaire pendant la phase aiguë de la stomatite ou de l'œsophagite, et des analgésiques topiques (p. ex., lidocaïne visqueuse) peuvent être nécessaires pour diminuer la gêne ressentie.

Neutropénie chronique

La production et le déploiement des neutrophiles dans la neutropénie congénitale, la neutropénie cyclique et la neutropénie idiopathique sont habituellement augmentés par l'administration de G-CSF 1 à 10 mcg/kg par voie sous-cutanée 1 fois/jour, en commençant par une faible dose et en augmentant pour maintenir un niveau d'environ 1000/mcL (1 × 109/L) (3). L'efficacité est maintenue par du G-CSF quotidien ou intermittent pendant des mois ou des années.

Un traitement par G-CSF (granulocyte colony-stimulating factor) à long terme a également été utilisé chez d'autres patients qui ont une neutropénie chronique légère (notamment en cas de myélodysplasie, d'infection par le VIH, de maladies auto-immunes). Les avantages cliniques du traitement par G-CSF sont moins évidents, en particulier chez les patients qui n'ont pas de neutropénie sévère. En cas de pathologie auto-immune tels que certains patients qui ont un syndrome des gros lymphocytes granuleux [syndrome LGL [une maladie clonale faite de grands lymphocytes granulaires] ou de transplantation d'organe, la cyclosporine peut également être bénéfique.

Dans le passé, la splénectomie a été utilisée pour augmenter le nombre de neutrophiles en cas de splénomégalie et de séquestration splénique des neutrophiles (p. ex., syndrome de Felty); cependant, les facteurs de croissance et d'autres thérapies plus récentes étant souvent efficaces, la splénectomie doit être évitée. La splénectomie peut être envisagée en cas de splénomégalie douloureuse persistante ou de neutropénie sévère (c'est-à-dire, < 500/mcL [< 0,5 × 109/L]) avec infections graves contre lesquelles les autres traitements ont échoué. Les patients doivent être vaccinés contre les infections à Streptococcus pneumoniae, Neisseria meningitidis, et Haemophilus influenzae avant la splénectomie parce qu'elle prédispose aux infections par des microrganismes encapsulés.

Références pour le traitement

  1. 1. Pizzo PA: Management of patients with fever and neutropenia through the arc of time: A narrative review. Ann Intern Med 170(6):389-397, 2019. doi: 10.7326/M18-3192

  2. 2. Becker PS, Griffiths EA, Alwan LM, et al: NCCN guidelines insights: Hematopoietic growth factors, version 1.2020. J Natl Compr Canc Netw 18(1):12-22, 2020. doi: 10.6004/jnccn.2020.0002

  3. 3. Dale DC, Bolyard AA, Shannon JA, et al: Outcomes for patients with severe chronic neutropenia treated with granulocyte colony-stimulating factor. Blood Adv 6(13):3861-3869, 2022. doi: 10.1182/bloodadvances.2021005684

Points clés

  • La neutropénie prédispose à des infections bactériennes et fongiques.

  • Le risque d'infection est proportionnel à la gravité de la neutropénie; les patients présentant une neutropénie < 500/mcL (< 0,5 × 109/L) sont les plus à risque.

  • La réponse inflammatoire étant limitée, les signes cliniques peuvent être atténués, même si une fièvre est habituellement présente.

  • Les patients neutropéniques fébriles sont traités empiriquement par des antibiotiques à large spectre en attendant que l'infection soit définitivement identifiée.

  • La prophylaxie antibiotique peut être indiquée comme une stratégie à court terme chez les patients à haut risque.

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