Évaluation du patient présentant des troubles dentaires

ParRosalyn Sulyanto, DMD, MS, Boston Children's Hospital
Vérifié/Révisé avr. 2024
Voir l’éducation des patients

Le premier examen dentaire doit avoir lieu avant l'âge de 1 an ou lors de l'éruption de la première dent. Les bilans suivants doivent se faire tous les 6 mois ou dès que des symptômes se manifestent. Chez les sujets qui sont à risque plus élevé de maladie dentaire en raison de divers facteurs (p. ex., régime cariogène, 3 lésions ou restaurations carieuses ou plus au cours des 36 derniers mois, besoins de soins spéciaux, xérostomie), des intervalles plus courts entre les évaluations peuvent être nécessaires. L'examen du nez, de la bouche et du pharynx fait partie intégrante de tout examen clinique général. Les manifestations buccales de nombreuses maladies systémiques sont spécifiques, parfois pathognomoniques et peuvent représenter le premier signe d'une maladie (voir tableau Signes buccaux des troubles systémiques). Un cancer de la cavité buccale peut être détecté à un stade précoce.

(Voir aussi Introduction à la prise en charge du patient qui a des troubles dentaires.)

Anamnèse du patient présentant un trouble dentaire

Les symptômes dentaires importants sont les saignements, les douleurs, les troubles occlusaux, les péricoronarites, l'engourdissement ou les paresthésies et les problèmes de mastication (voir tableau Quelques symptômes oraux et causes possibles); les symptômes bucco-dentaires prolongés peuvent influer sur l'alimentation et entraîner une perte de poids. Les informations générales pour le public portent sur la consommation de l'alcool ou du tabac (les deux plus grands facteurs de risque des cancers de la tête et du cou) et des symptômes généraux tels que la fièvre et la perte de poids.

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Examen clinique du patient présentant un trouble dentaire

Un examen précis nécessite un bon éclairage, un abaisse-langue, des gants et des compresses. Les prothèses adjointes dentaires, totales ou partielles, doivent être enlevées afin d'observer les tissus sous-jacents.

Le visage

L'examinateur recherche tout d'abord au niveau du visage une asymétrie, une masse ou des lésions cutanées. Une petite asymétrie faciale est normale, mais une asymétrie importante peut témoigner d'une affection sous-jacente, soit congénitale soit acquise (voir tableau Troubles de la région orale selon les principaux sites impliqués).

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Les dents

On examine les dents, leur forme, alignement, anomalies éventuelles, mobilité, couleur, la présence de plaque adhérente ou de materia alba (bactéries mortes, débris alimentaires, cellules épithéliales) et de tartre.

Les dents sont percutées légèrement avec un abaisse-langue ou un manche de miroir afin d'évaluer leur sensibilité (à la percussion). La sensibilité à la percussion peut évoquer une nécrose pulpaire sur carie profonde avec abcès périapical ou une maladie parodontale sévère. Une sensibilité à la percussion ou des douleurs à la mastication peuvent également indiquer une fracture incomplète en bois vert d'une dent. La sensibilité à la percussion de plusieurs dents maxillaires adjacentes peut être en rapport avec une sinusite maxillaire. La sensibilité à la palpation autour de la région apicale des dents peut également faire suspecter un abcès.

Des mobilités dentaires sont habituellement le signe d'une maladie parodontale grave mais elles peuvent également être dues à un bruxisme (grincement des dents) ou à un traumatisme qui auraient endommagé les tissus parodontaux. Rarement, des dents peuvent se déchausser lorsque l'os alvéolaire est érodé par une masse sous-jacente (p. ex., améloblastome, granulome éosinophile). On doit suspecter une tumeur ou une maladie systémique (p. ex., diabète sucré, hyperparathyroïdie, ostéoporose du syndrome de Cushing) devant des pertes et mobilités dentaires sans dépôt de plaque et sans tartre.

Le tartre est la minéralisation de la plaque bactérienne, une concrétion de bactéries, de résidus alimentaires, de salive et mucus, par des sels de calcium et de phosphate. Après le nettoyage de la dent, une pellicule de mucopolysaccharides se dépose presque immédiatement. Après environ 24 heures, la colonisation bactérienne transforme ce dépôt pelliculaire en plaque. Après environ 72 heures, la plaque commence à se calcifier et se transforme en tartre. Lorsqu'il existe, le tartre se trouve surtout sur les surfaces linguales (internes, près de la langue) des dents antérieures de la mandibule, près des orifices des canaux des glandes sous-maxillaires et sublinguales (canaux de Wharton) et sur les surfaces vestibulaires (joue) des molaires maxillaires, en regard des orifices parotidiens (canaux de Sténon).

Les caries dentaires apparaissent d'abord comme des taches blanches/défauts de l'émail dentaire dus à la déminéralisation. La progression des caries aboutit à une lésion cavitaire. La reminéralisation d'une tache blanche (stade initial de la carie), pour laquelle ont utilise habituellement des composés de fluorure ou de phosphate de calcium, ce qui entraîne la réparation du défaut de l'émail.

Une usure des dents peut résulter d'une exposition à l'acide gastrique en raison d'un reflux gastro-œsophagien (érosion), d'une action mécanique (attrition ou abrasion) due à un bruxisme ou à une couronne de porcelaine qui frotte contre l'émail de la dent opposée (la porcelaine est plus dure que l'émail) ou du vieillissement. L'usure rend la mastication moins efficace et induit une sensibilité des dents non cariées lorsque l'émail érodé expose la dentine sous-jacente. La dentine devient sensible au contact et aux changements de température. Le dentiste peut insensibiliser ces dents ou rétablir leur anatomie en plaçant des couronnes prothétiques ou des onlays sur ces dents trop usées. Dans les cas de sensibilité mineure, la racine exposée peut être insensibilisée par l'application de fluorure, de fluorure diamine d'argent ou de nitrate de potassium ou d'agents qui se fixent à la dentine.

Des dents malformées peuvent être le signe d'une anomalie du développement ou d'une maladie endocrine. Dans le syndrome de Down, les dents sont petites, parfois avec une agénésie des incisives latérales ou des prémolaires et des incisives centrales de forme conique. Dans la syphilis congénitale, les incisives peuvent être rétrécies au tiers incisal, leur donnant une forme de cheville ou de tournevis avec une encoche dans la partie centrale du bord incisif (incisives d'Hutchinson) et les 1ères molaires sont petites, avec une table occlusale rétrécie et un émail rugueux et lobulé souvent hypoplasique (molaire de mûrier). Dans la dysplasie ectodermique congénitale, les germes dentaires sont absents ou les dents coniques, ainsi, une prothèse adjointe peut être nécessaire dès l'enfance.

La dentinogenèse imparfaite, un trouble autosomique dominant, provoque une dentine anormale qui est d'un brun bleuâtre terne et opalescente et ne soutient pas correctement l'émail sus-jacent. Ces dents ne supportent pas les contraintes occlusales et s'usent rapidement.

Chez les personnes qui présentent un déficit en hormone de croissance ou une hypoparathyroïdie congénitale, les racines dentaires sont petites; en cas de gigantisme, les racines sont grandes. L'acromégalie entraîne une hypercémentose des racines ainsi qu'une augmentation de volume des maxillaires, générant de larges espaces interdentaires. L'acromégalie peut également provoquer une béance, une situation qui se produit lorsque les incisives maxillaires et mandibulaires ne sont pas en contact lorsque les mâchoires sont fermées.

Des incisives latérales congénitalement étroites peuvent exister en l'absence de maladie systémique. Les dents le plus souvent absentes congénitalement sont, par ordre de fréquence, les 3e molaires, les incisives latérales maxillaires et les 2e prémolaires mandibulaires.

Les anomalies de coloration des dents doivent être distinguées des colorations brunes ou jaunes causées par les pigments alimentaires, l'âge et principalement, la fumée. Une dent peut devenir grise en cas de nécrose pulpaire, due habituellement à des caries profondes atteignant la pulpe ou en cas de dépôts d'hémosidérine dans la dentine après un traumatisme, avec ou sans nécrose pulpaire.

Les dents des enfants prennent une coloration sombre et permanente après l'administration, même à court terme de tétracyclines à la mère, au cours de la 2e moitié de sa grossesse ou à l'enfant, pendant l'odontogenèse (la croissance de la denture), en particulier lors de la calcification des couronnes qui dure jusqu'à l'âge de 9 ans. Les tétracyclines n'induisent que rarement une anomalie permanente de coloration des dents complètement édifiées chez l'adulte. Cependant, la minocycline brunit les os, ce qui peut être visible dans la bouche lorsque la gencive et la muqueuse sous-jacente sont fines. En lumière ultraviolette, les dents affectées sont fluorescentes selon un spectre caractéristique du type de tétracycline pris.

Dans les porphyries congénitales, les dents temporaires et permanentes peuvent avoir une coloration anormale rouge ou brunâtre, mais présentent toujours une fluorescence rougeâtre due aux dépôts de pigments dans la dentine. L'hyperbilirubinémie congénitale (ictère) entraîne une anomalie de coloration jaunâtre des dents.

Les dents peuvent être blanchies (voir tableau Procédures de blanchiment des dents).

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Les anomalies de l'émail peuvent être dues au rachitisme, qui provoque l'apparition d'une bande rugueuse et irrégulière au sein de l'émail. Toute maladie fébrile prolongée pendant l'odontogenèse peut produire de façon permanente une étroite zone piquée d'émail crayeux ou simplement une anomalie de coloration blanche, visible après l'éruption de la dent. Ainsi, l'âge auquel la maladie est survenue et sa durée peuvent être estimés par la topographie et l'épaisseur de la bande.

Des piqûres de l'émail sont également observées dans le complexe de la sclérose tubéreuse et le syndrome d'Angelman. L'amélogenèse imparfaite, maladie autosomique dominante, entraîne des hypoplasies sévères de l'émail. Les vomissements chroniques et les reflux gastro-œsophagiens déminéralisent les couronnes dentaires, principalement les surfaces linguales des dents antérieures maxillaires.

Le reniflement chronique de cocaïne peut provoquer une déminéralisation étendue des dents, car la drogue se dissocie dans la salive en une base et de l'HCl. L'usage chronique de méthamphétamines induit une xérostomie, qui aggrave nettement les caries dentaires et l'inflammation parodontale («bouche de méthamphétamine»).

Les nageurs, qui passent beaucoup de temps dans les piscines surchlorées, perdent de grandes quantités d'émail sur les faces vestibulaires des dents, en particulier les incisives, les canines et les 1ères prémolaires maxillaires. Lorsque du bicarbonate de sodium a été ajouté dans l'eau des piscines pour corriger le pH, alors des dépôts de tartre bruns se forment mais les dents peuvent être détartrées.

La fluorose est une anomalie de la coloration qui peut se développer chez les enfants qui boivent de l'eau contenant > 1,5 ppm de fluorure au cours du développement des dents. La fluorose dépend de la quantité de fluorures ingérée et de l'âge de l'enfant lors de l'exposition. Les modifications de l'émail vont de zones opaques blanchâtres et irrégulières, à d'importantes dyschromies brunâtres de toute la couronne, avec rugosité de la surface. Ces dents sont très résistantes aux caries dentaires.

La bouche et la cavité buccale

Les lèvres sont palpées. Avec le patient bouche ouverte, la muqueuse buccale et les vestibules sont examinés avec un abaisse-langue; puis le palais dur et mou, la luette et l'oropharynx sont examinés. On demande au patient de tirer la langue le plus possible, exposant sa face dorsale, puis de la déplacer latéralement le plus loin possible afin de voir ses bords postérolatéraux. Lorsqu'un patient ne réussit pas à tirer suffisamment la langue pour montrer les papilles caliciformes, l'examinateur saisit le bout de la langue au moyen d'une compresse et la tire vers lui. Puis, la langue est soulevée pour observer sa face ventrale et le plancher de la bouche. Les dents et les gencives sont examinées.

Une répartition anormale de la muqueuse kératinisée ou non kératinisée requiert une attention particulière. Un tissu kératinisé survenant dans une zone normalement non kératinisée apparaît blanc. Cette anomalie, appelée leucoplasie, nécessite une biopsie, puisqu'elle peut être cancéreuse ou précancéreuse. Plus inquiétantes encore sont les surfaces de muqueuse amincies. Ces zones rouges, appelées érythroplasie, lorsqu'elles durent au moins 2 semaines, en particulier sur la partie ventrale de la langue et le plancher de la bouche, font suspecter une dysplasie, un carcinome in situ ou un cancer oral à cellules malpighiennes.

Avec des mains gantées, l'examinateur palpe les vestibules et le plancher de la bouche, dont les glandes sublinguales et sous-mandibulaires. Pour faciliter la palpation, l'examinateur demande au patient de relâcher les muscles de la bouche en la gardant entrouverte.

Articulation temporomandibulaire

L'articulation temporomandibulaire est examinée en recherchant une déviation de la mandibule lors de l'ouverture de la bouche et en palpant la tête du condyle en avant de l'oreille pendant cette ouverture. L'examinateur place ensuite son petit doigt dans les conduits auditifs externes avec la pulpe du doigt dirigée légèrement vers l'avant tandis que le patient ouvre complètement la bouche et la referme de manière répétée. Le patient doit également être en mesure d'ouvrir la bouche suffisamment pour permettre l'insertion verticale de 3 doigts entre les incisives (soit de 4 à 5 cm).

Un trismus (impossibilité d'ouvrir la bouche) fait évoquer une péricoronarite (cause la plus fréquente), une sclérodermie, une arthrite, l'ankylose ou la luxation de l'articulation temporomandibulaire, le tétanos ou l'abcès périamygdalien. Une ouverture excessive de la bouche évoque une subluxation ou un syndrome d'Ehlers-Danlos de type III.

Tests du patient présentant un trouble dentaire

Chez un nouveau patient ou pour une personne qui demande des soins multiples, il faut effectuer un bilan rx complet de la bouche. Ce bilan consiste en 14 à 16 films périapicaux, qui montrent les racines et l'os, plus 4 films rétro-coronaires pour vérifier la présence de caries interdentaires. Les techniques modernes réduisent l'exposition aux radiations à un niveau presque négligeable.

Les patients qui présentent un haut risque de caries (c'est-à-dire, ceux chez qui des caries ont été diagnostiquées à l'examen clinique ou qui ont de nouvelles restaurations ou qui ont des récidives de caries sur des dents déjà restaurées) doivent refaire des rx rétro-coronaires tous les 6 à 12 mois. Autrement, les rx rétro-coronaires sont indiquées tous les 2 à 3 ans.

Une radiographie panoramique peut fournir des informations utiles sur le développement des dents, les kystes ou les tumeurs des mâchoires, les dents surnuméraires ou congénitalement absentes, sur l'inclusion de la 3e molaire, le syndrome d'Eagle (moins souvent) et les plaques carotidiennes.

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